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Ce que #MeTooGay doit aux féministes, et à leur lutte contre le patriarcat

En se succédant dans cet ordre-là, les mouvements #MeToo, #MeTooTrans, #MeTooInceste et aujourd’hui #MeTooGay ont permis d’éclairer en quoi les violences sexuelles sont des violences patriarcales — contre lesquelles les féministes agissent depuis des décennies.

Dans l’écrasante majorité des cas, les violences sexuelles sont commises par des hommes sur des personnes minorisées — en tant que femme pour #MeToo, transgenre pour #MeTooTrans, enfant pour #MeTooInceste, ou gay pour #MeTooGay.

Agresser des enfants ne dit pas tant quelque chose de l’orientation sexuelle (car beaucoup d’hommes hétérosexuels abusent de jeunes garçons) mais bien d’un rapport de force. Cela explique aussi la surexposition des personnes handicapées aux violences.

Comme le martèlent de nombreuses féministes depuis des décennies, et le titre même Clémence Allezard pour sa récente série documentaire : le viol est avant tout une affaire de dominations, massivement exercées par des hommes, auxquels le patriarcat fait bénéficier d’une forme d’impunité.

Le double-stigmate d’être gay et victime dans une société homophobe

#MeTooGay montre ce qu’une grande part de la société refuse d’admettre : c’est que des hommes peuvent abuser d’autres hommes adultes, non parce que les agresseurs seraient des homosexuels détraqués, mais parce que, là encore, le patriarcat le facilite.

Car, malgré les lois, la société stigmatise toujours les homosexuels, ce qui en fait des proies plus vulnérables que les hommes cis-hétéro, structurellement. On peut également intérioriser cette homophobie en tant que gay. Quand on est en plus victime d’abus, la stigmatisation devient double : comment obtenir réparation face à des soignants, une police, une justice, et des politiques parfois pétries de préjugés homophobes ?

Tweet faisant référence au soutien affiché par Marlène Schiappa à Gérald Darmanin, accusé de viol et opposé au Mariage pour tous

D’autant que l’imaginaire collectif, qui cherche souvent à trouver des causes à l’homosexualité, pourrait être prompt à faire des abus (subis dans l’enfance, l’adolescence ou même une fois adulte) l’origine de cette orientation sexuelle. Grosso modo : « Ah, c’est parce que tu as été violé que tu es devenu gay »

Matthieu Foucher, qui a signé en septembre 2020 pour Vice une enquête sur les violences sexuelles subies par les gays, nous résume ainsi ce dilemme :

« Comment échapper au double-stigmate d’être homo et victime, quand les discours pathologisants et homophobes voudraient faire de l’homosexualité la conséquence de ces abus ? »

Cette crainte se combine également à celle de faire partie de la même communauté que son agresseur. Quand on est une minorité, les actions de certains peuvent servir à disqualifier le groupe social entier aux yeux de la majorité ; beaucoup de gays victimes de violences sexuelles ont donc préféré garder le silence, de peur d’offrir du grain à moudre aux homophobes, trop prompts à vouloir repathologiser ou recriminaliser l’homosexualité.

Les gays, dans la zone grise du patriarcat

Si cette prise de parole a tant hoqueté avant d’exploser pour provoquer l’écoute, c’est aussi parce qu’à la différence des #MeToo précédents,

les hommes gays entretiennent une relation ambivalente avec le patriarcat.

L’autrice Monique Wittig affirmait que « les lesbiennes ne sont pas des femmes » dans La Pensée Straight pour souligner qu’elles échappent en partie au régime patriarcal qui instaure en normes d’être cisgenres et hétéro, et stigmatise donc les sexualités et identités de genre minoritaires (plutôt que de les voir comme de simples variations du vivant).

Seulement, cette norme cishétéronormative peut également être intériorisée par certaines personnes, dont beaucoup de gays qui en reproduisent et déclinent certains schémas et comportements. Le sociologue Damien Trawalé, qui travaille beaucoup sur l’articulation de l’homophobie et du racisme, explique à Madmoizelle :

« Dans notre société patriarcale, les hommes cishétéros représentent la masculinité hégémonique, et donc celle des hommes gays apparaît comme subalterne. Mais même entre eux, les gays peuvent produire du genre, et d’éventuelles hiérarchisations genrées. Ces rapports de pouvoir peuvent aussi s’articuler à des enjeux de classes et de races sociales. »

Autrement dit, les gays peuvent cultiver tout un panel d’expressions de masculinités différentes, d’où les étiquettes telles que « twink » (jeune homme mince plutôt imberbe) ou « bear » (homme plus gros et velu). Sauf que cette pluralité faisant partie de la richesse de la culture gay se joue au sein d’une société homophobe, qui privilégie donc les expressions les plus proches de la masculinité hégémonique.

C’est également à cause de l’homophobie que les jeunes découvrent souvent leur homosexualité isolé, en cachette, via Internet, parfois avec des hommes plus âgés. Ces asymétries courantes ne résultent pas nécessairement dans la violence — et se passent même généralement bien, tout en pouvant aider à s’intégrer dans la communauté gay — mais servent à beaucoup comme éducation sexuelle, puisque l’école publique ne remplit pas sa mission de ce côté-là.

Damien Trawalé complète :

« Les garçons sont peut-être moins socialisés que les filles à la question du consentement, qui est un objet politique dont la définition peut varier en fonction des générations, des contextes institutionnels et juridiques. La construction de la masculinité se fonde en partie autour des idées d’agressivité, de conquête sexuelle, de compétition. Ce qui fait qu’être victime de violences sexuelles peut apparaître comme une atteinte à la masculinité, et donc complique leur dénonciation. »

Comme si le silence était constitutif de la masculinité : il faudrait taire ses souffrances pour continuer d’être des hommes.

Les alliances à tisser pour détricoter le patriarcat

Heureusement la communauté LGBTQ+ n’est pas aussi binaire pour autant. Damien Trawalé tient ainsi à souligner des espaces de redéfinitions de ces normes :

« Des groupes gays, queers, et TransPédéGouine se construisent aussi comme des espaces de résistance à la masculinité hégémonique, ce qui permet la production de safe places. Plusieurs groupes de minorités de genres et sexuelles existent, conscientisent et politisent plus ou moins ces enjeux. #MeTooGay contribue justement à les visibiliser plus largement, donc de les politiser, ce qui sera peut-être suivi d’effets sociaux. »

La société semble de plus en plus apte à écouter et comprendre l’importance des violences produites par le patriarcat, grâce notamment au travail des féministes. Jean-Baptiste, parmi les premiers à témoigner sur #MeTooGay, se souvient du sentiment d’avoir « le cul entre deux chaises » au #MeToo initial de 2017 :

« Je voulais parler en tant que victime mais m’en sentais interdit en tant qu’homme face à un mouvement créé et rendu possible par des féministes. »

#MeTooGay permet de visibiliser cet angle-mort : certes, les gays étant des hommes, ils bénéficient en partie du patriarcat, et le reproduisent même parfois comme mécanisme de défense face à l’homophobie… mais ils en subissent aussi les violences.

C’est ce que nous disaient déjà les féministes, et qu’on arrive mieux à comprendre, intégrer et appliquer aujourd’hui afin d’agir contre le patriarcat, avec elles, poursuit le linguiste de 27 ans :

« On doit se remettre en question et agir en tirant les leçons de ce qui a été fait sur nous en tant que mecs afin de participer activement à la lutte contre le patriarcat avec les féministes. L’une des clés de #MeTooGay, c’est de justement faire prendre conscience qu’il ne s’agit pas que d’une parole d’hommes, mais bien d’hommes homosexuels assujettis à la violence de l’hétéro-patriarcat.

Je me réjouis du soutien que les féministes apportent à #MeTooGay aujourd’hui. »

Matthieu Foucher trouve également le soutien des féministes essentiel :

« #MeTooGay n’est pas le linge sale de la seule communauté gay, ni une tentative de monopoliser l’attention sur les hommes, mais l’espoir que des victimes systémiques puissent être entendues comme telles. Les jeunes LGBTI+ comptent parmi les populations les plus touchées par les violences intrafamiliales, notamment sexuelles, dans le cadre de la famille hétérosexuelle donc. Si l’on veut détricoter le patriarcat sous toutes ses coutures, on ne peut pas l’ignorer.

Je crois qu’il est temps qu’on produise ensemble une grille de lecture et de lutte capable d’articuler ces violences sans les mettre en compétition, sans penser que l’une annulerait l’autre. Il est temps d’être complices contre le patriarcat. »

Agir ensemble contre un ennemi commun : voilà l’espoir que #MeTooGay fait naître.

À lire aussi : Un homme victime de viol s’exprime : « Je ne savais pas que ça pouvait arriver aux hommes »


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Les Commentaires

4
Avatar de ~*Galaxy*~
1 février 2021 à 18h02
~*Galaxy*~
L’autrice Monique Wittig affirmait que « les lesbiennes ne sont pas des femmes » dans La Pensée Straight pour souligner qu’elles échappent en partie au régime patriarcal qui instaure en normes d’être cisgenres et hétéro, et stigmatise donc les sexualités et identités de genre minoritaires (plutôt que de les voir comme de simples variations du vivant).

...Pardon mais c'est super débattable comme affirmation. Je vois d'où on pourrait avoir cette idée mais ouch
2
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