Cette semaine, le podcast hebdomadaire Le seul avis qui compte, dans lequel Kalindi chronique sa mauvaise humeur ciné, s’en prend à la saison 2 de la série La Chronique des Bridgerton. L’article ci-dessous est une retranscription du podcast.
Contrairement aux apparences, il y a plus de trucs que j’aime dans la vie, que de trucs que j’aime pas. Par exemple, j’adore les tentes Queshua qui se déplient en 1 seconde, j’adore le mot goujon, j’adore manger des gougères d’ailleurs aussi et c’est marrant parce que c’est presque le même mot, j’adore le Selles-sur-Cher, et j’adore même mon courtier, principalement parce qu’il s’appelle Glenn.
Mais si ya un truc que j’arrive pas à aimer, bon sang de bois, c’est quand même La fucking Chronique des Bridgerton, que j’appelle personnellement La Chronique boring des gens boring, en ma qualité de personne bilingue.
Pourtant, croyez-moi, j’ai mis toute la bonne volonté du monde à regarder cette nouvelle saison, qui est sortie vendredi dernier sur Netflix. Par exemple, j’ai essayé de croire très fort que Jonathan Bailey jouait bien la comédie et que le château des Bridgerton ressemblait pas à la salle des fêtes de Bobigny.
En vain.
Le Vicomte Anthony Bridgerton : le pire mec
Il s’avère qu’en dépit des (nombreuses) qualités du programme, parmi lesquelles ses tentatives de discours féministe et son casting qui fait la part belle à la diversité ethnique, le programme entier est malheureusement chiant comme un dimanche de pluie à Ouistreham. Ou comme Ouistreham tout court en fait.
Déjà que la saison 1 m’avait roulé dessus comme si j’étais un vulgaire gobelet en plastique au milieu de l’A87, la saison 2 a achevé de me faire perdre foi en la vie. Tout simplement.
Cette saison 2, c’est sans doute ce qui est arrivé de pire à l’humanité depuis la découverte de la betterave. Alors, de quoi ça parle ?
Eh bien… attendez j’essaie de me souvenir.
Ah oui voilà, le Vicomte Anthony Bridgerton cherche une épouse. Qui s’en fout ?
Étonnamment personne, car le type a plus de succès qu’un vendeur d’atebas à un concert de Tryo. Pourtant c’est un infect individu, qui mériterait de mourir seul, après avoir mangé trop de boites de miettes de thon à une table en formica, mais ça n’est que mon avis. Et c’est le seul qui compte donc bon !
Anthony, en sa qualité de macho en culotte courte, cherche une épouse douce, belle, intelligente (mais pas trop) qui serait balaise en musique, lirait toute la sainte journée, lui pondrait des enfants à tour de bras etc.
La seule chose qui le désintéresse, c’est l’amour.
Anthony Bridgerton a peur de l’amour
L’amour lui, il s’en fiche. Ou plutôt, il en a peur. C’est que voyez-vous, sa mère a mis du temps à faire le deuil de son époux et qu’Anthony a dû assister, impuissant, à la longue détresse de sa daronne suite au décès de l’ancien Vicomte. Ainsi, il recherche une épouse « parfaite » — peu importe ses sentiments à son égard.
De leur côté, les sœurs Sharma, qui sont ennuyeuses à mourir mais quand même moins qu’Anthony boring Bridgerton, font une arrivée en fanfare à la cour.
Si la plus âgée des deux est considérée, à 26 ans, comme une vieille fille, la cadette est vite remarquée par la Reine, qui l’élit Diamant de l’année. Ce qui est à peu près la pire élection !
Ce qui signifie que tous les jeunes hommes du royaume (et aussi tous les vieux culs) vont la courtiser pour espérer gagner sa main. Edwina, de son prénom, est immédiatement attirée par le Vicomte Bridgerton, car elle a le discernement d’une chaise en étain. Anthony, qui cherchait justement une donzelle bien sous tous rapports, lui met le grappin dessus.
Seule ombre au tableau ? La grande sœur d’Edwina, qu’il trouve désagréable et orgueilleuse.
HÔPITAL CHARITÉ ANTHONY !
Évidemment, leur haine réciproque va vite muter en passion ardente, bla bla bla, vous connaissez le topo.
Vous avez l’impression d’avoir vu cette intrigue 206 mille fois au cinéma ? C’est sans doute parce que vous l’avez vue 206 mille fois au cinéma.
Un homme et une femme qui masquent leur enclin réciproque derrière une haine mondaine, c’est le pitch de 80% des romans anglais du XIXè siècle. Bon ok, j’exagère peut-être un peu, mais c’est au moins le pitch d’Orgueil et préjugés de Jane Austen. Et personne ne peut faire mieux que Jane Austen, OK ? Alors on arrête de déconner maintenant et on pose son stylo sur la table au lieu d’écrire des conneries !
Bref, Anthony, Kate et Edwina vont former un triangle amoureux ronflant, gangrené par les responsabilités mondaines des uns et des autres. Évidemment, comme on est dans Bridgerton, chaque élément auquel on s’attend… finit par arriver.
Un peu comme dans Plus belle la vie quoi. En vrai, remplacez Anthony Bridgerton par Roland Marci et vous obtenez à peu près la même zumba.
Anthony Bridgerton, mon némésis
Oui, j’ai une dent contre Anthony Bridgerton, mais c’est normal : il est résolument nul en tous points.
OK, j’ai compris qu’il était triste d’avoir perdu son papounet alors qu’il n’était qu’un ado, mais est-ce une raison pour être un sombre connard ? Bien sûr que non, regardez Harry Potter.
Ah non pardon mauvais exemple, Harry est une grosse vicos devant l’éternel, on ne souhaite à personne de lui ressembler. Y a pas un juste milieu entre le connard et la vicos ? Je sais pas moi, dans un monde où Joaquin Phoenix dans Her existe, ça me semble pas déconnant comme requête !
En plus, Anthony, il a des goûts de chiotte en matière de bague de fiançailles. Moi, tu m’offres la bague qu’il a achetée pour Edwina là, en forme de marguerite infernale, je la lui jette dessus et je lui dis « retourne m’acheter une bague qui a du charisme ! »
Quel ringard !
Anthony, c’est un macho de base, à qui tout le monde passe ses caprices. D’ailleurs, tous ses frères et sœurs savent pertinemment qu’il est imblairable, mais plutôt que de l’envoyer bouler, ils préfèrent arguer : « Oh, c’est Anthony, il est comme ça ».
Euh… oui d’accord, mais à ce compte-là, c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres.
« Oh, vous savez, c’est Poutine, il est comme ça ».
Non vraiment, c’est pas OK d’être un gros connard, même si on est vicomte et qu’on est fort en escrime. Moi j’ai fait de l’escrime pendant 8 ans par exemple — c’est vrai, demandez à ma mère — mais est-ce que ça m’empêche d’être agréable avec autrui ? (Bon OK, mauvais exemple.)
Heureusement, les scénaristes du show ont pris soin de faire évoluer Anthony du début à la fin de cette seconde saison, mais jamais sans le départir d’une certaine absence de nuance qui le rend absolument méprisable et antipathique.
La platitude de l’intrigue amoureuse d’Anthony et Kate
Sans compter que son histoire avec Kate Sharma est strictement dépourvue de crédibilité. Je vous assure qu’il y a plus de tension sexuelle entre un financier pistache et moi qu’entre Anthony et Kate Sharma.
D’ailleurs, les mécaniques scénaristiques de progression de leur relation sont systématiquement les mêmes, ce qui confère à la série une impression désagréable de redondance.
Leur « passion » n’évolue que lors d’activités, comme la chasse ou le cricket, sans que rien de profond, à part une vague histoire de mariage raté posée au milieu, ne les empêche réellement de vivre leur histoire. Je suis là : mais mariez-vous et cessez de nous emmerder !
On ressort donc de Bridgerton saison 2 avec l’impression de s’être tapé 8 heures d’un seul et même film qu’on aurait laissé tourner en boucle.
Même l’affaire de fond, qui relie tous les personnages entre eux, sur la quête de l’identité véritable de Lady Whistledown, débarque dans les épisodes avec ses gros sabots, et on devine du coup tout ce qu’il va se passer… 4 heures avant que cela se passe.
Alors OK, je regarde par Bridgerton pour son suspens, je suis bien consciente que ça n’est pas 24h Chrono, mais il y a des limites à ce que mon cerveau peut endurer en termes de prévisibilité.
Les clichés dans La Chronique des Bridgerton saison 2
Et aussi en termes de clichés. Prenez Eloïse Bridgerton, par exemple ! Bonne idée, sur le papier, d’avoir un personnage archi-féministe, anti-mariage, qui prône l’éducation de toutes les femmes et l’abolition de la suprémacie masculine.
Mais était-on obligé de demander à l’actrice d’adopter la démarche d’un VRP de Caméra café pour faire comprendre qu’elle ne rentre pas dans le moule des fifilles de la haute-société ? Est-il possible d’équiper nos personnages d’un minimum de crédibilité dans cet enfer de perruques turquoises ?
Tout ça, c’est vraiment dommage, car une écriture plus musclée du scénario aurait pu rendre hommage à la belle intention de la société de production Shondaland : celle de faire jouer une histoire ancrée pendant la Régence anglaise du XIXe siècle par des acteurs aux origines plurielles, auxquels beaucoup d’individus différents peuvent s’identifier.
Mais non, l’intrigue, fondue dans le sucre, n’est rien de plus qu’une énième histoire parfaitement anecdotique qu’on aura oublié dans 2 semaines. D’ailleurs regardez, j’ai déjà oublié. Bridgerquoi ?
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Le seul avis qui compte est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Kalindi Ramphul. Réalisation, musique et édition : Mathis Grosos. Rédaction en chef : Mymy Haegel. Direction générale : Marine Normand.
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