Un grand changement attend peut-être les sites porno.
La France pourrait bloquer l’accès des sites porno aux mineurs
Dans la nuit du 9 au 10 juin, le Sénat a en effet adopté un amendement qui prévoit le blocage de tout site proposant du contenu pornographique trop facilement accessible aux mineurs.
Le texte n’a pas encore adopté.
Jusqu’à présent, le formulaire de confirmation de ton âge que tu vois s’afficher en page d’accueil des sites porno suffisait.
Mais l’amendement veut aller plus loin : s’il passe dans la loi, les plateformes devront vérifier l’âge de leurs utilisateurs en demandant par exemple un document d’identité ou l’utilisation de leur carte bancaire.
Les sites qui ne respecteraient pas les conditions recevraient un avertissement du CSA.
Ce dernier pourrait par la suite saisir le tribunal judiciaire de Paris pour ordonner le blocage du site par les fournisseurs d’accès Internet, et leur déréférencement sur les moteurs de recherche.
Mineurs et porno : les chiffres
De plus en plus d’ados regardent du porno : selon un sondage de 2017, la moitié des adolescents de 15 à 17 ans (51%) déclarait avoir déjà consulté des sites pornographiques.
Des chiffres qui posent question alors que selon le même sondage, 50% des adolescents rapportaient avoir vu leur premier contenu porno par hasard, et plus de 50% estimaient qu’ils étaient trop jeunes à l’époque.
Mais je ne sais pas trop quoi penser de cet amendement visant à empêcher les mineurs de consulter des sites pornographiques…
Le porno, une mauvaise influence sur les mineurs ?
D’un côté, j’ai de profondes réserves à l’égard de l’impact que peut avoir le porno mainstream. Surtout sur des personnes mineures qui se trouvent à l’aube de leur vie sexuelle.
« Le porno, c’est pas la réalité ! »
Cette phrase, je l’ai entendue des centaines de fois.
Pourtant, j’ai moi-même ressenti un profond malaise plus jeune en me baladant sur des sites porno : étais-je normale si ce qui me faisait kiffer était à 10 000 lieux de ce que je voyais à l’écran ?
Je ne m’identifiais pas aux gros plans centrés sur la pénétration, je ne trouvais aucun plaisir à regarder des hommes au visage hors-champ et au corps non érotisé ramoner la coquillette d’actrices dont le plaisir était visiblement factice.
Ces images ont insidieusement influencé ma sexualité, et ont longtemps constitué un frein au moment de communiquer pleinement mes désirs à mes partenaires.
J’avais peur qu’ils me trouvent bizarre…
Et cela va sans dire, certaines vidéos, tags ou commentaires sont violents, surtout envers les femmes.
Bref, tu l’auras compris, chère lectrice, je n’aime pas le porno mainstream. Je trouve qu’il est trop souvent réalisé pour les hommes, et pas toujours dans des conditions respectueuses des employées (et employés).
Un blocage des sites porno qui pourrait être contourné
Mais malgré mes réserves quant au porno mainstream et à son influence sur les mineurs, je reste TRÈS sceptique face à l’amendement voté par le Sénat.
En effet, j’ai peur que tenter d’interdite les sites porno aux mineurs ne décuple leur attirance pour la chose, ainsi que le tabou autour du sujet.
Et c’est justement quand on ne peut pas déconstruire et débattre de certains sujets qu’ils deviennent dangereux.
Deuxièmement, le blocage des sites porno pourrait être contourné. Cela pourrait exposer des adolescents souhaitant regarder du porno à contenus bien plus sombres et moins contrôlés.
De plus, cette mesure ne serait pas forcément efficace, surtout pour les plus gros sites X. En effet, selon l’avocat spécialisé en droit des nouvelles technologies Alexandre Archambault, interviewé par BFM TV :
« Il s’agira d’un blocage DNS, facilement contournable dans l’état actuel des choses. Plus concrètement, il n’est pas exclu que les plateformes pornographiques conçoivent leurs propres applications maison pour y échapper. »
Des applications qui seraient, encore une fois, moins faciles à surveiller, et donc plus dangereuses.
Un blocage qui pourrait menacer des sites porno plus inclusifs
De plus, ces blocages devraient s’appliquer à TOUS les contenus considérés comme pornographiques, et pas qu’au porno mainstream au sujet duquel je t’exposais mes réserves.
Par exemple, le site Le Tag Parfait, qui analyse la culture porn et son impact culturel et laisse la parole aux personnes travaillant dans le milieu du porno, craint d’être lui aussi dans le viseur de l’amendement.
Carmina, sa rédactrice en chef, confie dans le même article de BFM TV :
« Il n’y a pour le moment pas d’outil idéal, et certaines solutions, dont la mise en place d’un paywall, sont très lourdes à mettre en place, sur les plans technique et financier.
Nous n’avons concrètement pas les moyens de recourir à cette solution et le vote définitif du texte pourrait purement et simplement signer la fin du magazine. »
Cette mesure pourrait donc menacer des contenus et sites pornographiques non mainstream, qui renvoient une vision de la sexualité plus inclusive et aux conditions de travail éthiques !
Alors plutôt que de tenter la mission hasardeuse d’interdire le porno aux mineurs, et si on traitait le problème sous un autre angle ?
Par exemple en laissant leur chance à des contenus pornographiques plus inclusifs et plus respectueux, et en développant une éducation sexuelle bienveillante, sans tabous et sans langue de bois dès le plus jeune âge !
Et toi, qu’en penses-tu, chère lectrice ?
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Les Commentaires
Je ne pense pas que le porno soit le problème en soi, en tant que représentation cinématographique du sexe.
Par contre, pour les sites que j'ai vus, effectivement je trouve que les pages d'accueil sont ULTRA limites pour un jeune public (tout est mélangé en fait et il peut y avoir des trucs bien hardcore et chelous sur la 1ère page quoi...). J'ai l'impression d'être la seule que ça choque (y a des trucs qui m'ont vraiment choquée passé 20 ans donc un jeune de 15 ans j'imagine même pas).
Mais je trouve la société ultra hypocrite en fait. Car certains clips vidéos sont carrément pires que certaines vidéos "porno", et même certains bouquins de littérature érotique qui en plus de véhiculer des idées malsaines (bien sexistes sur tous les points, pas uniquement le cul coucou Fifty Shades :hello l'encadre de romance. Ou quand on connaît les conditions de travail des actrices. Et les sites grand public qui sont des répertoires de vidéos venant de partout avec 0 filtre ou sélection (genre des films russes ultra bizarres où tu t'inquiètes sérieusement pour la meuf de la vidéo :oo
Bref à priori selon moi le problème n'est pas le porno mais l'"état" du porno, des sites, des conditions.