Depuis plusieurs années, la question anime les débats : le porno peut-il être une addiction ? Pouvons-nous « consommer » le porno comme nous consommerions une drogue ?
L’addiction au porno : définition
Face à ces questionnements, je vais d’abord rappeler ce qui caractérise une addiction !
D’un point de vue scientifique, l’INSERM définit les addictions comme :
« Des pathologies cérébrales définies par une dépendance à une substance ou une activité, avec des conséquences délétères. »
Addiction au porno ou habitude de consommation ?
Selon cette définition, plusieurs « critères » sont donc nécessaires pour diagnostiquer une addiction.
Dans notre cas, il ne suffirait pas de « regarder beaucoup de porno », il faudrait également qualifier la dépendance et observer des conséquences néfastes sur le quotidien.
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Le DSM (le Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux, qui répertorie l’ensemble des troubles mentaux admis par une partie de la communauté scientifique*) indique 11 critères :
- Besoin impérieux et irrépressible de consommer la substance ou de jouer
- Perte de contrôle sur la quantité et le temps dédié à la prise de substance ou au jeu
- Beaucoup de temps consacré à la recherche de substances ou au jeu
- Augmentation de la tolérance au produit addictif
- Présence d’un syndrome de sevrage, c’est-à-dire de l’ensemble des symptômes provoqués par l’arrêt brutal de la consommation ou du jeu
- Incapacité de remplir des obligations importantes
- Usage même lorsqu’il y a un risque physique
- Problèmes personnels ou sociaux
- Désir ou efforts persistants pour diminuer les doses ou l’activité
- Activités réduites au profit de la consommation ou du jeu
- Poursuite de la consommation malgré les dégâts physiques ou psychologiques
L’addiction est considérée comme « sévère » lorsque 6 critères ou plus sont remplis (de 4 à 5 critères, on la définit comme « modérée », et entre 2 à 3 critères, « faible »).
Les scientifiques étudient actuellement la question de l’addiction au porno, et pour l’heure leur réponse n’est pas uniforme (comme l’explique cet article, en anglais).
*L’usage du DSM est sujet à débats (en savoir plus)
Trop de porno, c’est mauvais pour le couple ?
Pour certain·es, la consommation « excessive » de pornographie pourrait abîmer nos relations amoureuses.
En 2012, deux chercheurs et chercheuses ont interrogé des étudiantes à ce propos.
Celles qui percevaient la consommation de porno de leur partenaire comme « problématique » avaient une estime de soi plus faible que les autres, une relation de moins bonne qualité et une satisfaction sexuelle moins élevée…
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Regarder du porno, c’est bon ou mauvais pour la vie sexuelle ?
L’année suivante, d’autres scientifiques questionnent des couples hétérosexuels.
Ils et elles s’aperçoivent que l’usage de la pornographie par les hommes pourrait être associée à des relations sexuelles de moindre qualité pour eux, et leurs partenaires.
À l’inverse, de façon étonnante, l’usage féminin du porno serait associé à une plus grande satisfaction au niveau des relations sexuelles.
Cette différence pourrait être expliquée de deux manières :
- D’abord, les femmes auraient tendance à regarder du porno avec leur partenaire dans le but de partager une expérience sexuelle, alors que ce serait une expérience solo pour les hommes
- Ensuite, les femmes consommeraient un type différent de porno : des vidéos de couple, avec un scénario, plutôt que des actes sexuels dénués de contexte
Ces recherches offrent un regard sur la consommation de porno et son impact sur les relations amoureuses… mais ne permettent pas d’identifier ce qui ne va pas pour les couples.
Est-ce le porno qui mène à la banqueroute amoureuse ou la banqueroute amoureuse qui mène au porno ?
L’addiction au porno est-elle physiquement possible ?
D’autres expériences récentes nuancent la notion « d’addiction » au porno.
Des neuroscientifiques ont par exemple observé les réactions cérébrales de volontaires, par électroencéphalographie, face à des images érotiques.
Parmi les sujets de l’expérience, certain·es déclarent des difficultés à contrôler leur consommation de pornographie, d’autres non.
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Les responsables de l’expérience, habitués à étudier les effets de l’addiction aux drogues sur le cerveau, sont surpris !
Il semblerait que, face aux images à connotation sexuelle, la réponse émotionnelle des participant·es potentiellement « accro au porno » n’est pas particulièrement intense.
Or, d’après de précédentes expériences (sur l’usage de la cocaïne notamment), la confrontation à l’objet d’une addiction déclenche une réponse émotionnelle intense.
Pour les scientifiques, ce phénomène interroge et suggère que, si addiction il y a, l’addiction au porno serait différente des autres schémas connus. Elle devrait donc être traitée différemment.
Addiction au porno, compulsion, ou évolution des pratiques ?
Vous le voyez, le débat est loin d’être clos !
À ce jour, disons qu’il n’existe pas suffisamment de « preuves scientifiques », et que le terme « addiction au porno » doit être nuancé.
Certain·es scientifiques suggèrent que l’usage du porno pourrait relever de la « compulsion » et non de l’addiction.
Gardons également en tête que la catégorisation des troubles mentaux est souvent le reflet d’une société à un instant T, avec ses normes et sa « morale ».
Ce qui est certain, c’est que la recherche doit se poursuivre et tenter de comprendre : le porno est-il la source de l’addiction ou son moyen d’expression ?
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