La rédaction de madmoiZelle est une bulle.
Dedans, il y a des femmes dirigées par une même envie de faire bouger les lignes, des hommes éveillés au féminisme et en face, un lectorat progressiste.
La rédaction de madmoiZelle, un microcosme bienveillant
Ici, les idées des unes répondent à celles des autres et même lorsque celles-ci sont contraires, la discussion est possible, le compromis envisageable.
Il est facile, à force de passer le plus clair de notre temps dans cette bulle, d’oublier que le reste du monde n’a pas les mêmes idées.
Il est facile d’oublier qu’encore en 2019, le sexisme court les rues, se frotte dans les métros, et étend ses voiles de l’enfer sur Internet.
Il est facile de croire en l’évolution exponentielle des mentalités, et de bouder la réalité.
Si cette bulle n’éclate jamais, et c’est déjà ça, il faut toutefois bien en sortir de temps en temps, pour en pénétrer une autre.
Celle qui contient les gens qu’on a nous-mêmes soigneusement choisis pour faire partie de notre clan. La bulle des amis, donc, et des potes.
Dans la mienne, il n’y a que des personnalités un peu zinzins mais très humaines, qui m’aident à modérer ou amplifier mes émotions. Certaines sont ma constance, d’autres mes folies.
Se frotter aux cons, en dehors de nos bulles
Mais à l’intérieur de cette ronde en tout cas, la même bienveillance que dans la première est de mise.
De ces deux bulles, il faut parfois bien s’extraire, pour par exemple se frotter à des entités plus abrasives comme la famille, les potes de potes et puis tous les autres humains, qui emplissent les métros, les restaurants, les cinémas, les parcs et les salles de sport.
Je suis personnellement quelqu’un d’extraverti, qui n’éprouve aucune difficulté à parler aux autres. Dans tous les lieux cités plus haut, j’aime discuter avec des inconnus, et prospecter toujours plus de candidats pour mes bulles sucrées.
Mais là BAM, la réalité frappe : LES CONS SONT PARTOUT.
Il existe naturellement plusieurs types de cons :
- Ceux qui ne t’écoutent pas
- Ceux qui te matent OKLM
- Ceux qui te passent devant au supermarché
- Ceux qui insistent quand tu as dit non
- Ceux qui se pensent tout permis
- Ceux qui t’imposent leur avis
- Ceux qui te suivent dans la rue
- Ceux qui crient pour se faire entendre
- Ceux qui portent des pulls vert anis (JE RIGOLE, ARRÊTE DE DÉMARRER AU QUART DE TOUR)
Et puis il y a aussi tous les autres cons.
En décembre, au détour d’un dîner, je me suis d’ailleurs piquée à un expert.
La conversation qui a agi comme un déclic
Pendant 1h, j’ai eu envie de lui faire subir le même sort qu’à mes gambas royales : lui découper lentement la tête et noyer son corps dans une mayonnaise maison.
Une heure, c’est très court à l’échelle d’une vie.
Mais j’ai tendance à oublier, en restant dans mes bulles, que ça peut aussi être infini quand il faut discuter avec un humain borné et dont les principes de vie sont médiévaux.
En une heure par exemple, j’ai eu droit à des allusions sexuelles graves et à une négation de réalités sociales fondées pourtant sur des chiffres de type :
« Bien sûr que si, les femmes sont payées comme les hommes. C’est une légende urbaine votre théorie. »
J’en passe, et des meilleures.
J’ai eu beau lui opposer des arguments chiffrés, lui expliquer la bases des disparités en France et dans le monde, rien n’y faisait : il avait raison et j’avais tort.
Mais j’avais VRAIMENT tort, je l’ai compris le lendemain matin, après une nuit à ressasser ma colère.
La colère brûlante, un bon moteur ?
J’avais tort parce qu’il avait bien dormi et que je n’avais pas fermé l’œil.
J’avais tort parce que j’avais haussé la voix, perdu ma patience et m’étais laissée atteindre, tandis qu’il avait bu du petit lait (ou plutôt du grand Bordeaux) en se régalant de ma colère.
J’avais tort parce que ma haine lui avait donné raison.
Le lendemain matin, les lèvres sèches d’avoir pesté seule, j’allais déjeuner chez ma mère, une femme éclairée qui rit au nez des abrutis et leur envoie un baiser de la main, quand elle est vraiment en forme.
Elle s’est assise à côté de moi et a tapoté son mug de thé vert géant rempli à ras bord de son énorme bague, donnant du rythme à son discours.
Elle a ri doucement, en m’expliquant qu’à 26 ans, il était grand temps de stopper l’hystérie. À la place, il valait mieux d’après elle répondre à la bêtise par un calme qui souvent déconcerte bien plus.
« No shit, Sherlock ! »
Jusque-là, rien de très novateur. J’avais même déjà essayé cette technique, mais finissais toujours par céder à mes vieux démons.
Changer de comportement, pour demeurer sereine
Seulement, cette fois-ci, quelque chose avait en effet changé.
Je n’étais plus seule à être sûre d’avoir raison. Je n’étais plus seule à vouloir progresser.
Ça fait un an et demi que je bosse chez madmoiZelle, et ici j’ai appris qu’elles étaient plein les meufs, à en avoir marre des cons. J’ai appris à mettre des mots sur mes convictions jusqu’alors dormantes et à transformer mes colères en une énergie positive.
Comment ? Grâce aux rencontres, à Clémence qui m’a notamment appris beaucoup sur les notions de base du féminisme, et à l’écriture.
L’écriture fait taire mes fureurs. À ce jour, j’ai rédigé un petit paquet d’articles personnels, axés sur l’amour. Celui que je voue à ma meilleure amie, à ma mère, à l’homme qui partage ma vie.
Et si on compte bien, aucun article ne dépeint une quelconque colère.
Même cet article, je me suis posée avant de l’écrire.
J’avais commencé le lendemain de cette fameuse soirée, mais il sentait la colère chaude. Et celle-ci est mauvaise productrice. J’ai plutôt attendu que la rage s’en aille, pour dérouler tranquillement le fil de ma pensée.
Cet article que je voulais coup de gueule s’avère plutôt être un contrat de moi à moi-même, qui établit les bases de nouvelles interactions avec les cons.
Quelques mots directement adressés aux cons
Quoi de mieux alors, que de leur livrer directement mes bonnes résolutions ?
« À vous messieurs les cons, je n’accorderai plus la moindre énergie.
Vos propos me feront rire, et vous passerez pour de belles andouilles. Aujourd’hui, mes intentions seront dirigées sur ma santé, celle dont vous me privez quand vous me faites pleurer toute la nuit. Mais ça, ça n’arrivera plus.
À vos insultes et vos insinuations déplacées je répondrai par un mépris tranquille et souvent silencieux, ne donnant pas un centilitre d’eau au moulin de votre perversion.
À vous qui jugez mon physique, mon nez surtout, je répondrai par de la fierté. Celle de faire au moins bavasser les cons.
À vous qui pensez avoir toujours raison parce que les siècles vous ont mis dans le crâne que vous étiez le sexe fort, je répondrai par des articles enlevés.
Globalement, à toute votre suffisance je répondrai par de la dignité.
Car j’apprends lentement les vertus de la bonté en réponse à la bêtise. »
La dignité en réponse à la bêtise
L’autre jour, j’ai été voir Green Book, un film humaniste de Peter Farrelly qui a illuminé les Golden Globes et s’envole désormais vers les Oscars.
C’est l’histoire d’un pianiste noir qui en 1962 fait une tournée dans le sud des États-Unis, connu à cette époque pour son racisme.
Pour éviter tout démêlé avec les habitants, il embauche Tony Lip, un videur italo-américain du Bronx, qui a la baffe facile.
Le pianiste Don Shirley va nous apprendre (à Tony, à moi, et à tous les spectateurs avec) que la violence n’est JAMAIS une solution, et que seule la dignité fait progresser les mentalités.
J’ai décidé de conserver ce précieux conseil et d’en faire dorénavant ma ligne de conduite.
D’ailleurs, toutes mes excuses. Je le sais bien, le con est le sexe de la femme, et je ne devrais plus appeler les imbéciles comme un sexe de femme. Je ne devrais pas les appeler tout court.
Aujourd’hui, ils n’existent plus, pas plus que ma colère.
Et je dors mieux.
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