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À Paris, ces mères exilées à la rue se battent pour une mise à l’abri d’urgence

Sur le parvis de l’Hôtel de Ville, une quinzaine de femmes originaires d’Afrique de l’Ouest manifestent régulièrement pour réclamer un hébergement. Certaines sont enceintes avec des enfants en bas âge.

Hôtel de Ville de Paris, 18h30. Une dizaine de femmes, accompagnées d’enfants et parfois d’un mari, sont assises par terre. Elles attendent le repas distribué dans la soirée. La majorité est originaire de Guinée ou de Côte d’Ivoire. Reconnaissable à sa marinière bleue et blanche, Zenebou joue les porte-paroles : « On dort toutes dehors… On ne nous donne pas de logement. » Cette mère enceinte de huit mois s’interrompt pour préparer un biberon à son petit garçon âgé de 2 ans. Ils vivent dehors depuis avril dernier. 

L’histoire de Zenebou, arrivée en 2019 en France, ressemble à beaucoup d’autres : « À Paris, j’ai été placée dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), mais j’ai appris que ma demande avait été refusée en mars 2023. J’ai dû quitter mon hébergement. » Zenebou est partie se réfugier chez son mari, hébergé à l’époque par le 115. Un court moment de répit : « Cela posait un problème avec l’enfant. On a été mis à la porte et la police a débarqué » En déroulant son récit, elle tripote une tablette fissurée sur laquelle elle tape le 115 plusieurs fois par jour. Les trois chiffres se dessinent sur toutes les lèvres. Toutes ont fait appel à leurs services. En vain.

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Plus de 60 familles à la rue 

Cette nuit, Zenebou et ses camarades tenteront de s’abriter sous un préau de piscine, allongées sur les plaques chauffantes du métro parisien. « Quotidiennement, entre 60 et 70 familles n’ont pas d’hébergement, soit environ 130 personnes. Ce soir, on a neuf solutions, soit 29 personnes hébergées », déplore Océane Marache, coordinatrice d’Utopia 56 Paris, association qui a fait de l’Hôtel de Ville un lieu de rendez-vous. Ici, les bénévoles échangent des informations, distribuent le repas ou encore des produits d’hygiène. Parfois, les mères exilées y organisent des manifestations, exigeant d’être logées. 

« Toutes ces personnes se sont saisies de leur situation avec ce modèle de manifestation instauré depuis un an. Ça marche un peu, il y a des personnes qui en bénéficient et sont mises à l’abri quelques jours », reprend Océane. La dernière remonte au 4 juillet 2023 : « Celle-ci n’a pas très bien fonctionné. Les mères sont restées plus de 48 heures sous une pluie battante et ont dû bloquer deux accueils de jour pour que soient proposées des solutions aux familles. » Parmi elles, Aissatou, 39 ans, à la rue avec son bébé de 4 mois et son mari. « Nous avons été placés dans un hôtel à Massy-Palaiseau (Essonne) pendant deux semaines » témoigne la femme d’origine ivoirienne remise à la rue la veille. « Mon bébé tombe souvent malade. Parfois, il tremble la nuit, je ne sais pas quoi faire. » 

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« Le 115 ne voulait pas héberger mon mari »

Aïssatou a quitté la Guinée il y a plusieurs années. Là-bas, elle était amoureuse d’un homme d’une ethnie différente de la sienne. « Nos familles se sont opposées à notre union, nous avons été obligés de partir. Ils ont choisi de s’installer en Côte d’Ivoire où son mari est tombé malade. « Il était diabétique, mais il ne pouvait pas payer ses soins, c’est pour cela qu’il a décidé de partir en France en 2018 », retrace-t-elle. Restée en Afrique de l’Ouest, Aïssatou a mis de l’argent de côté et a vendu sa maison dans l’optique de le rejoindre à Paris, il y a deux ans.  « Mon mari a essayé de demander un titre de séjour pour raison de santé, mais cela a été refusé », déplore-t-elle. Au début, le couple a pu être hébergé chez un ami de la famille, jusqu’à ce que sa femme revienne. Aissatou et son conjoint se sont retrouvés à la rue. Entre-temps, un bébé est né en France en mars 2023. « J’avais déjà six enfants en Côte d’Ivoire. Je ne les aurais pas quittés, si j’avais su comment ça se passerait en France »,  ajoute Aïssatou en pleurant. Des larmes vite essuyées pour s’occuper de son bébé en pleurs. 

À sa droite, une femme vêtue d’une robe rayée jaune et rose, qui laisse apparaître un ventre arrondi, fait signe qu’elle a envie de prendre la parole. Son nom : Yelle. Elle aussi avait une bonne raison de partir de Côte d’Ivoire. « Ma famille voulait me marier de force à un homme plus âgé », témoigne la vingtenaire. En France depuis le 14 février 2022, elle a rejoint un homme qu’elle connaissait déjà au pays d’origine. Depuis trois semaines, ils ont pris l’habitude de venir à Hôtel de Ville, à la recherche d’un logement. « J’ai participé à la dernière manifestation, mais le 115 ne voulait pas héberger mon mari », s’agace-t-elle. Si on leur a suggéré de partir d’Île-de-France, ils ont refusé à cause du travail du conjoint. 

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« Je suis illettrée, donc ce n’est pas facile de me repérer »

Souvent, les familles présentes à Hôtel de Ville souhaitent rester à Paris. Parfois leurs enfants vont à l’école ou leur conjoint ont un petit boulot dans la capitale. Djellaba bleue électrique et fichu violet sur la tête, Doumbia avait accepté de quitter la région francilienne. En 2018, elle entame une demande d’asile à Paris avec son mari et ses trois enfants. La famille est transférée dans « un petit village que personne ne connaît ici » pas loin d’Orléans. Résultat : ils remontent à Paris en 2021, faute de pouvoir obtenir un travail dans la région. Aujourd’hui, elle et son mari disposent d’un titre de séjour. « Mon homme a décroché un CDI dans le domaine de la sécurité payé 1 300 euros ». Problème : ils n’ont plus de domicile. 

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Eux aussi étaient hébergés chez un ami, « mais les voisins se plaignaient du bruit causé par les enfants ». Doumbia assure avoir demandé un logement social auprès de la mairie du 12e arrondissement où sont scolarisées leurs deux filles. En attendant d’être hébergés, ils dorment à la rue. Doumbia dit avoir lancé le dispositif DALO qui permet aux demandeurs d’un logement social de voir leur requête reconnue comme prioritaire afin de se voir proposer une solution digne dans les six mois. « J’ai participé à plusieurs manifestations, mais on ne nous a pas donné de logements en Ile-de-France. On m’a dit qu’il y avait des places à Rennes, mais je ne voulais pas retourner en province. On en vient », déclare-t-elle, désabusée. 

Doumbia aimerait avoir un emploi, mais comment faire garder son petit dernier d’à peine 3 ans ? La plupart des femmes sont coincées dans leur vie professionnelle, obligées de compter sur les maigres revenus de leur mari. Mais encore faut-il qu’il soit présent. Mariam, 29 ans, est arrivée seule de Côte d’Ivoire avec son enfant de six ans. « Il est asthmatique. Sa santé m’inquiète beaucoup, j’ai peur qu’il attrape froid à force de dormir dehors », confie-t-elle. À la rue depuis un mois, ils survivent grâce aux associations et à quelques passants. « Les gens nous donnent 1 euro, 2 euros… Cela me permet de nourrir mon fils »  Gare de Lyon, gare d’Austerlitz… Ils enchaînent les endroits de fortune où se réfugier la nuit. « Je suis illettrée, donc ce n’est pas facile de me repérer », dit-elle en demandant qu’on lui écrive l’adresse d’un accueil de jour. Mariam pose beaucoup de questions dans un français écorché. Elle s’apaise lorsqu’on évoque la future scolarité de son fils. « Ce sera peut-être sa première rentrée l’année prochaine », annonce-t-elle fièrement. La seule fois où son regard s’illumine, avant de s’effacer de nouveau. 

Si vous voulez aider, vous pouvez contacter l’association Utopia 56 présente dans plusieurs villes en France. Il est possible également de prêter son logement sur des courtes ou longues durées à des familles exilées à la rue.


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