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Amour, immigration et société se rencontrent dans The Sun is Also a Star

Le livre The Sun Is Also A Star te fait voyager à New York pour vivre la rencontre de deux jeunes immigrés qui n’ont qu’une journée devant eux pour s’aimer.

Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat avec Bayard. Conformément à notre Manifeste, on y a écrit ce qu’on voulait.

— Article initialement publié le 3 août 

Je ne sais pas si tu as déjà eu ce sentiment, en rencontrant une personne pour la toute première fois celui d’avoir l’étrange impression de la connaître depuis toujours.

Il y a tellement de sujets plus évidents qui ressortent du livre The Sun Is Also a Star (et je vais te l’expliquer), mais pourtant c’est ce sentiment agréable, surprenant et un peu déstabilisant que j’ai retrouvé à mon plus grand plaisir !

Un jour, à New York City, deux adolescents…

Dans la ville de New York, deux adolescents s’apprêtent à vivre une journée très particulière.

L’un a un entretien pour intégrer la prestigieuse université de Yale, l’autre a un rendez-vous aux services de l’immigration. Rien n’est fait pour qu’ils se rencontrent et se chamboulent mutuellement.

Natasha est d’origine jamaïcaine, elle est arrivée aux États-Unis à l’âge de huit ans pour suivre les rêves de gloire de son père, conquérir Broadway. Natasha n’a pas de papiers.

Désormais, elle a dix-sept ans. Elle s’apprête à se faire expulser avec sa famille : son père a commis une effraction et la police a découvert leur secret.

Aujourd’hui elle s’apprête à vivre une journée décisive : parviendra-t-elle à convaincre les services de l’immigration de la laisser rester, ou dira-t-elle au revoir au pays qu’elle considère être le sien ?

Daniel, lui, a dix-huit ans. Il fait partie de la deuxième génération d’une famille de coréens immigrés à New York.

Il a grandi dans l’ombre d’un grand frère qui comblait toutes les attentes de réussite sociale et scolaire de leurs parents très exigeants.

Mais ce grand frère vient de ternir son image de fils parfait, en renonçant à ses études de médecine à Harvard… Et Daniel sent désormais la pression parentale s’abattre sur ses épaules.

L’adolescent rêveur s’en va donc vers un entretien capital pour son admission à l’Université de Yale un jour et faire, à son tour, la fierté de ses parents.

Toute l’action de ce roman se déroule en l’espace d’une journée !

À lire aussi : J’ai vécu une romance digne d’un film – Témoignage

Une incroyable rencontre sous une plume réaliste

L’écriture de Nicola Yoon est assez intéressante. Elle dresse un panorama de vies de façon singulière. Les pensées, les instants, les souvenirs et les histoires sont saccadés.

Elle nous immerge dans la tête de Natasha et de Daniel mais on ne s’y attarde jamais bien longtemps. Leurs pensées sont ponctuées de souvenirs qui jaillissent inopinément, exactement comme ce qu’il se passe dans nos propres esprits… un enchaînement rapide et naturel de connections entre notre présent et nos souvenirs.

C’est comme ce jeu, auquel on se prête parfois comme Daniel et Natasha : celui de deviner ou de créer la vie des inconnus que l’on observe dans la rue…

Car tous les gens que l’on croise ont leur propre histoire, ils sont comme des bagages de vie sur pattes. Des milliers de personnes se déplacent autour de nous avec leur vécu que l’on ignore et que l’on ne connaîtra jamais… Sauf si la rencontre a lieu.

Natasha et Daniel vont littéralement se rentrer dedans dans la rue, s’ouvrir et se révéler de page en page, de minute en minute au cours de cette journée.

La rencontre de deux visions de l’immigration et de l’American Dream

Natasha et Daniel vivent et ont vécu l’immigration de façon très différente.

Les parents de Daniel vivent l’American Dream par la possible ascension sociale de leurs enfants, grâce à l’éducation. Ils ont quitté la Corée du Sud et espèrent que leurs enfants vont devenir de grands médecins respectés.

Le père de Natasha est un artiste qui a quitté la Jamaïque pour ses propres rêves de gloire, sa famille l’a suivi.

Leurs différentes origines, leurs différentes cultures, leurs différentes familles font que Natasha et Daniel vivent leur statut d’immigrés différemment.

À noter que l’un a ses papiers car il est né aux États-Unis, et l’autre non…

Mais les deux adolescents se retrouvent pour parler de leur expérience d’américains d’adoption, du racisme qu’ils subissent et de plein d’autres choses aussi. C’est assez difficile pour eux de se débarrasser cette étiquette et de faire face au regard des autres.

Ils sont immigrés oui, mais ils sont plein d’autres choses aussi. Ça a été difficile pour eux de se débarrasser de cette étiquette dans le regard des autres.

Ce dialogue à coeur ouvert prend d’autant plus de force et d’intensité, quand on sait que Nicola Yoon, elle-même, est d’origine jamaïcaine et son mari coréen !

À lire aussi : « Sept idées reçues sur l’immigration et les immigrés », à lire sur Le Monde

Entre crise identitaire, conflits culturels et stéréotypes dédramatisés

Je pense que Natasha vit plus intensément sa crise identitaire à cause de sa situation très instable et l’épée de Damoclès au-dessus de sa tête.

J’imagine que ce doit être particulier de ne pas connaître ce sentiment d’appartenance à un pays (celui de ses origines ou celui dans lequel ont vit).

Cette ambivalence identitaire est très bien retranscrite sous la plume de l’auteure.

Daniel ne devrait pas avoir à « mettre les bouchées doubles » pour réussir, juste parce qu’il est fils d’immigré.

Des sujets d’actualité très forts sont abordés dans ce roman. Mais Nicola Yoon allège également le récit en traitant les stéréotypes de manière humoristique. J’ai beaucoup ri.

Les personnages n’hésitent pas à se jouer des clichés entourant leurs origines, et c’est très rafraîchissant !

Quand t’entends la troisième blague clichée sur tes origines dans la journée

Par les temps qui courent il n’est pas inutile de rappeler qu’il n’existe pas une « sorte » d’Américain•es, il y a en une infinité.

On a tendance à oublier parfois que les États-Unis sont historiquement terres d’immigration, d’accueil et de rêve.

Natasha et Daniel n’ont pas choisi d’être immigrés. Ils vivent aux Etats-Unis suite à la décision de leurs parents. Ils sont désormais presque adultes. Ils devront bientôt prendre leurs propres décisions et vivre leur vie… et oui… ça fait peur.

À lire aussi : Le slam puissant d’un fils d’immigrés japonais aux États-Unis

Deux jeunes êtres différents et deux peurs différentes

The Sun Is Also a Star réunit une réaliste et un rêveur, une scientifique et un croyant. Natasha ne croit pas en Dieu, elle croit aux faits ; Daniel croit au destin et à l’amour sous toutes ses formes.

Pour ce qui est de leurs peurs, elles vacillent entre les projets parentaux et les rêves personnels, des peurs dans lesquelles beaucoup de personnes peuvent s’identifier aujourd’hui.

D’un côté il y a la peur de quitter le pays où l’on s’est construit une vie et de l’autre celle de ne pas être à la hauteur du chemin que nos parents ont tracé pour nous.

Natasha n’a peut être pas les papiers pour vivre dans le pays dans lequel elle a évolué depuis dix ans mais elle se sent plus américaine que jamaïcaine. L’arrestation de son père a gâché tous ses projets d’avenir.

Elle redoute de retourner en Jamaïque, un pays dont elle n’a plus beaucoup de souvenirs et où plus rien ne l’attend selon elle.

Une fois de plus elle devrait changer de pays et de vie suite aux actions de ses parents, de son père particulièrement, et elle trouve la situation injuste (je suis bien d’accord).

Daniel représente bien une partie de ces adolescents qui se retrouvent face à la pression parentale et sociale voulant qu’ils soient parfaits. Ses parents le voient médecin, mais lui se sent plutôt poète…

Il a peur de perdre sa façon de voir le monde en basculant dans une vie d’adulte qu’il ne désire pas (il appelle le métro le « train magique », et c’est plutôt mignon).

J’ai aimé que les deux personnages principaux soient de couleurs et de cultures différentes. C’est rare de lire une histoire sur un couple mixte comme Natasha et Daniel.

Je vois le récit de Nicola Yoon comme une rencontre de deux concentrés d’émotions, de peurs et d’espoirs qui s’expriment différemment.

Les rencontres, entre hasard et destin

Natasha ne se fait pas d’illusions sur le monde, c’est une grande réaliste. Mais elle va pourtant être séduite par ce qu’elle perçoit comme un excès d’optimisme chez Daniel.

La scientifique qu’elle est voit plutôt la vie comme une succession de hasards.

Après tout, si elle avait pris un autre métro, ou si elle avait tourné à un coin différent de New York, elle n’aurait jamais connu Daniel…

Note pour plus tard : faire plus attention aux inconnu•es que je croise dans la rue

Pour Daniel, c’est justement parce qu’elle a pris cette itinéraire-là, ce jour-ci, à ce moment précis, qu’ils se sont rencontrés. Le jeune homme croit au destin. Ils devaient se rencontrer ce jour-là, c’était écrit.

L’auteure joue sur le côté hasardeux de nos vies et des rencontres que l’on fait avec des histoires alternatives.

C’est quoi la mesure de l’amour ?

Ce livre fait réfléchir sur l’intensité des histoires d’amour.

Une histoire d’amour est-elle plus forte si elle dure dans le temps ? Une histoire d’amour de douze heures, courte mais intense, peut-elle exister sincèrement ?

Peut-on tomber amoureux en un jour ? C’est ce que Daniel va essayer de prouver à Natasha !

À lire aussi : L’amour à distance, ça craint

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The Sun Is Also a Star, Nicola Yoon, 16,90€ (10,99€ en e-book), disponible sur Amazon ou sur Place des Libraires

J’avais déjà aimé le livre précédant de Nicola Yoon, Everything, Everything adapté au cinéma, mais j’aime encore plus celui-là, car il montre avec sincérité comment l’immigration affecte les parcours et les projets d’avenir des enfants tributaires des choix de vie de leurs parents.

Comme je l’ai dit plus tôt, je me suis surtout identifiée à la situation de deux étrangers qui se rencontrent et semblent déjà se connaître depuis toujours.

Ce livre fait du bien et fait partie de ces oeuvres littéraires nécessaires, je pense, sous les États-Unis de Trump. Un peu d’amour ne fait pas de mal, même s’il ne dure qu’une journée !

À lire aussi : Everything, Everything, un drame adolescent qui croque la vie à pleines dents


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Les Commentaires

1
Avatar de Calipo
9 août 2017 à 16h08
Calipo
Petit truc qui me chiffonne: Daniel n'est pas techniquement un immigré s'il est né aux Etats Unis et qu'il a des papiers. Il est américain. D'origine coréenne, avec tout ce que ça implique, mais américain quand même.
1
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