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Société

Léo, 4 ans, a déjà bien intégré le sexisme, et c’est loin d’être anodin

Faire du baby-sitting a permis à Océane de prendre conscience que dès leur plus jeune âge, les enfants sont influencés par les stéréotypes de genre. Voici quelques anecdotes qui parlent d’elles-mêmes…

Article initialement publié le 20 août 2018,

Quand je dis qu’il faudrait instaurer des cours sur le genre, la sexualité et le consentement, adaptés aux enfants dès la maternelle et le primaire, j’ai souvent ce genre de réaction :

« T’es sérieuse ? »

Eh bien après avoir gardé deux petits garçons de 2 et 4 ans pendant presque toute une année scolaire, je n’ai jamais été aussi convaincue que c’est nécessaire !

J’ai toujours fait du baby-sitting pour gagner un peu d’argent de poche pendant mes études. J’ai gardé des enfants de tous les âges, du bébé de 2 mois aux enfants de 8 ans.

Souvent les gens ont la vision du baby-sitting comme un petit job qui ne demande pas d’efforts… Mais je peux vous dire que supporter des mômes qui ne sont ni de ma famille, ni les miens, ça m’a demandé une grosse dose de patience !

Surtout, ça m’a permis de rester connectée au quotidien des enfants d’aujourd’hui, qui n’est déjà plus du tout le même que lorsque moi j’étais enfant.

Et je me suis parfois pris de grosses claques dans la tronche face à certaines réactions de ces petits anges (#ironie), et face à l’expression de leur conditionnement sexiste dès l’âge de 3 ou 4 ans.

Les stéréotypes de genre : « le rose c’est pour les filles »

Allez, celle-là tu aurais pu l’anticiper. C’est assez banal.

Mais qu’est ce que j’ai pris peur quand j’ai vu à quel point c’était ancré, et ce que ça représentait pour le petit bout de chou de 4 ans qui se dressait devant moi

Léo avait 4 ans et demi quand j’ai commencé à le garder, lui et son frère de 2 ans et demi, Alex.

Un soir comme tous les autres soirs, je les mets à table pour le dîner, et je prends sans vraiment y faire attention un petit bol rose pour les carottes râpées de Léo, contrairement à celui de son frère qui est bleu clair.

À cette époque-là je vivais encore dans un monde de Bisounours dans lequel les couleurs n’avaient pas de genre.

Et ce jour-là, Léo m’a tout simplement dit :

« Je ne veux pas manger dans ce bol. Le rose c’est pour les filles.»

Pourquoi c’est pour les filles, le rose ?

J’ai alors essayé d’amorcer une discussion avec lui. Pourquoi était-il si convaincu que le rose n’était pas une couleur dont il pouvait s’approcher ?

Et ça a été traumatisant de voir qu’il n’avait absolument aucune idée du pourquoi et du comment, qu’il n’avait évidemment aucun cheminement de pensée pour en arriver à cette conclusion…

Mais qu’il avait cette certitude : le rose c’est pour les filles, et je ne veux pas être une fille !

Étant moi-même une fille, et n’ayant aucun habit ni aucun accessoire rose, je l’ai mis face à une réalité qu’il pouvait observer avec ses yeux à un instant T.

« Moi, je suis une fille, pourtant tu ne m’as jamais vue avec quelque chose de rose sur moi, si ? »

Ce jour-là je portais une paire de baskets blanches et un gilet bleu marine… et tout à coup Léo s’est mis à me certifier que si, le pull et les chaussures que je portais à cet instant précis étaient roses.

C’est pas simple, hein.

L’angoisse d’être assimilé à une fille… vient ici du père

J’ai donc dû changer son bol à Léo pour éviter une guerre nucléaire, et m’essayer à des petits tests : lui donner un bol rose et un verre rose, un verre rose et un bol vert, un bol rose à son frère quand lui en avait un bleu…

J’ai observé tous les petits stratagèmes qu’il mettait en place pour éviter à tout prix de manger avec un verre ou un bol rose.

Il allait jusqu’à essayer d’échanger son bol avec celui de son frère, en faisant de la psychologie inversée et en le convainquant que le rose était pour les garçons, et qu’il ferait mieux de lui donner le bol bleu, qui est pour les filles.

Stratagème qui ne fonctionnait que très peu avec Alex, 2 ans, qui avait lui aussi déjà intégré qu’il avait tout intérêt à avoir le bol bleu.

Puis un jour j’ai assisté à une scène de Léo avec son père, qui m’a retournée l’estomac et qui m’a éclairée sur la réelle angoisse d’être assimilé à une fille qui motivait son comportement.

La mère des enfants avait acheté des glaces roses en forme d’étoiles, avec l’effigie d’une princesse sur la boîte. Un soir, Léo m’a demandé s’il pouvait avoir une de ces glaces, et je la lui ai donc apporte, au moment précis ou son père rentrait du travail.

Il s’apprêtait à commencer à manger sa glace, sans se soucier de sa couleur ni de sa forme, quand son père l’a interpellé :

« Tu vas manger ça ? Tu es sûr ? Tu es sûr que tu veux cette glace»

Léo, dans l’incompréhension ne savait pas quoi répondre. Il a été mis tout à coup sous pression et a vite compris qu’il devait faire un choix entre : manger une glace « pour fille »… ou devoir se priver de glace.

Et son père en a remis une couche avant de finalement le laisser tranquille.

« C’est une glace de princesse, hein, c’est pour les filles»

Moi, assistant à cette scène

Un autre stéréotype de genre : « papa il n’a jamais peur ! »

C’est une phrase que j’ai entendue plusieurs fois dans la bouche des garçons, et qui allait de pair avec plein d’autres notions assimilées à leur figure paternelle : la force, les poils et le fait de ne pas montrer ses émotions, sauf des émotions de type colère.

Dans la famille de Léo et Alex, c’est maman qui fait principalement la cuisine et le ménage, et papa qui travaille.

Quand maman n’arrive pas à se faire entendre par les enfants, c’est papa qui vient à la rescousse pour gronder, punir, et faire respecter l’ordre.

Et quand j’ai encore une fois essayé d’ouvrir le dialogue avec les enfants sur le fait que si, papa a peur parfois, parce que tout le monde a peur de temps en temps, et ce n’est ni grave ni mal d’avoir peur, je me suis évidemment confrontée à un mur.

Ma parole et ma présence deux heures par jour en semaine ne pouvaient pas rivaliser avec leur environnement familial et scolaire.

À cet âge-là, les enfants évoluent à une vitesse incroyable. Petit à petit, au fil de l’année scolaire, j’ai vu que Léo et Alex développaient de plus en plus de violence physique et verbale, et exprimaient leurs émotions en donnant des coups.

Pas par méchanceté, mais comme une réponse à une émotion dont ils ne savaient pas quoi faire. La colère et les coups comme première réponse à une situation un peu trop dure à gérer.

Et quand j’ai décidé d’en discuter avec l’assistante maternelle d’Alex, je n’ai eu comme seule réponse

« C’est vrai qu’il tape beaucoup ces temps-ci, mais vous savez, c’est un garçon ! Ils sont turbulents ! »

« Les filles elles ont pas le droit de faire pipi dehors ! »

Mais les garçons, si.

Léo était en train de m’expliquer qu’il fallait absolument que j’arrête la voiture pour qu’il puisse descendre et faire pipi dans la rue, parce que sa maman lui avait dit qu’il ne fallait pas qu’il se retienne.

Je lui ai donc répondu qu’il fallait qu’il se retienne 3 minutes le temps d’arriver à la maison, parce que ce n’était pas correct de faire pipi dans la rue quand on pouvait faire autrement…

Ce à quoi il m’a répondu que lui avait le droit d’uriner dans la rue, mais que les filles par contre n’avaient pas le droit.

Je lui ai alors expliqué que moi, en tant que fille, il m’était déjà arrivé plusieurs fois de faire pipi dehors, dans la nature, quand je n’avais aucune autre solution et qu’il n’y avait pas de toilettes proche.

Et que garçons comme filles ne doivent pas, quand c’est évitable, faire pipi dans la rue… pour des raisons d’hygiène ! Sauf dans des lieux dédiés, comme les pissotières écolo, tiens, plutôt dédiées à ces messieurs…

Dialoguer pour déconstruire les stéréotypes

Je n’écris pas cet article pour faire de la psychologie de comptoir ou trouver des réponses arrêtées à ces comportements complexes et dont les causes sont multiples.

Ni même pour faire le procès de parents qui, je l’ai bien vu, élèvent leurs enfants avec amour, en faisant ce qu’ils peuvent et ce qu’ils pensent être le mieux pour eux.

Mais cette année scolaire avec Léo et Alex m’a beaucoup fait réfléchir sur la pression que l’on met sur les enfants, autant à l’école qu’à la maison.

Sur le manque de dialogue, le manque de temps qu’on consacre à les écouter et à échanger avec eux.

Je n’ai pas d’enfants, mais j’ai toujours été entourée de petits, que ce soit mes cousin·es ou des enfants que je gardais. J’ai eu une position privilégiée auprès d’eux, qui m’a permis de nouer le dialogue sur différents sujets.

Et je pense que ce sont les petites phrases en apparence banales et anodines que j’ai citées plus haut, qui devraient être relevées et discutées avec eux, même quand ils ont 2 ou 3 ans.

Parce que les enfants sont capables d’entendre, d’écouter et de comprendre.

Petit garçon deviendra un homme, mais quel genre d’homme ?

Si Léo, à 5 ans, se préoccupe déjà plus de faire grossir ses muscles et d’avoir des poils que d’apprendre à discuter de ce qu’il ressent, à gérer ses émotions… qu’en adviendra-t-il quand il en aura 16 ?

Ça lui fait du mal de passer son temps à essayer de rentrer dans la case « garçon » qu’on lui a imposée. Et ça fait du mal à notre société, qui continue à élever des enfants, futurs adultes, avec les stéréotypes de genres bien ancrés dans le crâne.

Par les mots que j’emploie, par ma façon d’aborder facilement de vraies discussions, par l’écoute de leur avis, leurs sentiments, leurs émotions, j’essaye d’aider les enfants qui m’entourent au quotidien à être eux-mêmes.

Sans s’efforcer d’être ce que la société voudrait qu’ils soient en se basant sur ce qu’ils et elles ont entre les jambes.

Nous sommes tous et toutes le frère, la sœur, la tante, la cousine, l’oncle, le cousin, la baby-sitter, le parrain de quelqu’un. Alors profitons de cette place privilégiée pour écouter et discuter avec les enfants !

Et toi, t’es tu déjà retrouvé·e face à la réflexion d’un enfant qui t’a déroutée ?

Dis-le moi en commentaires !

À lire aussi : Les agressions sexuelles entre enfants : vers la fin du tabou ?


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Les Commentaires

108
Avatar de Mijou
21 novembre 2019 à 14h11
Mijou
Un tout-petit est capable de faire la part des choses, si on lui explique. Même les bébés comprennent beaucoup.
(et j'ai moi aussi des professionnels de la petite enfance et des parents dans mon entourage )

Je crois qu'on ne tombera pas d'accord là dessus, donc je pense qu'on peut conclure sur un beau "Agree to disagree"

Cela dépend de trop de paramètres pour que l'on soit d'accord, et puis surtout, c'est beaucoup affaire de vision des choses.
Donc je valide complétement ce joli lutin au popotin rebondi !

et je relance de 3 licornes !
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