Matt Pokora : le Pokémon du R&B français

Des débuts timides au sein des Linkup

En 2003, après le succès des L5 et le bide intergalactique des Whatfor, M6 remet le couvert avec Popstars. Bruno Vandelli ne faisant pas partie des jurés, l’émission en elle-même ne pouvait être qu’inintéressante, toujours est-il que de cette émission naît un groupe : les Linkup, featuring Matthieu. – Ce qui n’a pas marché : Lionel, Otis et Matthieu sont trois mecs d’à peine 20 ans, trop lisses et souriants pour être honnêtes et qui entonnent des chansons mielleuses d’inspiration spirituelle : « Je crois en mon étoile – les rêves ont ce grand pouvoir – de changer la couleur du noir » (cf Mon Etoile). Si cette chanson se classe 1ère des singles en France, et que leur deuxième single Une seconde d’éternité a un succès honorable, c’est rapidement la débandade. – Le petit + de Matthieu : on a quand même remarqué bien vite que Matthieu est le leader du groupe. C’est lui qui chante le plus dans chaque chanson, qui se dépatouille le mieux en danse. Un duo avec le groupe britannique Blue pour essayer de sauver les apparences n’y fera rien, les Linkup se séparent à l’initiative de Matthieu, dans l’indifférence générale en 2004.

http://www.youtube.com/watch?v=_d6bnbIwo-4

La grande aventure solo

Après leur séparation, Matthieu sera le plus rapide à s’émanciper (non en fait, il sera le SEUL). Il sort en 2004 son premier opus sous le pseudo de M.Pokora avec en tête de gondole le single Showbiz. Showbiiiiiiz !

– La mutation : bien loin du style gendre idéal qu’entretenaient les Linkup, il évolue dans le trip hip hop r’n’b battle dans un skate parc avec des filles qui ont des coeurs dans les yeux en le regardant. Clairement, il vise la tranche d’âge supérieure. – Le dérapage stylistique : il mise tout sur ses lobes d’oreilles diamantés et ses premiers gros tatouages aux biceps. Et ce n’est que le début mes enfants. S’en suivent Elle me contrôle et Pas sans toi où le magnifique cliché de la vieille voiture dans le désert n’est rien comparée à cette honteuse mode des dessins capillaires qu’arbore M. Pokora.

La consécration

Pour combler son fan club composé à 73% de demoiselles de moins de 15 ans qui s’égosillent en « Maaaaaaaatt » dans tous les reportages de Fan De qui lui sont consacrés, Matthieu sort en 2006 son deuxième album intitulé Player qui ressemble étrangement au premier. – Son fonds de commerce : même r’n’b tranquille et stéréotypé, même franglais insupportable (« De retour pour faire jumper la foule »

/ « Tu es ma number one baby »), une chanson sur maman, une chanson sur la guerre, une chanson sur une rupture, une chanson sur le bonheur de chanter. Matthieu est beau, a de magnifiques yeux bleus il faut le reconnaître, il fait viril avec ses gros tattoos, ne chante pas de gros mots et dans ses clips les filles ont des culottes : c’est ÇA son fonds de commerce, séduire les gamines en pleine explosions d’hormones et se mettre leurs parents dans la poche.

Évolution stylistique M. Poké-Pokorienne : Linkup / album M. Pokora / album Player / album MP3

– Le drame : on se met à le comparer à celui qui physiquement et musicalement peut éventuellement s’en rapprocher le plus : Justin Timberlake. Ce qui revient à dire que les glaces La Laitière sont les Ben & Jerry’s français : un sacrilège. Comment peut-on comparer Justin Timberlake, un mec qui dégage autant de sexualité en faisant deux pas chassés en costard Dior à un type quadrillé de tatouages tribaux ? En parlant de tatouages, attardons-nous sur leurs significations – sur son avant-bras « Seul Dieu peut me juger » ; quant à celui dans le cou c’est un proverbe arabe qui, accroche-toi bien, veut dire : « Si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence, alors tais-toi ». J’en appelle aux Dieux de l’Ironie pour me clarifier ça.

A la conquête des States

Le torse bombé par cette comparaison un peu trop flatteuse avec Timberlake, Matthieu s’envole pour les States en 2008 où il va demander de l’aide à Timbaland pour évoluer au niveau supérieur. – FAIL n°1 : alors qu’il espère sûrement sortir un nouveau Futuresex/Lovesounds, il réalise tout juste une compilation des fonds de tiroirs de Timba avec en premier single Dangerous (et je hurle au scandale quant au clip totalement pompé sur Lovestoned et My love de Justin). Ce troisième album titré  MP3 (subtil jeu de mots !) se verra quand même honoré d’un certain succès puisqu’il sera disque d’or. – FAIL n°2 : MP3 ne sortira pas dans de nombreux pays, de quoi refroidir les ambitions internationales de Matthieu, surtout quand on sait que l’album ne sortira pas… aux US. Travailler avec le producteur américain le plus branchouille du moment et ne pas voir sortir son CD là-bas = FAIL. Mais même sur le territoire français, le phénomène Pokora s’essouffle. Les autres singles de MP3 ne se classent même pas, pas un bout de clip ne passe sur M6, rien. Va-t-il s’en remettre ?

http://www.youtube.com/watch?v=2mwMBSYe0gk

Retour à la maison

Deux ans plus tard, le temps de se recentrer les chacras et de revenir sur le Vieux Continent, M. Pokora sort son nouvel album Mise à jour. Et il nous envoie le tonitruant Juste une photo de toi comme premier single. – Un triste constat : la magie n’opère plus. Ses anciennes fans ont grandi depuis longtemps et sont devenues accros aux BB Brunes. Matthieu n’a pas su se renouveler musicalement et en paye le prix : le bobo parisien a eu la peau du r&b strasbourgeois.

– Une question : et l’avenir de M. Pokora dans tout ça ? Continuer ainsi sans relâche, en priant très fort pour que la théorie des modes cycliques fasse son effet dans quelques années et que nos propres enfants à l’âge adolescent accrochent des posters de Pokora âgé de 38 ans au dessus de leur lit ? Cet acharnement contre le silence défierait n’importe quel tatouage. Ou bien peut-être vaudrait-il mieux que Matthieu se range, et devienne juré pour je ne sais quelle future émission de télé-réalité ou chroniqueur musical dans un magazine de r’n’b. Mettre à contribution son aventure dans la grande arène Pokémon de la chanson française quoi.

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