« Tu étais habillée comment ? »
C’est le nom d’un évènement organisé le 11 janvier par les Sœurcières, un collectif féministe basé à Caen.
C’est aussi, trop souvent, l’une des premières questions que l’on pose à une victime d’agression sexuelle ou de viol.
L’action des Sœurcières contre la culture du viol
Samedi dernier, plus de 80 personnes sont descendues dans la rue avec des pancartes de témoignages, crus et choquants, de violences sexuelles.
Le temps d’une journée, ces militants et militantes se sont mises dans la peau des victimes et se sont habillées de la même façon qu’elles et eux, le jour de leur viol.
Stoïques, le visage grave, les Soeurcières se sont tenues sous le regard des passants, vêtues de robes de mariée, de combinaisons de ski, ou encore en pyjama.
Je te partage ici quelques témoignages rapportés sur les pancartes :
« J’ai été violée le jour de mon mariage par un invité. » « C’était mon prof de SVT. Il m’a droguée puis violée. »
Le victim-blaming, part essentielle de la culture du viol
Le but de la démarche : déconstruire les préjugés autour du viol, notamment l’idée que nous serions responsables de notre agression si nous portions des vêtements qui nous rendent trop séduisantes, sexy, ou aguicheuse.
C’est le victim-blaming, qui inverse la responsabilité de l’acte et culpabilise les victimes.
Ce victim-blaming, Anna, l’organisatrice de l’évènement, l’a elle-même subi, comme elle le raconte dans une interview pour Terrafemina :
« J’ai été violée, il y a eu un procès aux assises en 2018 et au procès, on a beaucoup mis l’accent sur mes vêtements.
On a projeté sur écran géant l’intégralité de mes vêtements, en me demandant la longueur de ma robe, l’épaisseur du collant, est-ce que mes sous-vêtements étaient en dentelles ou pas, est-ce que mon gilet descendait sous mes fesses ou pas, la hauteur de mes talons…
Dans la plaidoirie de la défense, on m’a sorti que j’étais en tenue provocante, que j’étais une aguicheuse. Et c’était quelques mois après #MeToo !
Cela a été un déclic. »
Une victime n’est jamais responsable de son viol
Anna s’est inspirée du travail de Katherine Cambareri, étudiante à l’université d’Arcadia aux États-Unis, qui a exposé une série de photos montrant ce que les victimes de viol portaient au moment de leur agression.
Sur des clichés sobres au fond noir sont photographiés des chandails ternes, des Converse suspendues par les lacets ou des shorts de sport.
Ce projet a pour objectif de briser le stéréotype de la victime « tentatrice ». Et quand bien même elle le serait, est-il nécessaire de rappeler que le seul responsable d’un viol est le violeur ?
C’est ce que rappelle une affiche brandie lors de la manifestation :
Le collectif met aussi en lumière d’autres stéréotypes.
Par exemple, l’idée qu’une victime de viol a sa part de responsabilité si elle n’a pas opposé de résistance, alors que ce sont la peur et la sidération qui paralysent.
Une autre dévoile les phénomènes d’emprise qui réduisent certaines victimes au silence : « C’était un écrivain connu. Je n’ai pas osé porter plainte. », peut-on lire sur une pancarte.
La culture du viol, difficile à déraciner
Le chemin qui reste à parcourir est encore long : un sondage Ipsos de 2019 estime que 42% des Françaises et des Français considèrent que si la victime a eu une attitude provocante en public, cela atténue la responsabilité du violeur…
Un chiffre effrayant, surtout qu’au même sondage réalisé en 2015, 40%, soit 2% de moins, avaient répondu en ce sens.
De la même façon, la proportion de personnes qui pensent que le malentendu est souvent à l’origine d’un viol a augmenté de 29% à 32%…
Une piste d’explication évoquée par Ipsos : le mouvement #MeToo, qui a libéré la parole des victimes d’agression sexuelle et de viol, aurait entraîné une réaction négative, un « backlash » (retour en arrière) au sein de la population française.
Ces chiffres expliquent en partie la difficulté, pour les victimes, de prendre la parole et de dénoncer leurs agresseurs.
Parler, un premier pas pour lutter contre la culture du viol
L’objectif des Soeurcières est de briser le silence qui règne autour des viols, comme l’explique la description de l’évènement sur Facebook :
« Depuis des semaines nous préparions cet évènement avec nos tripes et l’envie, le besoin de délier la parole des victimes qui sont bien souvent réduites au silence, à la souffrance, à l’injustice.
Nous vous croyons, nous vous soutenons, nous vous soutenons ».
Toujours dans Terrafemina, l’organisatrice de la journée annonce de nouvelles actions, qui seront déployées au niveau national. Je t’en tiendrai informée !
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