Publié le 12 mars 2019
L’adolescence ne pardonne pas, et tapisse souvent les peaux de boutons purulents, en même temps qu’elle fait naître même à la plus fraîche des pom pom girls un beau duvet au-dessus de la lèvre supérieure.
L’adolescence, une période ingrate
Moi, en plus d’une moustache et d’un appareil dentaire aux élastiques oranges, j’arborais un très beau mono-sourcil à la Emmanuel Chain.
Un look plein de charmes qui ne me valait pourtant aucun éloge de la part de ceux qu’à l’époque encore j’appelais « garçons ».
Car des filles et des garçons, c’est ce que nous étions, loin des considérations d’adultes.
Des filles et des garçons qui allaient à l’école, fumaient des clopes en cachette, dépensaient l’argent de la cantine en sacs à main, organisaient des soirées Skins (mais en dansant mollement sur Claude François) et… se roulaient des pelles.
Sauf que moi, des pelles, bah j’en roulais pas.
J’avais, un jour, été très proche d’en rouler une, mais ça s’était finalement soldé par un échec.
Tous les critères étaient pourtant réunis : j’étais en colo de ski sans mes parents, il faisait très froid, un type prénommé Alexandre me plaisait beaucoup, et ça avait l’air d’être réciproque.
Tellement réciproque qu’un soir, lors d’une boum, il m’a proposé de danser avec lui.
Comment quelques mots peuvent altérer une estime de soi
Son « Tu danses » constitue peut-être mon tout premier frisson érotique.
Sans répondre et en titubant, j’ai accepté le slow.
Ivre sans avoir bu une goutte, j’avais fait comme mes copines m’avaient appris : je m’étais collée à lui, j’avais posé mes mains sur ses épaules, respiré fort dans son oreille et bougé les hanches en rythme avec la musique.
Finalement, Alexandre n’a pas aimé danser avec moi et a mis un terme à ce slow expéditif par un aimable :
« Vas-y stop, tu me marches trop sur les pieds. »
Autant dire que je suis pas restée longtemps perchée sur mon nuage, et que la boum s’est transformée en piste d’atterrissage aussi rugueuse qu’une planche à pain vieille de 240 ans, qui laisse des échardes dans la chair.
Après cette expérience désagréable, je ne trouvais qu’une seule explication au refus de toute personne à pénis de me considérer comme digne d’intérêt : j’étais moche.
C’était clair, net et sans appel.
De toute façon, Charles me l’avait bien dit en CM2 : j’avais un nez de sorcière. Et les sorcières, personne n’en veut, c’est connu.
Essayer d’être une autre, jamais une solution
Une fois cette information intégrée, je décidais de tout faire pour contrarier le destin auquel Dame Nature voulait visiblement me contraindre.
Je ne serai pas cette fille moche que personne ne veut avoir pour petite copine.
Non, je serai comme les filles populaires de l’école qui séduisent à grands coups de sourires, leur sac de marque coincé sous une aisselle épilée.
Je me suis trouvé un style vestimentaire, j’ai épilé mon duvet et commencé à imiter les jolies filles en caressant mes cheveux d’une main aux ongles peints en rouge.
J’ai traversé le lycée comme ça, en me trouvant vaguement plus jolie, mais toujours pas renversante.
Un jour pourtant, le déclic.
Le moment charnière, où la confiance naît
J’allais avoir 18 ans, c’était l’été, ma peau était gorgée de soleil, mes taches de rousseur s’étaient multipliées, et mon corps était plein des vitamines issues des fruits mûrs que j’avalais toute la journée.
Un été sec, dans le sud de la France, sous les pins,
j’ai plu aux mecs.
À plusieurs mecs.
Pourtant, cet été-là, j’avais lâché prise sur mon physique. J’étais en vacances avec mes parents et une copine, donc bon, le maquillage parfait et le sourire Colgate n’étaient pas de rigueur.
Il est plutôt de bon ton d’être désagréables avec ses parents quand est ado, donc tirer la gueule, c’était mon crédo…
Mais cet été là, quelque chose a changé.
Je ne peux pas mentir : c’est d’abord le regard des autres, et des hommes notamment, qui a bousculé ma perception de mon corps.
Ensuite, et c’est le plus important, quelque chose d’autre était né, qui changeait la donne.
J’avais mûri.
Ne plus essayer de ressembler aux autres, c’est salvateur
Je ne vivais plus pour ressembler aux autres. Cet été-là, au bord du lac, j’ai tout fait comme j’en avais envie.
J’ai été moi-même devant les autres. Et c’est sûrement ça qui leur a plu : ma confiance, encore balbutiante certes mais bien là, en moi-même.
WAOUH, NO SHIT, QUI L’EÛT CRU !
Un soir où les cigales avaient chanté plus tard que d’habitude, j’ai regardé de vieilles photos dans mon téléphone portable. Et surprise, rien n’avait changé.
En quelques années, mon visage était resté quasi-identique.
J’avais les mêmes yeux en amande, le même nez aquilin, le même sourire, les mêmes taches de rousseur et les mêmes longs cheveux noirs.
Seuls mes sourcils avaient eu droit à un ravalement de façade, taillés à la perfection par une esthéticienne aussi précise que Philippe Starck.
Mais sinon, j’étais toujours la même meuf.
La seule différence ? Un « moi » plus fort, une voix posée, et l’envie de rester fidèle à ce que j’étais et ce que je serai toujours.
J’avais confiance en moi, et surtout la flemme de continuer à essayer d’être quelqu’un d’autre.
Être fidèle à soi-même, la clé
Galvanisée par cette sensation naissante, je me jurais solennellement d’être plus indulgente avec moi-même. De considérer mon corps et mon visage avec bienveillance et douceur.
Alors, j’ai envie de m’adresser à toi désormais, douce lectrice.
Toi qui doutes peut-être de tes atouts, sous prétexte qu’ils sont différents de ceux qu’arborent les meufs dans les magazines et sur Instagram.
N’oublie jamais d’être indulgente avec chacun des petits morceaux qui composent ton grand « toi ».
Ne te laisse jamais atteindre par l’avis des autres, et sois consciente du fait que certains essaieront toujours de te dévaloriser.
Tu verras, au fil des années tu feras de tes complexes une force.
Une arme contre les cons à brandir fièrement devant leur nez.
N’oublie pas de t’aimer, et de le faire autant que faire se peut. Aime-toi toujours plus fort et rappelle-toi que l’on ne s’aime jamais trop.
Le trop n’est pas une limite !
Alors, oui c’est bien gentil tout ça mais comment faire pour s’aimer, quand on a été éduqué à la modestie outrancière voire à l’auto-négativité, par une société qui aime bien nous voir mal dans nos peaux pour nous vendre des trucs ?
Comment s’aimer davantage ?
Voilà quelques uns de mes tips que je te conseille d’appliquer, en prenant soin d’y ajouter tes propres techniques.
- Essaie chaque jour de te trouver une qualité. Et nomme-la à haute voix.
- Ces qualités, répète-les toi chaque jour, et répète-les fort !
- Écris tout le bien que tu penses de toi dans un carnet, et lis-le chaque fois que tu as une baisse d’estime.
- Si quelqu’un s’attaque à ton physique, transforme ses mots en compliments dans ta tête et adresse-lui le plus beau des sourires. Il sera désarmé, tu seras fière et ragaillardie.
- Regarde-toi comme tu regarderais les personnes que tu envies, avec admiration. Car tu mérites d’être admirée !
- Ne te compare pas aux autres, reste toi-même en toute circonstance.
- Ça peut paraître bizarre, mais chéris tes complexes en les caressant par exemple de tes doigts avec douceur. C’est ce que je fais avec mon nez, chaque fois que je l’aime un peu moins.
- Parle fièrement de ce que tu n’aimais pas avant. Par exemple, je cause de mon nez à pratiquement tout le monde. Je parle de lui comme s’il était une bête sauvage que j’ai appris à dompter. Ça m’aide à le trouver génial.
- Cultive ta différence ! Évoque-la, fais-en trop, fais ce que tu veux mais chéris-la.
J’espère que mes modestes conseils te serviront, peu importe le degré auquel tu décides de les appliquer.
Ne te laisse jamais abattre par tes propres coups de mou
Ah oui, une dernière chose !
Il m’arrive régulièrement de ne plus me tenir aux tips que je t’ai confiés. J’ai même souvent des gros coups de mou, où j’en viens à ne plus blairer ma tronche dans un miroir.
Dans ces moments là, je pense même à avoir recours à la solution ultime : la chirurgie esthétique. Au moins une fois par an, je me balade sur des sites consacrés à la rhinoplastie, rêvant à un nez plus court, moins courbé.
Mais pour l’instant je n’ai jamais cédé. J’ai tenu tête à mes insécurités.
Comment ? Je sais qu’une relation avec soi-même est comme toute autre relation : faite de hauts et de bas, mais que les hauts valent souvent le coup !
Alors sois aussi indulgente avec tes coups de blues, rappelle-toi qu’ils ne durent pas, et aime-toi aussi fort que tu peux.
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