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Entre nos jambes écartées, le sexisme ne passera plus

Une pub pour une appli dédiée aux docteurs transforme une patiente en une paire de jambes et y fait défiler d’irrespectueux médecins. 1974 a appelé, même elle trouve que c’est un peu abusé.

Mise à jour du 10 septembre 2016 — La publicité incriminée a été retirée des réseaux sociaux, et l’équipe MeltingDoc a posté un message d’excuse.

https://twitter.com/MeltingDoc/status/774515071913435136

Article initialement publié le 9 septembre 2016 —Bonjour, on est en 2016, et le gouvernement vient de lancer une campagne contre le sexisme.

À lire aussi : Le gouvernement lance #SexismePasNotreGenre, une campagne qui pousse à agir

En 2016 me direz-vous, qu’a-t-on encore besoin de déclamer que le sexisme ne passera pas par nous ? Les temps ont changé, non ?

Non. La lutte contre le sexisme et plus particulièrement les clichés dans la publicité est plus que jamais d’actualité. C’est malheureux, mais les exemples ne manquent pas.

Pièce à conviction numéro 1, un spot de publicité pour une application à destination des médecins. Attention, tentative d’humour médiocre.

Mise à jour du vendredi 9 septembre, 15h55 : La vidéo ayant été supprimée il y a environ 1h, voici quelques screenshots plutôt parlants.

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Bonjour MeltingDoc, vous n’avez pas honte ?

Passons sur le fait que tous les médecins mis en scène sont des hommes, comme s’il était inconcevable qu’une femme puisse exercer cette noble profession.

À lire aussi : Pourquoi l’égalité professionnelle EST une priorité absolue

Ce qui est vraiment révoltant dans cette mise en scène pathétique, c’est le contexte de sa publication. Rappelons en effet qu’au cours des deux dernières années, la parole des patient•es s’est libérée, et l’on a commencé à discuter franchement de

maltraitance médicale, plus particulièrement en matière de gynécologie.

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La maltraitance gynécologique, ça vous fait rire ?

Le sujet avait émergé en 2014 avec la publication du témoignage d’Agnès Ledig, la sage-femme qui a révélé le scandale du « point du mari ». Et par la suite, les témoignages se sont multipliés, jusqu’à faire l’objet d’une édifiante émission dédiée sur France Culture, diffusée en septembre 2015 :

« Plusieurs enquêtes dans la presse et sur Internet ont signalé les pratiques archaïques dont les femmes peuvent être victimes dans leur parcours de santé. […]

En février 2015 surgit sur la toile, le scandale des touchers vaginaux sur patientes endormies. Quelques mois avant sur twitter, le hashtag « #PayeTonUtérus » avait déjà « fait le buzz ». Des centaines de femmes ont raconté leurs expériences douloureuses chez le (ou la) gynécologue : paternalisme, sexisme, conseils dépassés, examens brutaux, paroles humiliantes, homophobie, absence de consentement… »

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Mais le sujet des maltraitances gynécologiques peine à trouver un écho auprès de la profession — il suffit de relire les propos de la secrétaire générale du Syndicat des Gynécologues et Obstétriciens de France (SYNGOF), Elisabeth Paganelli, auxquels Marina Carrère d’Encausse avait parfaitement répondu dans le Magazine de la Santé.

Allô, l’Autorité de Régulation de la Pub ?

Cette publicité remue le couteau dans la plaie… Non seulement de nombreuses patient•es ont effectivement le douloureux sentiment d’être « juste une paire de jambes écartées » sur la table d’examen, mais en plus, c’est précisément de cette façon qu’elles sont représentées dans cette vidéo, censée être humoristique !

Non vraiment, vous ne voyez pas le problème ?

Pas de souci, je suis sûre que l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité se fera un plaisir d’expliquer à l’agence responsable de ce spot en quoi ce genre de « sketch » ne passe plus du tout, en 2016.

Comme je suis d’humeur très serviable aujourd’hui, je vais carrément vous mettre en relation. J’invite toutes les bonnes volontés à prendre en note la procédure de signalement d’une publicité sexiste auprès de l’ARPP (détaillée ci-dessous). Ils sont très efficaces, inutile de flooder, ils n’ont pas besoin de recevoir des tonnes de signalement pour examiner une plainte. (On avait testé avec Rue du Commerce !)

Vous pouvez d’ailleurs épingler cet article dans vos favoris, de rien, c’est cadeau : Comment dénoncer une publicité sexiste ? 

Faites de la pub autrement, bon sang !

On est en 2016, et vraiment, je n’ai plus aucune patience pour ce genre de vidéos… Alors bien sûr, toutes celles et ceux qui dénonceront ce spot affligeant contribueront à faire une formidable pub à MeltingDoc, l’application en question.

Mais peut-être que ce produit est formidable, qu’il mérite d’être largement diffusé auprès de toutes les professions médicales. Fort bien. Arrêtez de miser sur le sexisme pour faire enfler des polémiques virales. Sachez que les personnes qui réagissent ne le font pas parce qu’elles sont à la recherche constante de « la petite bête ».

Comprenez enfin que c’est profondément épuisant de vivre dans un monde sexiste. Quand on y est quotidiennement confronté•e, on a douloureusement conscience des conséquences de toutes ces micro-agressions.

Alors ce n’est pas l’amour des polémiques ou le désoeuvrement qui poussent tant de gens à s’insurger contre des spots qui mériteraient juste d’être ignorés : c’est la colère. Une colère comme un brasier ravivé à chaque nouvelle étincelle.

À lire aussi : Ma colère face au sexisme et moi, de la noyade à la délivrance

Arrêtez de jeter de l’huile sur ce feu. Merci.

Heureusement, en 2016, on n’est plus seul•es au front : la lutte contre le sexisme progresse grâce à tou•tes celles et ceux qui ne laissent plus passer ces inepties.

https://twitter.com/JeVousJuge/status/774125907040534528

Excellente suggestion !

Comment dénoncer une publicité sexiste ?

La publicité est encadrée par un certain nombre de règles légales, et déontologiques. On peut citer deux chartes en particulier : celle qui impose le respect de « l’image de la personne humaine », et celle qui traite des « races, religions et ethnies » (et qui renvoie à la première).

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On ne fait pas exactement ce qu’on veut dans la publicité

Identifier une infraction

Concrètement, une publicité :

  • ne doit pas utiliser la nudité de manière « avilissante et aliénante »
  • « ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet »
  • « ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son appartenance à un groupe social, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société. »
  • doit être particulièrement attentive à respecter cette charte si elle utilise des stéréotypes.

Pour plus de détails, vous pouvez lire les recommandation « image de la personne humaine », c’est pas très long et c’est très clair. C’est à se demander comment font certains pour passer à côté…

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Lorsque vous voyez passer une publicité datant de moins de 2 mois qui enfreint ces règles, notez précisément :

  • sur quel média elle est diffusée
  • le jour et l’heure de sa diffusion
  • l’annonceur ou l’entreprise qui fait diffuser cette publicité (la marque, quoi).

Rendez-vous ensuite sur l’onglet « Déposer une plainte ».

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« Déposer une plainte »

Sur le site de l’ARPP, vous trouverez un formulaire qui permet de déposer une plainte pour une infraction aux règles déontologiques (donc précisément celles dont nous venons de parler, sur le respect de l’image de la personne humaine). Il faut remplir le formulaire, en prenant soin de ne pas omettre ces informations cruciales :

  • votre nom : l’ARPP ne traite pas les plaintes anonymes
  • votre adresse de contact valide : l’ARPP ne vous spamme pas, promis
  • le nom de la société qui annonce : pour que l’ARPP puisse instruire la plainte en respectant le principe du contradictoire (c’est-à-dire en contactant la société visée par votre plainte)
  • l’objet de la publicité : le produit ou le service mis en avant, pour permettre à l’ARPP d’identifier plus facilement la campagne mise en cause
  • où et quand vous avez vu cette publicité.

On vous demande ensuite de décrire la publicité (surtout si elle est passée à la radio ou à la télé ; si vous l’avez vue sur Internet, une capture d’écran et/ou un lien vers la publicité en question pourront faciliter cette étape).

« Motifs de votre plainte »

C’est le moment de pointer précisément quels sont les points de cette publicité qui portent atteinte à l’image de la personne humaine. Vous pouvez citer directement les règles de déontologie de l’ARPP, ou vous pouvez expliquer avec vos mots, votre ressenti, pourquoi VOUS estimez que cette publicité porte atteinte à la dignité de la femme ou d’un autre groupe : on ne vous demande pas d’être un expert juridique.

Enfin, on vous propose de joindre une pièce à votre plainte : si vous avez pris une capture d’écran de l’objet du délit, c’est le moment de l’ajouter à votre joli dossier.

Précision importante : les membres du jury de déontologie sont nos ami•es, il faut rester poli•e ! Inutile de spammer l’ARPP en déposant plusieurs plaintes d’affilée : par exemple, pour Rue du Commerce, les milliers de plaintes ont été examinées ensemble. C’est pourquoi vous n’avez pas besoin de demander à tout votre carnet d’adresse de vous suivre dans votre démarche.

Ce n’est pas la peine non plus de déposer douze plaintes pour protester contre toutes les pubs de yaourt du même groupe : vous pouvez dénoncer plusieurs publicités d’une même entreprise, portant sur des produits similaires et présentant des offenses similaires au sein de la même réclamation.

Si vous n’obtenez aucune réponse, vous pouvez poliment vous enquérir des suites données à votre plainte.

Des questions ? Des hésitations ? N’hésitez pas à venir en discuter dans les réactions à cet article !


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

34
Avatar de Roanne
12 septembre 2016 à 13h09
Roanne
@Louisiana ta remarque rejoins exactement ma propre réflexion à la lecture de l'article.
Déjà le concept même de la pub est puant, dégradant autant pour la profession que pour les patientes, mais en plus, je n'imagine même pas son effet sur les jeunes filles (qu'elles aient déjà consulté ou non).
Sans parler des femmes qui ont déjà vécu des situations pas terribles et qui se voient rappeler leurs 'bons' souvenirs (ironie inside).
3
Voir les 34 commentaires

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