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Rencontres amoureuses, premiers matins post-coïts : comment naît le couple ?

La Saint-Valentin est l’occasion de revenir ensemble sur quelques observations psychosociologiques non exhaustives de la rencontre amoureuse. Mais c’est quoi, l’amour, le sentiment amoureux ?

Pour nous l’expliquer, Boris Cyrulnik partage avec nous l’anecdote suivante : plus jeune, il se sentait amoureux de Marilyn Monroe, était hypnotisé, séduit par elle… En n’en sachant toutefois rien de plus que ce qui était disponible au travers des médias. En réalité, Cyrulnik nous dit qu’il n’était pas amoureux d’elle, mais de ce qu’elle avait déclenché en lui, de l’idée, de l’image d’elle. Finalement, il était amoureux de lui-même. Pour l’auteur, c’est ici que l’on distinguera l’amour de l’attachement : l’amour est un moment de pleine conscience, tandis que l’attachement se fera de façon silencieuse, inconsciente… L’attachement se construira au quotidien, au travers des moments peu glorieux, des haleines fétides et des instants de la vie ordinaire.

Selon les études du psychiatre, les coups de foudre amoureux n’arrivent pas uniquement par hasard, il faut y être prêt : prêt à envoyer les signaux amoureux et prêt à les recevoir. Si toutes les parties sont prêtes à balancer et pécho de l’amour, comment se passe une rencontre amoureuse ?

postcoit

# 1 : pendant la rencontre amoureuse

Pour le sociologue Jean-Claude Kaufmann, nous chercherions avant tout un clone de nous-mêmes. Nous voudrions rester nous, garder une existence propre et simplement ajouter l’autre à cette existence – sans que cet autre ne dérange. Toute la complexité d’une éventuelle relation découle de cette problématique : nous devons sortir de nos coquilles identitaires et faire de la place à l’autre. Intégrer que nous ne serons plus la personne que nous étions jusque-là – ce qui n’est pas sans contredire l’injonction actuelle « être soi », absolument, envers et contre tout.

Lors de la rencontre amoureuse, nous sommes donc en face d’un inconnu qui nous attire, un « étranger intime » (C. Henchoz, 2009). Pour interagir avec cet inconnu, nous devons le comprendre. Pour le comprendre, nous allons le catégoriser, le mettre dans des cases qui nous permettront d’adapter nos conduites.

Imaginez : vous rencontrez Ryan, qui est drôlement beau mais qui ne cause pas beaucoup (il est occupé à mâchouiller un cure-dents). Ou bien vous rencontrez Carey, qui est drôlement belle mais qui des yeux drôlement tristes (et qui n’est pas une grande causeuse non plus). Vous ne savez pas vraiment d’où ils viennent, ce qu’ils aiment, ce qu’ils font. Comment amorcer la conversation dans ces conditions ? Pour pouvoir entrevoir un début d’échange, vous cherchez les indications qui vous permettront de les classifier : milieux sociaux, hobbies, environnements de travail…

Lorsque vous aurez trouvé les passe-temps de Ryan (conduire des voitures en flirtant avec l’illégalité avec un regard de vache malade) et de Carey (s’occuper de son mouflet avec un regard mélancolique), vous allez vous demander si l’intérêt est réciproque : Ryan et Carey sont-ils aussi intéressés par vous que vous êtes intéressés par eux ? A ce stade de la rencontre, nous allons nous mettre à évaluer la relation : si le comportement de mon (ma) partenaire éventuel(le) indique un intérêt romantique, je vais adapter mon comportement au sien. Sinon, je vais sombrer dans le doute (et écouter Kavinsky inlassablement) : y a-t-il une relation, ou est-ce dans ma tête ? Ma relation est-elle de qualité ?

Évidemment, ce cheminement est réciproque : d’un côté comme de l’autre, chacun va vouloir comprendre l’autre, le faire entrer dans des catégories pour mieux interagir et s’adapter à son comportement et ses attentes. L’une des catégories les plus communes est celle du genre : me conformer aux codes « féminins/masculins » facilitera la construction conjugale en permettant de prévoir les comportements. Nos stratégies de séduction seraient donc différentes selon notre genre. Non pas parce que nous serions intrinsèquement différents ou toute autre théorie sexiste, mais simplement parce que nous grandissons dans un monde qui nous assigne un genre – avec toutes les attentes et injonctions qui vont avec.

Mais pourquoi ai-je craqué pour Ryan et Carey plutôt que pour un-e autre (je veux dire : outre leurs plastiques respectives) ? Nous ne reviendrons pas ici sur l’ensemble des critères utilisés lors du choix du conjoint (nous en avions parlé ici). En vrac, retenons simplement que nous aurions tendance à l’homogamie – c’est-à-dire à choisir des gens qui nous ressemblent, qui viennent des mêmes « classes sociales » que nous, qui fréquentent les mêmes lieux, qui ont les mêmes intérêts.

# 2 : le premier matin d’une rencontre amoureuse

Après avoir catégorisé à tour de bras votre cible, vous avez fini par le/la séduire et avez goulûment cédé aux coutumes d’embrassades et de mélange de salives. L’inconnu-e est à présent dans votre lit… Dans son ouvrage « Premier matin », Jean-Claude Kaufmann considère que ce matin-là, le premier, sera crucial pour la suite de la relation.

Dans son enquête, le sociologue a rencontré plusieurs couples, des jeunes, des vieux, des quarantenaires, des cadres, des chômeurs, des ouvriers, des hétérosexuels, des homosexuels. De ses entretiens, il retient que les premiers matins se construisent au travers de cinq phases.

La première étape serait celle du réveil : nous n’avons pas tous la même temporalité. Si vous êtes une petite marmotte squattant le lit des heures après avoir ouvert les yeux et que Ryan/Carey est plutôt du style à sauter du lit presto pour s’enfiler un déjeuner gargantuesque (ou mâchouiller des tonnes de cure-dents), il risque d’y avoir une incompatibilité. Au réveil, Ryan/Carey et nous allons connaître un moment de « flottement identitaire », lors duquel nous allons reprendre nos esprits « où suis-je, qui est ce truc à côté de moi, qu’a-t-on fait… « .

Après le réveil vient une seconde étape, celle du cocon-lit : pour ne pas briser l’ambiance et se protéger encore un peu, le lit va devenir pour quelques temps un lieu de refuge, dans lequel vous pourrez traînasser un peu, avant d’entamer la troisième étape – celle de tous les risques, la sortie du lit. Vous et moi savons bien qu’il est clairement impossible de se draper d’une manière hollywoodienne dans le grand drap blanc du lit, notre partenaire se retrouverait le frifri ou le zgeg à l’air.

Comment gérer la peur du regard de l’autre ? Au moment du lever du lit, tout est plus crû que la veille : les effluves d’alcool ont disparu, les lumières sont vives, tout à l’air plus réel… Et donc plus intransigeant, moins bienveillant. Nous chercherions alors à nous cacher du regard de l’autre, pour ne pas risquer de décevoir, pour protéger notre estime de soi. Le rhabillage est une épreuve périlleuse et difficile (pour peu que la nuit ait été wild, vos vêtements seront éparpillés aux quatre coins de la pièce, amplifiant encore la difficulté de l’exercice). On découvre un corps qui nous est inconnu, plus ordinaire que la veille, moins fantasmé…

Un corps qui devra passer par la quatrième étape : la toilette (peut-être même – ô désespoir – les toilettes). Nous serons toujours soumis à la crainte de déplaire et à l’envie d’être à notre avantage, tout en gardant notre authenticité. Ryan et Carey seront-ils horrifiés s’ils m’entendent faire mes besoins ? Dois-je risquer l’occlusion intestinale pour préserver notre amour naissant ? Croyez-le ou pas, je connais un paquet de personnes qui répondrait par l’affirmative. Vous l’avez compris, la problématique salle de bains/WC vient poser la question des bornes de l’intimité conjugale…

La cinquième étape, le petit-déjeuner, constitue également un grand moment de la relation : nous sommes complètement détachés du lit-cocon et au plus près de la réalité, nous venons de passer du privé au public. Ne vous leurrez pas : lorsque Ryan/Carey ira chercher les croissants, ce sera justement par besoin de prendre la fuite face à tant d’étrangeté. Les habitudes d’autrui sont toujours emplies d’étrangetés, de bizarreries, de choses que nous, nous ne faisons pas comme ça. Les partenaires sortent de leurs routines respectives, et chacun tente d’acclimater son comportement à celui de l’autre.

Par conséquent, le premier matin, si banal qu’il soit, n’est pas un moment comme les autres… Il témoigne de l’entrée dans l’ordinaire du couple et montrera si le désir des partenaires est capable de résister à ce quotidien partagé. En quelques instants seulement, une multitude de toutes petites décisions ont été prises, plus ou moins consciemment, mettant en place un « style conjugal » et indiquant peu à peu si, oui ou non, nous avons décidé de passer du temps ensemble.

Pour Jean-Claude Kaufmann, il y aurait trois types de matins : les matins chagrins (difficiles, délicats et problématiques, qui prendront place lorsque la situation conjugale n’a pas été clairement établie la veille : est-ce un flirt, un coup d’un soir, une petite histoire ?), les matins enchantés (promettant un avenir radieux, proportionnel à l’engagement amoureux) et les matins anodins (lorsque nous remettons les évaluations à plus tard).

Somme toute, les premiers matins sont particulièrement importants lors de la construction d’une relation amoureuse. Évidemment, tout ne se joue pas à ce moment précis, mais les partenaires mettent déjà un système en place – un système dont il sera ensuite difficile de sortir. Les tue-l’amour, les pets au lit, les haleines du matin, les mauvaises humeurs passagères, les pyjamas moches, les « bugs » de la vie quotidienne, seraient des façons de mettre le sentiment amoureux à l’épreuve et de confirmer que le désir est encore là.

Pour Kaufmann, la formation et le maintien du couple sont faits d’étapes qui semblent anecdotiques, mais qui sont en réalité fondatrices : les premiers matins, l’acquisition d’un lave-linge commun, la première brosse à dents installée… Tous ces détails sont autant de pas vers l’engagement conjugal, autant de petits miracles du quotidien amoureux. PARFAITEMENT. Et si vous voulez entendre la fabuleuse prose du sociologue (qui explique les choses avec une simplicité et un humour déconcertants), veuillez vous rendre ici.

En attendant, réfléchissons ensemble : pourrions-nous péter devant Ryan Gosling

et Carey Mulligan ? Hein ?

Pour aller plus loin

Un article qui mêle psychanalyse, observations statistiques et études biologiques – L’attraction des prénoms, un article de Nicolas Gueguen – Un article de Caroline Henchoz, qui analyse le couple par son rapport à l’argent


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

4
Avatar de Malaussene
14 février 2012 à 14h02
Malaussene
Message inutile du jour : je viens de vivre un matin plutôt enchanté, je suis heureuse.

Voilà voilà voilà (:
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