Il y a deux semaines, Léa et moi avons eu la chance de partir profiter du Primevara Sound Festival à Barcelone, auquel nous étions invitées par Arte Concert. Tout semblait être réuni pour passer LE week-end de l’année, celui où musique, soleil et débandade allaient s’entrechoquer dans un torrent de bière…
Première heure, première lose
Heureuses comme des lardons dans une poêle, Léa et moi avons pris le RER B le matin du départ, en direction du bel aéroport d’Orly. À 7h30, le RER est presque vide dans cette direction, surtout un jour férié !. Du coup, on échange nos idées sur la vidéo qu’on doit tourner sur place. C’est mon tout premier reportage, j’ai une boulette au ventre mais je suis très impatiente. La programmation est folle (Metronomy, Arcade Fire, Charles Bradley et j’en passe) et j’ai prévu des tutos Mad Gyver « survivre en festival ».
Et là, on reçoit un message de Marie-Charlotte, notre accompagnatrice de chez Arte : « Le vol est annulé pour des raisons techniques, on a un vol à 10h50, mais arrivez le plus rapidement possible, vous devez être là pour échanger les billets ».
Le coup fait mal. Sans perdre notre bonne humeur, on descend du RER direction l’OrlyVal, cet espèce de petit train qui n’a que deux stations et qui dessert Orly depuis Anthony. La carte Navigo ne fonctionne pas, on doit donc acheter des tickets. NEUF EUROS, NEUF PUTAIN D’EUROS pour faire une station.
Et là on se met à se demander ce qu’on aurait pu faire de ces neufs euros. Une bonne salade en terrasse, un aller-retour en Normandie en covoiturage, un lot de trois tanga chez H&M… La liste est longue.
On retrouve MC à l’aéroport. Sauf que le temps qu’on arrive, le vol de 10h50 était plein et on est dispersées sur celui de 13h25. Il est 8h, on a donc cinq heures et des brouettes à attendre. Et je vous cache pas que l’aéroport d’Orly est probablement le pire du monde. Que des boutiques où les montres sont à trois milles euros et les sacs en peau de yacks sauvages de Mongolie. Pour le shopping, on repassera.
La compagnie, dont je ne citerai pas le nom (ok, c’est Vueling), nous offre, en dédommagement de l’annulation du vol, une sandwich chez Paul, et une boisson. La générosité ne connaît donc pas de limites, et c’est beau.
Entre la station à neuf euros et le sandwich que j’ai rongé pendant ces cinq heures d’attente, je me suis dit que rien ne devait altérer ma bonne humeur.
Avec Léa on décide donc de passer le temps et de se balader dans l’aéroport, en filmant des techniques pour passer le temps. Et on croise une employée de chez Paul. Avec l’humour qui me caractérise, je lui demande si un jambon-fromage et un café ça vaut cinq heures d’attente.
En voiture avion, Simone !
Enfin, on embarque. Durant cette heure et demie de vol, j’ai tenté une petit sieste pendant que MC faisait des blagues à Léa sur les accidents et autres dépressurisations, celle-ci redoutant l’avion plus que la peste. On arrive sans encombre, on hèle un taxi, probablement le plus gentil de Barcelone, qui nous indique les lieux à voir, les endroits où manger, et nous dit en rigolant qu’il n’est jamais allé à Paris, sauf une fois où il a passé trois heures à Orly pendant une un transit. Avec ou sans sandwich, je lui demande.
On arrive à l’hôtel, on pose nos affaires, on se douche, et j’enfile ma tenue de lumière. Je n’étais jamais allée dans un festival de ma vie, à part à la fête de l’Huma quand j’avais neuf ans, avec ma mère. Et comme j’ai vu que c’était THE PLACE où il fallait avoir un look fou, j’ai sorti ma panoplie : mes bottes de pluies bleu ciel, une jupette en jean, et un t-shirt avec des chats galaxie.
Primavera Sound, c’est parti !
Le festival commençait à partir de 17h, on va récupérer nos pass, et non seulement ils nous offrent un mirifique sac à dos jaune pisse, mais en plus sur mon badge, y avait écrit « Journaliste ». Maman, je suis journaliste, ta fille n’est pas qu’une saltimbanque !
Il fallait profiter du jour pour tourner ce qu’on pouvait, et on avait décidé de profiter des concerts une fois la nuit tombée. On s’attelle alors à la présentation du lieu, des scènes et des artistes.
Un immense espace en extérieur, avec une dizaine de scènes, et toutes la nuit, pendant trois jours, des artistes pop, rock et électro qui s’enchaînent et se déchaînent pour donner du bonheur à une horde de gens heureux et éméchés. Arte concert en est partenaire et offre la possibilité de voir les concerts principaux en live streaming et de les revoir ensuite en replay pendant six mois. Donc si tu as la flemme d’aller jusqu’à Barcelone, tu peux profiter gratuitement du concert et te délecter de la musique, sans décoller ton fessier de ton canapé IKEA.
Le premier truc qui nous a choquées, c’est que tout le monde était beau. Mais beau ! Toute la planète s’était donnée rendez-vous à Barcelone, des personnes de tous âges, toutes nationalités, et toutes avec un style à couper le souffle, de la bohème-chic-modèle-Asos au rockeur-dandy-modèle-Asos. Même les infirmiers du Samu avaient du style dans leurs petits gilets jaunes fluo.
On se place en hauteur, sur un grand terre-plein en béton qui offrait une vue imprenable sur la mer, et je commence à vider mon sac. Le minimum pour survivre pendant un festival, c’est :
- Des bottes de pluie au cas où (vaut mieux avoir chaud mais être au sec)
- Un k-way des plus swaggés
- Une petit crème solaire
- Un pisse-debout, roi du festival
- Une petite boîte dans laquelle j’ai mis du talc au cas où je recevrais de la bière dans les cheveux
- Mes inévitables bouchons d’oreilles, parce que j’ai un acouphène et que le son dans ce genre d’endroit est bien bien fort.
Ensuite, une pause s’impose : on va dans l’un des soixante milles stands Heineken pour s’offrir une petite boisson à base de houblon.
Un jeune garçon vient m’aborder pour me dire qu’il aime bien mes jambes. Ce à quoi je réponds que je les ai achetées y a deux semaines en friperie mais que je suis ravie du modèle choisi. Et là, il me dessine un gros cœur au marqueur rouge sur le bras et m’écrit les premiers chiffres de son numéro de téléphone, en me disant « Si tu veux le reste de mon numéro viens ici à 22h30 et je t’écrirai la suite ».
Mais mon brave monsieur, vous avez loupé un épisode concernant l’offre et la demande ! Vous ne pouvez pas venir m’aborder pour me draguer et agir comme si c’est vous la personne convoitée. Il va sans dire que son numéro m’intéressait moins que mon dernier tampon, du coup je lui ai posé un lapin.
Espagnol, danois et « langage de mec bourré »
Ensuite on s’est baladées devant des stands où des artistes, graphistes et labels exposaient leurs créations. On a rencontré un docker qui avait le style de Lenny Kravitz, deux sœurs danoises qui faisaient des affiches à New York, et un Irlandais très tatoué, qui avait la coupe au bol d’un moine et un marcel rose fluo « Keep calm and party in Barcelona ». J’ai tenté un petit street tattoo mais il avait consommé je ne sais quelle drogue et son élocution était très approximative. Pourtant je suis bilingue, mais je n’ai pas réussi à traduire « iaimeatzaatttooatistmaïself ».
Après ces aventures, je suis allée réciter un poème en espagnol, le seul que je connais, de Garcia Lorca, à des natifs. Eh bien sachez que dans un festival à Barcelone, trouver un Espagnol c’est très
difficile.
On trouve finalement un groupe de gentilles Barcelonaises qui m’écoutent très gentiment réciter dans un espagnol moyen ma poésie. Leur réaction est sans appel : « Il faut que te le récites à un garçon, il va fondre devant ton accent français et vouloir t’épouser ». Ni une ni deux, je trouve un Espagnol du sexe opposé pour tester mon charme sur lui, ma poésie n’ayant apparemment pas fonctionné sur ces gentilles demoiselles. Je déniche un petit groupe, et je récidive avec toute l’émotion du monde.
À la fin, je demande à un des garçons si il veut m’épouser, il répond oui avec le moins d’entrain possible, comme si je lui avais proposé de ratisser un terrain vague.
¡ Música !
On est ensuite allées écouter quelques concerts, et on a fait de belles découvertes, parce que Primavera c’est tout de même plus de 70 artistes et groupes, donc dans le lot y a moyen de découvrir des petites perles… Comme Jupiter Lion, un groupe de pop rock de Valence qui propose une musique assez électronique qui fait battre la basse dans ta cage thoracique. On a vu aussi WarPaint, qui a fait une belle reprise de Life On Mars de Bowie.
J’ai pris un malin plaisir à aller demander aux filles qui faisaient les 800 mètres de queue pour les toilettes si elles connaissaient le pisse-debout. Certaines ne trouvaient pas que c’était une avancée si folle que ça : à croire qu’elle aimait être en tension sur leur quadriceps ou avoir de l’urine d’autrui sur les cuisses ! D’autres voulaient m’en acheter un. Manque de pot, je n’étais pas VRP de l’urinette portative…
Et là, une chose m’a frappée. Les mecs aussi faisaient la queue. Seule une poignée d’anarchistes se permettaient d’uriner sur l’espace public, les autres allaient aux commodités. C’est pas sur la place de la République un samedi soir qu’on aurait vu ça.
Au dodo (et à la bouffe)
La nuit commençait à tomber et la fatigue pointait le bout de son nez. Puisqu’on s’était levées à 6h du matin, je vous cache pas qu’à minuit on était cuites au feu de bois. On est passées devant une allée pleine de stands de bouffe : hamburgers, vegan hot dogs et autres tapas. Mais comme on devait avoir au moins marché sept cents kilomètres et que nos pieds nous suppliaient de les achever, on est rentrées dormir, non sans avoir consommé un beau burger de chez MacDonald, parce que c’était à côté de l’hôtel.
Le lendemain, réveillées à l’aube, on va prendre un énorme petit déjeuner à base de fruits, de yaourt et de bacon et de fromage. On n’a pas brunché, on a brunchiné : c’était si copieux que ça servait aussi de dîner !
On s’est baladées jusqu’à ce que le festival rouvre ses portes. À ce moment-là, on a rencontré Stéphanie de chez Arte Concert, qui nous a montré les régies, où les caméramans, monteurs et autres techniciens magiques qui rendent le live streaming possible travaillent. Une petit fourmilière pour un résultat fantastique.
Une dernière bière et c’était déjà l’heure du départ. Direction l’aéroport.
Et là… c’est le drame
Notre vol était bel et bien là. C’est TOUJOURS l’aller qui est annulé, ce voyage qui te permet de quitter ta ville morose direction le soleil, jamais le retour, qui te forcerait à rester profiter des tapas et du vin d’été.
Je passe la sécurité sans souci, mais Léa reste bloquée et on lui vide ses sacs. Elle avait un petit bagage à main et son sac à dos avec la caméra. C’est vrai qu’au rayon X, un micro ça ressemble à une Kalachnikov…
Ne faites pas ça chez vous.
Elle reste donc dix bonnes minutes à la sécurité, à vider ses affaires qui se renversent en sortant de la machine à rayons X. Elle récupère ses bricoles, pressée par la nana de la sécu, perd une bague dans la bagarre, et on monte dans l’avion, non sans avoir acheté un chorizo de la taille d’un sexe de cheval en guise de souvenir.
On arrive à Paris, on court prendre l’OrlyBus et une fois à quelques kilomètres de Paris, Léa me regarde avec dans ses yeux la peur, la rage, la souffrance.
« J’ai pas la carte mémoire avec les images du festival. »
« DE QUOI ? », dis-je sans aucune discrétion. « Elle a dû tomber à la sécurité quand mes affaires se sont renversées, c’est horrible ». Arrivées à Denfert, on vide ses sacs. Et là, juste là, on venait de perdre deux jours de boulot, deux jours de street styles, de street tattos, d’interviews nulles, de dragues à deux balles, de concerts formidables, de flaques de boues, de queues aux chiottes…
En rentrant chez nous et pendant les deux jours qui ont suivi, Léa et moi avons appelé, envoyé des mails, harcelé l’aéroport pour retrouver la carte. Rien.
On aurait préféré perdre nos sacs, ou notre virginité.
J’avais l’espoir fou d’avoir un appel qui dirait « Bonjour, je m’appelle Jacques, j’ai trouvé une carte mémoire à l’aéroport de Barcelone et je vous ai reconnue, vous êtes la conne en slip sur Internet ? », ou alors « Ola, je suis Javier, je travaille à la sécurité de l’aéroport de Barcelona et j’ai votre bien, alors je vous l’envoie immédiatement, parce que j’ai conscience que votre perte est une tragédie ». Ces appels ne sont jamais venus.
L’état mental de Léa et moi : une allégorie
C’est donc pleine d’émotion que je vous écris ces quelques lignes, pour vous conseiller d’aller le voir en vrai, ce festival, parce que si vous espériez des images, vous pouvez vous brosser, et j’en suis excessivement triste. Mon tout premier reportage a disparu dans les tréfonds de l’aéroport.
Mais vous, sincèrement, allez-y, les gens sont beaux, gentils, la nourriture y est délicieuse et odorante et surtout, surtout, les concerts valent le déplacement. On a passé un beau moment, et l’année prochaine j’y retournerai.
Bonus !
Je m’étais promis de ne jamais raconter cette histoire, mais voilà, je voulais quand même vous vendre un peu de rêve avant de vous quitter.
Après ma bière, Léa était en train de tourner, je me retourne vers elle, elle appuie sur REC en se disant « Oh je connais ce regard, c’est le regard de la Mady qui va dire un truc trop fou », et j’ai roté. C’était le plus gros des rots, envoyé directement dans le micro de Léa qui avait un casque et qui a eu le droit à tous les échos en stéréo.
On a ri, mais elle m’en a voulu, et m’a fait promettre de ne jamais recommencer.
Je suis comme ça, que voulez-vous : je donne tout.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Ou diverses anecdotes sur les concerts auxquels elles ont pu assister.
Je comprends mieux le contenu du coup. Mais vu qu'être dans le public est quelque chose que nous pouvons à priori toutes plus ou moins faire, je pensais que Mady et Léa pouvait profiter de leur statut d'invité presse, ou je ne sais quoi, pour montrer/parler de choses que nous, simples spectatrices ne pourrions pas voir. Sans forcément faire un "making of du festival", mais de l'info.
Et d'autant plus que leur mésaventure vidéalistique leur a empêché d'avoir une plus value vidéo.
Histoire de compenser un peu.
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