En 2014, un sacré paquet de gens utilisent Facebook, au point que le réseau social peut être perçu comme un mode de communication à part entière : nous pouvons y affirmer nos revendications politiques (« j’adore les pizzas »), sensibiliser nos amis aux causes qui nous semblent importantes (« les pizzas, c’est bon pour le moral »), papoter avec notre papa (« tu veux pas faire de la pizza ce soir ? »), liker les photos de nos anciens voisins de palier, rejoindre des groupes de réflexions philosophiques (« tu sais que tu aimes les pizzas quand… »), et bien plus encore.
Peu à peu, le réseau de Zuckerberg est devenu un objet d’études pour les sciences humaines et sociales. Des recherches ont pu nous expliquer qu’Internet nous permettrait de renforcer nos relations sociales et d’en créer de nouvelles plus facilement, donnerait un coup de pouce à celles et ceux qui auraient certaines difficultés relationnelles, que nos e-complaintes peuvent finir par gonfler notre liste d’amis (« étouffe-toi avec tes pizzas »)…
Quand nos « ami-e-s » nous ignorent
Une nouvelle étude, publiée dans le journal Social Influence
, souligne que nos statuts Facebook sont aussi des moyens de faire entendre nos voix, et soulève une question essentielle : comment réagit-on lorsque l’on parle dans le vide et que personne ne relève nos petites e-loghorrées ? Lorsque personne n’aime ou ne commente nos statuts, comment nous sentons-nous ? Pensez-vous que les réactions ou absences de réactions de vos e-amis ont un impact sur vous, sur votre bien-être, sur vos sentiments ?
Pour répondre à ces interrogations, la chercheuse Stephanie Tobin a mené deux études centrées sur les utilisateurs « passifs » du réseau social et l’ostracisme, avec la volonté d’analyser les sentiments des utilisateurs de Facebook lorsqu’ils sont snobés par leur liste d’amis.
Deux jours sans Facebook, la mort sociale ?
Dans la première recherche, l’équipe menée par Tobin observe des utilisateurs habitués à poster fréquemment sur le réseau social.
Durant l’étude, les participants sont répartis en deux groupes : si les membres du premier groupe sont autorisés à poster sur Facebook comme ils en ont l’habitude, les chercheurs demandent aux membres du second groupe de ne pas poster sur le réseau social pendant environ deux jours. Avant et après l’étude, les chercheu-r-se-s posent un certain nombre de questions aux participant-e-s, afin de mesurer ce que l’étude change ou ne change pas.
Sans surprise, freiner les publications d’utilisateurs habituels du réseau a un impact négatif : les participant-e-s non autorisé-e-s à poster ont eu le sentiment de ne pas répondre à un besoin.
Ce qui est plus surprenant, c’est que l’absence de participation à Facebook a également eu d’autres impacts : elle a diminué le sentiment des participant-e-s d’appartenance à un groupe et affaibli leur sensation d’avoir une vie qui a du sens… Allons bon !
Un Facebook silencieux, le mépris du XXIème siècle
Dans leur seconde étude, les chercheurs-es placent les participant-e-s dans des conditions « de laboratoire » : les volontaires utilisent cette fois des comptes anonymes faits sur mesure. Une fois encore, ils sont répartis en deux groupes : tous sont autorisés à poster sur le réseau social, mais seule une moitié d’entre eux recevra des réponses et réactions d’autres utilisateurs. Autrement dit, l’autre moitié des volontaires ne recevra aucune réponse des autres utilisateurs, comme s’ils n’existaient pas sur le réseau social.
Bien entendu, les participant-e-s ne savent pas que le réseau est programmé pour ne pas leur donner de réponses. Avant et après l’expérience, ils répondent également à un questionnaire des chercheurs.
Verdict : si pour les membres du premier groupe (qui interagissent avec d’autres membres Facebook et reçoivent des réponses), rien ne change (ni leurs sentiments d’appartenances, ni leurs estimes de soi, ni leurs sensations de contrôles…), en revanche, pour les autres, ceux que l’on a allègrement ignorés sur le réseau social, l’exercice est difficile et a des impacts négatifs. Ils se sentiraient ostracisés, invisibles, exclus, moins importants… L’expérience a également atteint leur estime de soi et leur sentiment de contrôle.
Mais HEY, pour ne pas les laisser en pleine déprime post-expérience, l’équipe de recherche leur a avoué la vérité : tout ça n’était qu’une petite supercherie, tout était programmé pour que leurs statuts soient invisibles et pour qu’ils n’obtiennent aucune réponse ! OUF.
En somme, sans « j’aime » et sans commentaires sous nos statuts inspirés, nous courons le risque de nous sentir bien mal. Lorsque nos potes ne nous font pas la politesse d’un pouce levé, cela affecte la manière dont nous voyons la vie, cela accroît notre sentiment de solitude, cela fiche un coup à notre estime de soi…
Quelles leçons tirer de ces expériences ?
Dans la « vraie vie » ou en ligne, même combat : pour nous sentir bien, nous avons besoin de relations interpersonnelles et d’interactions. Et si les réseaux sociaux nous donnent l’opportunité d’avoir des interactions, ils nous font aussi courir le risque d’être exclu-e.
Nous craignons l’exclusion, le regard des autres, le non-intérêt des autres. Bossons un peu sur cette peur-là : souvent, le regard des autres n’a que le pouvoir qu’on lui accorde !
Rappelons-nous également qu’accorder un petit « j’aime » à nos pote, ça ne mange pas de pain, et ça peut contribuer à leur bien-être. Je m’en vais « liker » frénétiquement tout ce qui passe sur ma timeline — sauf les déclarations douteuses du tonton raciste.
Pour aller plus loin…
- Une typologie des statuts Facebook qui envoie du bois
- L’étude menée par Stéphanie Tobin
- Des articles du Medical Daily et du Huffington Post sur le sujet
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Les feed-backs positifs (tels les likes) sur notre profil augmentent notre estime de soi, alors que des feed-backs négatifs la font diminuer (Valkenburg et al, 2006).
La communication directe sur FB (telle que les messages sur les murs Facebook, les commentaires et les likes) a un effet positif sur la satisfaction de vie et fait baisser le sentiment d'isolement (Burke et al, 2010).
Donc soyez gentils, likez vos amis! (Mon nouveau slogan aillettes