Le 4 juin : Les deux agresseurs d’Olivier et Wilfried, un couple d’hommes tabassé en avril 2013, ont été condamnés à trente mois de prison ? avec douze mois de sursis avec mise à l’épreuve pour l’un, quinze pour l’autre.
Un troisième a été condamné à six mois de sursis pour n’avoir pas tenté d’empêcher de délit. Comme les deux agresseurs, il s’est excusé pendant l’audience. Un quatrième homme, mineur au moment des faits, doit encore comparaître devant le tribunal pour enfants.
La circonstance aggravante d’agression en raison de l’orientation sexuelle a été reconnue. Yohann Roszewitch, président de SOS-Homophobie et partie civile au procès, a salué « une décision qui [leur] paraît juste », dans le contexte d’une augmentation forte des violences homophobes.
Le 17 mai 2014 :
Le 17 mai, c’est la journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. Plus de 120 pays y participeront, avec des événements variés comme des marches, des débats ou des projections de films.
Ce rendez-vous est plus important que jamais en 2014, puisque l’année dernière a été marquée par une hausse sans précédent des actes LGBT-phobes (lesbophobes, gayphobes, biphobes et transphobes, donc).
Selon le dernier rapport annuel de SOS Homophobie, l’association a passé la barre des 3000 témoignages en 2013, soit une augmentation de 80% par rapport à 2012. Elle est très probablement due au débat sur le mariage pour tous : la hausse la plus importante concerne les premiers mois de l’année, durant lesquels les opposants se faisaient amplement entendre.
Les témoignages vont des insultes aux agressions physiques en passant par les menaces ou la « simple » homophobie sociale, c’est-à-dire la difficulté à s’épanouir dans une société qui considère l’hétérosexualité comme la seule option possible.
Internet, lieu d’expression privilégié des LGBT-phobies
Plus de la moitié des cas recensés concernent Internet, que ce soit des sites haineux, des commentaires non-modérés ou des messages sur les réseaux sociaux. Twitter est le plus représenté dans ce sinistre classement : on se rappellera par exemple des hashtags #LaFranceSansGays, #BrulonsLesPD, #LesGayNeSontPasHumainCar ou encore #UnBonGay (les fautes sont d’origine).
L’affiche du film L’inconnu du lac, censurée dans plusieurs villes
Internet est également le théâtre de harcèlements, d’usurpation d’identité et d’outings (le fait de révéler l’homosexualité d’une personne sans son consentement) :
« Vincent, 45 ans, qui habite le département de l’Eure, a été victime en ce début d’année d’usurpation d’identité et d’outing sur Twitter. Deux comptes ont été créés à son nom sur lesquels l’usurpateur n’a pas manqué de préciser également son âge, sa région ainsi que son orientation sexuelle, pour ensuite diffuser des tweets indiquant qu’il recherche un partenaire alors qu’il est en couple depuis 20 ans.
Si, à l’heure où Vincent nous a fait parvenir son témoignage, les propos de son agresseur ne s’avéraient pas insultants, il n’en est pas moins vrai que Vincent vivait très mal la situation. En effet, il a manifesté à l’association sa consternation de voir sa vie privée ainsi dévoilée aux yeux de tou-te-s puisque n’importe qui a la possibilité de prendre connaissance de ces comptes en tapant son nom dans Google.Vincent a porté plainte auprès de la gendarmerie mais demeure effaré par l’absence de réaction de Twitter : malgré ses démarches de signalement, les comptes sont toujours actifs. »
— Toutes les citations sont extraites du rapport 2014 de SOS Homophobie.
Après Internet, les lieux les plus fréquents d’expression LGBT-phobes sont les lieux publics, la scène politique et la famille.
Encore trop peu de réactions
Outre l’absurdité des nombreux témoignages présents dans le rapport ? l’absurdité de se jeter sur une inconnue dans la rue ou sur le Web pour la traiter de « sale gouine », ou de dire à des « pédés » qu’on va « les enculer » ? ce qui frappe le plus est l’inaction autour de ces actes.
On a par exemple beaucoup reproché à Twitter de mal gérer les propos homophobes ? depuis, l’entreprise a conclu un partenariat avec plusieurs associations pour signaler les tweets discriminatoires. Un accord a également été signé avec la police judiciaire.
Une petite pause dans cet article accablant avec Imagine Me and You, un film que je vous recommande chaudement.
Mais même pour les agressions « hors-ligne », déposer plainte est parfois difficile en raison d’un contexte homophobe, soit dans l’entourage direct de la victime (famille, collègues de travail…) soit au commissariat : impossibilité de sélectionner « homophobie » en circonstance aggravante, remarques déplacées voire agent qui prend fait et cause pour l’agresseur.
« Luc et Benjamin sont restaurateurs à proximité de Mougins. Un homme, proche des gendarmes, laisse des mots sur leur terrasse (« Sale PD », « Suce gratuitement ») et les insulte régulièrement(« Tapettes, enculés »). Il a déjà agressé Luc, qui a eu un traumatisme crânien.
Les rapports de gendarmerie, très partiaux d’après Luc, aboutissent toujours à un classement sans suite. Un soir, ivre, l’agresseur revient chercher l’affrontement. Les gendarmes sont appelés.
Mais l’enquête est à nouveau à charge contre les restaurateurs et un témoin déclare : « Les PD lyonnais, vous devriez retourner chez vous pour qu’on soit tranquilles. » Sur les conseils de leur avocate, ils déposent plainte dans un commissariat distant. »
La parole homophobe se libère… celle des victimes aussi
Mais le rapport n’est pas entièrement négatif. L’explosion des signalements serait aussi due à une libération de la parole des victimes, qui témoigneraient davantage.
Wilfred, qui a été agressé en avril 2013 et dont le visage tuméfié a fait le tour d’Internet, se réjouit par exemple de cette médiatisation :
« [La diffusion de ma photographie] a été une excellente chose. On s’était fait agresser pour nous rendre invisibles, pour attaquer un visage d’homosexuel et, au final, on était visibles partout ! »
Pas de quoi déboucher le champagne mais ça rassure un peu au milieu de ce constat très sombre.
Et vous, vous faites quelque chose pour le 17 mai ?
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Les Commentaires
On est dans un pays où la faute revient souvent à la victime et ça, je ne le comprends pas. On est dans un pays libre ou pas ?