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Un fonctionnaire du Ministère de la Culture forçait des femmes à s'uriner dessus
Société

L’État condamné pour les agissements d’un fonctionnaire qui forçait des femmes à s’uriner dessus

Pendant près de 10 ans, un ancien membre du ministère de la Culture menait des entretiens factices durant lesquels il droguait les candidates pour les faire uriner devant lui. Le tribunal administratif de Paris vient de condamner son employeur, l’État, à verser des indemnités à sept de ses victimes.

Le jugement vient de tomber. Jeudi 16 février, l’État a été condamné pour le comportement d’un ancien fonctionnaire du ministère de la Culture qui menait des pseudo-entretiens où il forçait ses victimes à s’uriner dessus. Le jugement rendu par le tribunal administratif de Paris somme l’État (son employeur, donc) d’indemniser une ex-candidate à hauteur de 12 000 euros pour son préjudice, plus 1 500 euros au titre des frais de justice. En 2012, cette dernière avait été contrainte d’uriner sous un pont devant son agresseur, avant d’être hospitalisée par la suite.

Des faits loin d’être isolés

Retour cinq ans plus tôt. L’enquête débute en 2018, lorsque le fonctionnaire, alors directeur régional adjoint des affaires culturelles du Grand-Est, est surpris en train de photographier les jambes d’une sous-préfète. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Celle qui lui succède découvre dans son bureau un fichier Excel intitulé « Expérience P » (comme « pipi »), oublié sur une clé USB. Ce qu’elle y découvre est édifiant : pendant près de dix ans, l’homme qui fut par ailleurs ancien sous-directeur des ressources humaines du cabinet de la ministre Aurélie Filippetti, a administré des diurétiques à des candidates lors de pseudo-entretiens d’embauche. Son modus operandi ? Après avoir drogué le café des candidates, il les invite à poursuivre l’entretien lors de balades à rallonge, sans toilettes à proximité, jusqu’à ce que leur souffrance soit telle qu’elles ne puissent plus se retenir et finissent par uriner devant lui.

Il consigne ensuite chaque entretien (181 au total) dans ledit fichier Excel, incluant les noms de ses victimes, leur âge, la date, si elles ont réussi à tenir jusqu’aux toilettes les plus proches ou non, et ajoute diverses précisions concernant, notamment, la couleur de leurs sous-vêtements ou l’aspect de leur urine.

À lire aussi : Et si on récompensait le sexisme des hommes politiques ? C’est le pari (ironique) de Ça va bien se passer*

« À qui racontez-vous que vous vous êtes fait pipi dessus en entretien d’embauche ? »

Révoqué en 2019 sous la pression des (nombreux) témoignages qui s’accumulent, le haut fonctionnaire est mis en examen la même année pour « administration de substance nuisible », « agression sexuelle par personne abusant de l’autorité conférée par sa fonction », « atteinte à l’intimité de la vie privée par fixation d’image », « violence par une personne chargée de mission de service public » et « infraction à la législation sur les médicaments ».

Rose, l’une des femmes figurant sur la liste d’Expérience P, raconte à nos confrères du Monde sa colère et son incompréhension : « Comment a-t-il été possible de le couvrir si longtemps ? Pourquoi les systèmes d’alerte ne fonctionnent pas ? Où est le devoir de protection de l’employeur – qui est tout de même ici l’État ? ». Comme de nombreuses autres témoignantes, elle raconte s’être rendu à l’entretien en toute confiance : « Je n’avais aucune raison de me méfier. Je passais un entretien dans une institution publique qui en imposait avec un ancien membre du Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes ». Très vite, cette confiance laisse place à la honte et à la culpabilité. Impossible même, pour certaines, de partager à leur entourage ce qui vient de se passer. Elles sont loin d’imaginer, à cet instant-là, qu’elles ont été droguées à leur insu.

Selon le communiqué du tribunal qui a statué jeudi, au moins six femmes, toutes employées du ministère de la Culture, seront également indemnisées. Une compensation symbolique, qui ne saurait totalement réparer l’humiliation subie.

Image de Une : Unsplash / Latrach Med Jamil


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Les Commentaires

10
Avatar de Bloem
24 février 2023 à 13h02
Bloem
Merci pour vos réponses.
En fait ça confirme un peu ce que je pensais:
Il y a eu quelques éléments bizarres (les entretiens trop longs) mais rien qui pouvaient indiquer se qui se passait réellement. Jusqu'au moment de la découverte du dossier "expérience P" où là j'ai pas l'impression que ses collègues ait chercher à le couvrir.
Je ne doute pas qu'il ait été capable de donner le change avec ses collègues. C'est un peu comme lorsqu'un crime a été commis dans une maison et que les voisins interrogée disent "J'ai rien vu. Ils avaient l'air d'une famille normale".
Donc je ne blâme pas les collègues ce qui ça devait être un type sympa et qui renvoyait l'image d'un type "normal" et pas du tout misogyne. Même les "rumeurs", ça restait des rumeurs, apparemment démenties par la directions (vu qu'il n'a rien eu en 2013). Donc entre 2011 et 2013 il y a des "rumeurs", démenties en 2013, puis plus rien jusqu'en 2018.
Là où il y a la faute, à mon avis, c'est au niveau hiérarchique. Car c'est au supérieur hiérarchique de demander "qu'est-ce que tu as fait ce matin? Pourquoi un entretiens qui n'était pas nécessaire? Pourquoi ça a mit autant de temps?".
Ça donne l'impression que certains postes ne sont pas vraiment nécessaire. Perso, si je m'absente 1h j'ai tout le monde sur le dos car le retard s'est accumulé et si je suis malade on doit me remplacer. Là le gars se tournait assez les pousses pour avoir le temps de préparer et avoir des entretiens de plusieurs heures inutiles, et avait quand même suffisamment de temps pour faire son travail... Soit il n'avait pas assez de travail, soit sa hierachie n'en avait rien à faire que le travail ne soit pas fait.
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