« Comme un bon remède, la vérité est amère », proclame un proverbe kurde que j’aurais dû avoir en tête, un chaud matin de printemps, dans le lit d’un garçon qui s’apprêtait à devenir le pire coup de ma vie. Et que je n’arrive pas à totalement blâmer, car après tout, il me l’avait offerte en amont, cette amère vérité…
Mais attendez, je vais trop vite.
« Je ne suis pas un bon coup » (source : le pire coup de ma vie)
C’était dans le monde d’avant, le monde pré-Covid où on engloutissait des bières en terrasse sans masque ni gel hydroalcoolique.
J’étais justement très occupée à tomber des pintes avec un pote pas très proche, rencontré à la base sur une appli mais avec lequel aucune alchimie ne survenait. Je ne l’excitais pas plus que la semelle de ses Vans et il me faisait le même effet, mais nous aimions nous retrouver de temps à autre pour nous bourrer proprement la gueule en disant du mal des gens.
Sauf que ce soir-là, peut-être à cause du printemps, peut-être à cause de la dalle, une forme d’alchimie est survenue. Pas bien puissante, mais suffisante pour que les deux célibataires que nous étions finissent par se rouler des pelles dans tous les coins de rue en rentrant pour nous mettre tout nus.
Malheureusement, ces échanges buccaux très peu recommandés par Olivier Véran n’ont pas empêché l’excitation (et l’alcoolémie) de descendre un peu. Une fois dans son lit, mon Jules ne se montrait pas entreprenant et finit par balbutier, semi-bourré semi-gêné :
« Non mais le sexe, tu sais, je suis pas bon, enfin, je fais pas bien, enfin je sais pas, je suis pas un bon coup quoi. »
L’imaginant embarrassé par un manque d’expérience, je tentais de le rassurer sur le fait que ça ne veut rien dire, « être un bon coup », et qu’on pouvait juste passer un moment sympa sans pression. Mais ne le sentant pas chaud, et ne voulant pas outrepasser son consentement, surtout qu’on était encore ivres, je n’ai pas insisté : nous nous sommes endormis d’un sommeil chaste et houblonné.
Je ne m’attendais à rien, et j’ai été déçue quand même
Au matin (treize heures, mais vous avez l’idée), surprise : l’alchimie est encore là. Et elle rivalise d’intensité avec le soleil. Assurée de l’enthousiasme de mon partenaire et de sa sobriété retrouvée, je me réjouis de pécho pour la première fois depuis de longs mois, et je suis heureuse de partager ce moment avec ce garçon que j’apprécie tout de même. Les capotes sortent de sous le lit, les sous-vêtements volent, nous voilà en position.
Dans un missionnaire maladroit mais somme toute assez correct, mon Jules me pénètre et s’active, le menton enfoui dans mon épaule. Bon… pas de « préliminaires », pourquoi pas, on peut s’amuser après. Un souci plus durable, cependant : c’est l’un de ces mecs qui ne font AUCUN BRUIT pendant le sexe
, ce qui a le don de me déstabiliser et d’entraver mon plaisir. Je décide donc de pousser un petit soupir, histoire de l’encourager et de le mettre à l’aise.
Miracle ! Ça marche ! Mon partenaire de gueule de bois s’autorise une respiration à peine plus appuyée, signal peut-être qu’il commence à prendre son pied ? Est-ce le début des hostilités ?
Non. Non, c’est la fin. Il a respiré fort parce qu’il a éjaculé, ensuite il a roulé sur le côté, retiré la capote et il est parti pisser.
Wow. The audacity.
Plus perplexe qu’excitée, et n’ayant aucune envie de me faire plaisir à la main, je me rhabille et nous partageons un café plutôt gênant devant des vidéos de McFly et Carlito, une activité que je déconseille lorsqu’on a déjà peu envie d’être là. Après un peu d’hésitation, je mets le sujet sur la table : c’était bizarre un peu, non, cette partie de jambes en l’air ?
S’ensuit un bafouillis complexe de mon Jules cramoisi, où se mêlent un rapport un peu compliqué à la taille de son pénis, une peur de jouir trop vite, une gêne maximale autour de la sexualité et une consommation de drogues récréatives qui n’aident pas à la performance. Un peu touchée par sa franchise, je l’ai réconforté en lui disant que j’avais quand même passé une bonne soirée et je suis rentrée cuver ma bière au fond de mon lit, avec mon vibro, merci bisous.
From « mauvais coup » to « mitraillette à orgasmes » real quick
Jules est resté un pote lointain, et surtout le héros de ma nouvelle anecdote marrante : « le pire coup de ma vie, en même temps j’aurais dû le croire, il m’avait prévenue ! » — grand succès en soirée auprès des meufs.
Jusqu’au jour où. Je vous le donne en mille. Ma cousine me parle de son nouveau plan cul, un mec super aux doigts magiques qui fait des cunnilingus plus longs qu’un épisode de Top Chef.
Ce Don Juan de la chatte ? C’était le Jules. MON JULES NUL ! Et c’était, genre, même pas un an plus tard !
Ayant connecté auprès de ma cousine les points reliant « mon pire coup » et « son nouveau plan cul de ouf », nous avons décidé de partager nos expériences pour comprendre comment elles pouvaient tant différer. La réponse est simple : un peu d’éducation manquait à notre Jules.
« La première fois, il a fait comme avec toi, il a voulu me pénétrer direct, mais moi je préfère les préliminaires donc je l’ai guidé pour qu’il me fasse du bien. Et ça l’a fait kiffer de me voir kiffer, du coup ça a duré loooongtemps… je crois que ça l’a mis en confiance, qu’il connaissait pas trop ça.
Du coup, il m’a fait jouir ! Après, la pénétration a été brève mais ça ne nous a pas dérangés. Maintenant, il aime trop me donner du plaisir et on passe des super nuits. Au final c’est pas un mauvais amant en soi, c’est juste qu’il ne pensait qu’à lui avant, et qu’aucune meuf ne le lui avait dit. »
C’est fou quand même. Ce mec a passé au moins dix piges de vie sexuelle à ne pas du tout, jamais, se préoccuper du plaisir de sa partenaire — et à ne jamais tomber sur une meuf qui réclame de prendre son pied. Même moi, je n’avais pas réclamé, malgré mon féminisme et mon franc-parler.
Quelle genre d’éducation sexuelle peut mener un mec hétéro à ne voir la sexualité que par le prisme de son plaisir personnel ? Et mener des femmes hétéro à ne pas oser réclamer du plaisir quand leur partenaire ne leur en donne aucun ? Au final, cette histoire, je la vois comme un exemple parfait du chemin que nous avons encore à faire vers une sexualité hétéro épanouissante…
Et aussi comme une leçon : la prochaine fois qu’un mec me dira qu’il est un mauvais coup, je le croirai et je garderai mon tanga !
À lire aussi : « Toi, va mettre un string » : le pire coup de ma vie, qui me fait encore pleurer de rire
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