Live now
Live now
Masquer
Source : Monkey Business Images
Santé

« J’ai moins de patience avec les fêtes de merde » : quand arrêter de boire bouleverse la vie sociale

Si certain·es évaluent leur consommation d’alcool en testant le Dry January, d’autres ont choisi de ne plus en boire du tout. Quelles sont les conséquences d’une telle décision sur leur vie sociale ? Comment résiste-t-on à la pression ? Quatre lecteurices nous racontent leur expérience.

« Mes parents ont commencé à faire des blagues lourdes sur une éventuelle grossesse »

La première fois que j’ai arrêté l’alcool pour une longue période, c’était à 22 ans car j’avais constamment mal au ventre. J’ai donc arrêté l’alcool et le café pour voir, et ça allait mieux. J’ai repris le café (qui n’était pas le problème), mais pas l’alcool pendant assez longtemps, puis j’ai repris petit à petit. J’ai fait des mois d’abstinences par-ci par-là pendant toute ma vingtaine. Mais depuis six mois, j’ai arrêté de boire de manière plus pérenne pour une raison un peu nulle : je voulais perdre du poids. Ça n’a pas marché, mais j’ai continué pour les conséquences de cette abstinence : j’ai plus plus d’énergie, moins mal au ventre, je suis pus lucide… 

L’alcool me servait d’automédication face à des situations stressantes. Ce sont dans les situations inconfortables, les moments de stress ou de tristesse que l’alcool me manque le plus. Arrêter de boire m’a permis de prendre conscience de ces moments-là et de trouver d’autres pratiques pour alléger l’inconfort.

Pendant un certain temps, mes parents ont été vraiment cools avec mon abstinence. Ma mère a eu deux cancers et l’alcool est un carcinogène au même titre que la cigarette, donc je pense que ça la soulage de ne pas me voir boire. Elle même a été totalement sobre pendant assez longtemps et maintenant s’autorise des écarts, comme moi.

Mais depuis que je me suis mariée il y a un an et demi, mes parents ont commencé à faire des blagues lourdes sur une éventuelle grossesse. Un jour, j’en ai eu marre, je leur ai envoyé un message disant en substance qu’ils étaient lourds et que j’aimerais qu’ils arrêtent. Ils ont compris, ma mère a admis qu’ils étaient lourds et tout va bien maintenant. 

Concernant ma belle-famille, c’est peut-être un peu compliqué. Mon mari vient d’une famille très feutrée et traditionnelle où les hommes servent les femmes sans leur demander, c’est une sorte de galanterie vieille France. Et je ne peux pas leur en parler si librement que ça, comme avec mes parents. À Noël j’ai décidé de boire quelques verres juste pour ne pas créer d’attention sur moi… Je n’ai pas envie d’être l’alien de service, ou la femme possiblement enceinte. Ce n’est pas une question de tentation (je n’aime pas tellement l’alcool), mais la flemme d’aller à contre-courant quand je suis une invitée. Sinon, avec mes amis c’est plus facile : je ramène ma propre boisson, ils me connaissent et ne sont pas lourds.

Mais de manière générale, depuis que j’ai arrêté de boire, j’ai moins de patience avec les fêtes de merde. Je m’ennuie plus facilement quand les gens à qui je parle ne sont pas intéressants, je suis moins motivée à rester dans un bar bruyant… Mais peut-être que c’est juste que je vieillis. Et j’aime beaucoup plus manger avec les gens que juste boire : c’est plus marrant pour moi de dîner chez quelqu’un, d’inviter les gens, d’aller au restaurant…

Les gens qui mettent la pression en soirée, quitte à me mettre un verre dans les mains, maintenant je suis moins compréhensive, je les range dans la catégorie « alcoolique ». Ma sobriété (même ponctuelle) les met dans une situation tellement gênante vis-à-vis de leur propre consommation que je pense automatiquement qu’ils ont une consommation dangereuse. Ou alors, ce sont des bullies qui aiment voir les gens ivres et donc vulnérables. J’ai peu d’expérience de gens qui mettent explicitement la pression, mais quand ça arrive, je me mets en colère et ça marche bien : les personnes se sont toujours excusées.

Mais mon problème principal, au-delà des amis, c’est la « bonne politesse française » de certains milieux. Les hommes qui vous servent et vous re-servent sans vous demander, le fait qu’il n’y ait même pas d’alternatives quand on sort l’apéro ou le champagne… Les femmes sont censées « faire leur mijorée », genre faire semblant de ne pas vouloir d’alcool, et donc quand on ne veut vraiment pas, il y a beaucoup d’incompréhension. Il y a un parallèle à faire avec la nourriture… et le sexe.

Léa

À lire aussi : « Ma consommation d’alcool était trop importante » :  elles font le Dry January et nous expliquent pourquoi

« Les collègues ne me proposaient plus de venir boire un verre après le boulot »

J’ai arrêté de consommer quand mon épouse, après plusieurs avertissements, m’a viré de la maison : soit elle quittait la maison avec nos deux enfants, soit c’était moi… Elle était trop inquiète, la situation n’était plus gérable pour elle. J’ai passé les deux mois suivants seul et j’ai décidé de ne plus consommer pour retrouver mon foyer, j’ai été aidé par mon médecin traitant, et j’ai été suivi par un psy. 

Depuis que j’ai arrêté de boire, j’ai l’impression que mon cerveau fonctionne plus vite, qu’il est plus affuté … Je suis plus à l’aise en public, je participe durant les réunions … Je passe plus de temps avec mes enfants, on fait beaucoup plus de sorties (balades, bibliothèques, activités sportives…). Je suis également moins stressé. Quand je consommais j’étais angoissé dès le réveil de savoir ce que j’allais boire dans la journée, j’avais peur ne pas avoir assez.

Et je me suis re-socialisé. Tout mon entourage m’a encouragé dans ma décision, même si certaines situations sont plus difficiles. Par exemple, les collègues ne me proposaient plus de venir boire un verre après le boulot, les amis nous proposent rarement de venir à l’apéro.  Ça reprend doucement, mais je comprends que ça peut être gênant pour eux. Si la situation était inversée, je ne sais pas comment je réagirais. 

Il y a toujours des situations gênantes. Récemment, à un mariage, ils ont distribué une coupe de champagne à tout le monde pour trinquer au bonheur des mariés. J’ai dû déposer la mienne et aller me chercher de l’eau gazeuse … Au boulot, au pot de fin d’année, j’ai demandé du cola, alors que tout le monde avait une coupe de vin mousseux, la cheffe de service m’a fait un commentaire : « Bah alors ? C’est contre ta religion ? »

Heureusement, je ne me rends pas compte de changements dans la façon dont les autres me voient, j’avais très peur de ça. Pour moi, être alcoolique était vraiment très péjoratif, ça renvoie à l’image de l’alcoolo de comptoir, on a l’impression que c’est de notre faute, qu’on ne fait pas d’effort, que ça n’est pourtant pas compliqué, de ne pas boire… Alors qu’un toxico, quand il arrête, on ne le voit plus comme une victime. C’est con mais j’avais très honte d’être alcoolique pour l’image que ça me renvoie de moi. 

Vincent

« On me l’a longtemps reproché dans les déjeuners professionnels »

Je suis du Nord de la France, et si on prend les recommandations de Santé Publique France, 80 % des gens de ma famille dépassent clairement les limites, c’est une tradition et pour eux, une fierté. Peu de gens ont l’alcool cool, et je fréquente bar et lieux de rencontre gays, où les plus pénibles sont souvent bourrés, harceleurs.

Je n’ai jamais été alcoolique, donc je me passe de l’alcool sans aucune douleur. Depuis deux ou trois ans, je remarque néanmoins que c’est plus simple de dire qu’on ne boit pas. Pendant 25 ans, cela m’a été reproché constamment dans les déjeuners professionnels, ou même les petits déjeuners de presse où l’on servait du champagne dès 10h30 le matin. Je suis journaliste et l’alcoolisme était très répandu dans les rédactions. Certaines avaient même parfois des bars : on fêtait le bouclage, la naissance du fils… Toutes les occasions étaient bonnes, et je connais des attachées de presse qui ont mis des années à se désintoxiquer. Ne pas boire, c’est s’entendre reprocher qu’on n’est pas drôle. Des copains m’ont longtemps commandé une bière sans me demander dans les bars, mais dans ma génération, pas mal de gens tentent aujourd’hui de se limiter.

Aujourd’hui, je quitte les soirées plus tôt, je suis peut-être moins invité mais ce n’est pas sûr, je ne pense pas être exclu à cause de ça. Je ne suis pas névrosé, je fais du baba au rhum avec du rhum et du pâté en croûte avec de la viande marinée au Montbazillac.

Martin*

À lire aussi : J’ai fait le Dry january et après un mois, mon foie peut faire revenir l’être aimé

« En soirée, la question de la consommation d’alcool se pose de plus en plus souvent »

Depuis 2019, après avoir lu le livre Sans alcool de Claire Touzard, j’ai fait le Dry January chaque année. Je pense que la première fois que je l’ai fait, c’était pour vérifier que je n’étais pas alcoolo-dépendante et vérifier que je pouvais bien m’arrêter un mois entier sans manque. Puis je l’ai refait tous les ans pour me purifier un peu. 

Mais depuis le Dry January de l’an dernier, je n’ai jamais vraiment repris parce que je n’en ai ressenti ni l’envie ni le besoin. Je n’ai pas complètement arrêté mais j’ai drastiquement réduit ma consommation d’alcool. Ça s’est accompagné d’un changement de pratiques en termes d’hygiène de vie, avec plus de sport, en faisant plus attention à mon alimentation.

J’ai eu la chance de n’avoir aucun impact sur mes relations sociales. Il faut savoir que j’ai commencé à boire de l’alcool très tard, à l’âge de vingt ans. Je n’ai jamais eu non plus de jugement de la part de mes amis. J’ai d’ailleurs remarqué qu’en soirée, cette question de la consommation d’alcool se pose de plus en plus souvent. Les gens amènent du soft en plus de l’alcool

Avant de ne plus boire du tout, je n’étais déjà pas réputée pour être quelqu’un qui buvait beaucoup d’alcool. Mais c’est vrai que maintenant, quand je dis « je ne bois plus », il y a toujours une petite interrogation chez les gens qu’on ne connaît pas bien. Une fois, j’étais avec un ami et sa mère, j’ai dit « je ne bois plus » et il s’est senti obligé de justifier auprès de sa mère qu’avant, je ne buvais déjà pas beaucoup. 

En tout cas, je n’ai pas l’impression de moins sortir, ou si je sors moins, ce n’est pas uniquement lié à l’alcool. J’ai plus de travail, je suis plus à fond dans le sport avec des objectifs… C’est sans doute plus compliqué quand on évolue dans des milieux très festifs mais ça n’est pas mon cas, et mon abstinence a été acceptée très facilement. 

Bérengère

* Le prénom a été modifié.

Témoignez sur Madmoizelle

Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

27
Avatar de LPD
28 janvier 2024 à 13h01
LPD
@Griffith Non bien sûr, mais à l'époque nous étions beaucoup plus jeunes, aujourd'hui je refuserai tout net.
C'est dur de se dire aussi "est-ce que je laisse ma pote rentrer avec ce vieux mec chelou alors qu'elle tient à peine debout et qu'elle me jure que c'est l'homme de sa vie?"
4
Voir les 27 commentaires

Plus de contenus Santé

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-12-12T103045.066
Daronne

« Mon mari a donné un bout de son foie à notre fille de 9 mois »

Beauté

Adoptez cette routine beauté petit budget pour un look Make up no make up toute l’année

Humanoid Native
Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-11-25T111624.319
Santé

« Et si mon corps était en perpétuelle réaction inflammatoire ? » : Charlie, 29 ans, raconte ses années d’errance face aux effets secondaires des contraceptions féminines

20
Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-11-20T111708.991
Lifestyle

« L’alcool est une condition sociale et on peut rapidement être mis de côté si on ne la remplit plus » : Elena, 36 ans, raconte comment elle a arrêté de boire

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-11-13T154058.525
Santé

« Ah, on dirait que t’as le cancer » : Laure raconte comment l’alopécie affecte son quotidien

6
Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-10-30T170053.120
Santé

« On n’en parle pas assez, mais être malade prend du temps ! » : Solène raconte son quotidien avec une maladie chronique invisible

1
Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-10-30T115104.723
Santé

« Le sommeil occupe une place bien plus importante dans ma journée » : Quitterie, 25 ans, raconte son quotidien avec la sclérose en plaques

Capture d’écran 2024-09-06 à 16.28.20
Bien-être

« On souffre en silence » : 3 femmes nous parlent sans tabou de leurs douleurs menstruelles

Capture d’écran 2024-09-06 à 16.30.20
Bien-être

Douleurs de règles : et si on arrêtait de souffrir en silence ? Une experte nous explique pourquoi il est crucial de consulter

Woman at home suffering from menstrual pain. Menstrual cramps, woman warming the lower abdomen with a hot water bottle, endometriosis, and diseases causing pain.
Santé

Non les filles, ce n’est pas normal d’avoir mal quand on a ses règles !

basic fit minia
Sport

Revivez le talk Madmoizelle et Basic-Fit sur le sport et la santé mentale

La société s'écrit au féminin