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Une femme victime de « revenge porn » pose nue pour prendre sa revanche

En octobre 2011, Emma Holten a vu des photos privées d’elle nue publiées sur Internet. Trois ans après, elle est revenue sur les évènements passés et a mis en ligne des clichés de son corps pour lesquels elle est cette fois-ci consentante.

— Publié le 22 janvier 2015

En octobre 2011, Emma Holten a été victime de revenge porn : sa boîte mail et son compte Facebook ont été piratés et des photos d’elle nue ont été rendues publiques. L’une des photos la représentait à 17 ans, dans la chambre de son copain de l’époque, « un peu maladroite, légèrement penchée vers l’avant : une inoffensive tentative d’être sexy ». La seconde avait été prise deux ans plus tard.

Le revenge porn, « porno de vengeance », c’est le fait de diffuser, après une rupture, des photos et/ou des vidéos dénudées voire sexuelles de son ex. Ce sont majoritairement des hommes qui mettent en ligne des contenus à caractère sexuel concernant leur ancienne copine.

Plus grave encore que cette pratique répugnante : les contenus sont souvent associés à des informations personnelles, comme le nom de la personne en question, et ses coordonnées. Cela mène à du harcèlement, sur Internet mais aussi « dans la vraie vie » : au téléphone, par courrier… voire face à face. Selon Wikipédia, des lois punissant spécifiquement le revenge porn ont été notamment votées en Israël et en Allemagne, ainsi que dans douze États des États-Unis, mais pas en France. Dans l’Hexagone, le Code Pénal dit déjà que :

« Le fait, par toute personne qui a recueilli, à l’occasion de leur enregistrement, de leur classement, de leur transmission ou d’une autre forme de traitement, des données à caractère personnel dont la divulgation aurait pour effet de porter atteinte à la considération de l’intéressé ou à l’intimité de sa vie privée, de porter, sans autorisation de l’intéressé, ces données à la connaissance d’un tiers qui n’a pas qualité pour les recevoir est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende. »

Toujours selon Wiki, le concept du revenge porn vient d’une rubrique lancée dans le magazine pornographique Hustler dans les années 1980, qui proposait au lectorat d’envoyer ses propres photos. Problème ? Les personnes photographiées n’avaient pas toujours donné leur accord.

De nos jours, des sites entiers sont dédiés à ces clichés violant l’intimité de nombreuses femmes (en majorité) à travers le monde. Elles deviennent alors le support de fantasmes sexuels, d’insultes, de mépris, sans raison et parfois à leur insu.

Emma était consentante au moment où ces clichés ont été pris : peut-être même que c’est elle qui avait souhaité les faire. Mais elle était consentante dans un cadre tout à fait privé, en aucun cas pour que des milliers, des millions de personnes puissent y avoir accès ! Elle raconte ce pan de sa vie sur Hysterical Feminisms dans un post pédagogique et important, ainsi que dans une vidéo disponible sur le site du Guardian.

Une fois ces photos mises en ligne, elles ont été abondamment partagées. Sur Hysterical Feminisms, elle raconte :

« Je suis devenue l’une des miliers, des centaines de miliers de filles jetées dans l’industrie pornographique contre leur volonté. J’ai pensé : « à quel point ça va être terrible ? ». Les garçons à l’école ont trouvé ça hilarant, probablement. Ils en ont parlé pendant dix minutes : « Bordel, t’as vu Emma ? ». C’était humiliant, bien sûr, mais je n’ai jamais eu honte de mon corps ou de ma sexualité. Évidemment, j’aurais aimé que ça n’arrive jamais, mais je n’aurais jamais pu imaginer ce qui allait se passer les deux années suivantes. »

Que s’est-il passé les deux années suivantes ? La triste et stupide réalité, c’est que des centaines de personnes ont harcelé Emma. Leur seul point commun, comme elle l’explique dans son billet, est qu’ils étaient tous des hommes qui lui envoyaient des messages tels que « TES PARENTS SONT AU COURANT QUE T’ES UNE SALOPE ? » ou bien « ENVOIE-MOI D’AUTRES PHOTOS DE TOI NUE OU J’ENVOIE CELLES QUE J’AI À TON/TA BOSS ».

Pour Emma, il est évident qu’ils étaient d’autant plus excités qu’ils savaient qu’elle n’était pas consentante :

« Le fait que mon humiliation les excitait me faisait l’effet d’une corde autour de mon cou. Ils savouraient ma souffrance. Être sexualisée par les gens qu’on attire est une chose, mais le manque de « toi », la déshumanisation qui devient le facteur principal, en est une autre. J’ai compris que si j’avais été une professionnelle qui se sexualise elle-même, j’aurais suscité peu d’intérêt. Mon corps n’était pas ce qui les attirait. De plus, j’ai vu que ma perte de contrôle rendait leur harcèlement légitime. J’étais une femme à terre, le jouet de n’importe qui. Qu’étais-je de plus qu’une pute qui n’avait que ce qu’elle méritait ? »

À lire aussi : Je veux comprendre… le slut-shaming

Emma a compris que l’absence de consentement était partout. Elle évoque notamment les creepshots, des photos volées de femmes, par exemple dans la rue, sans leur accord et sans même qu’elles soient au courant que quelqu’un prend des photos d’elles. Des clichés de la sorte, il en existe un nombre effarant sur Internet.

« Cette dynamique est banale, en ligne, et c’est une manifestation concrète d’un débat plus général autour des corps des femmes, de la notion de l’érotisme de sexualiser quelqu’un qui n’est pas au courant », écrit la jeune femme. À juste titre, elle rappelle que c’est dangereux : « Le danger n’est pas d’exciter ou de trouver quelqu’un excitant, mais il est dans le danger d’une situation d’excitation sexuelle dans laquelle il y a deux personnes alors qu’un de ces deux individus n’est pas consentant ».

Un point important de son billet, c’est l’idée de déhumanisation des corps des femmes : 

« Rechercher mes photos, et celles des autres victimes, c’est participer activement à la déshumanisation du corps féminin. Le faire, c’est oublier que ces femmes sont des êtres humains qui, en se sexualisant pour une personne, ne sont pas devenues des objets sexuels. »

Alors après l’humiliation, les humiliations, Emma a décidé de se ré-humaniser. Elle en a discuté avec la photographe Cecilie Bødker, qui a tenté de faire selon la volonté de la jeune femme : réaliser des clichés d’elle nue, « sur lesquels il était évident qu’[elle] étai[t] un être humain qui mérite le respect ».

Emma conclut son post avec ce qui peut être considéré comme une sorte de manifeste de reprise de possession de son propre corps :

« Les photos sont une tentative de faire de moi un sujet sexuel plutôt qu’un objet. Je n’ai pas honte de mon corps, mais c’est le mien. Le consentement est la clé. Au même titre que le viol et le sexe n’ont rien à voir l’un avec l’autre, les photos partagées avec ou sans consentement sont des choses complètement différentes. »

Et ce rappel est aussi salvateur qu’essentiel.

À lire aussi : Pourquoi il ne faut pas partager les photos volées de Jennifer Lawrence & co.

Les Commentaires
20

Avatar de Freehug
14 octobre 2016 à 22h11
Freehug
Le cloup du revenge porn, photos piratées etc. me fait tellement peur que jamais je n'oserai me laisser photographier nue, alors que j'aimerais bien (notamment pas un professionnel pour me "voir jolie&quot. J'ai confiance en mon copain mais pas en ses potes, il peu y avoir envoi de mail par erreur, fouinage, piratage, etc. Une fois je portais une robe légère qui s'était coincée sous mon sac, une dame est venue me prévenir qu'on voyait ma culotte, mon premier réflexe ça a été "oh bordel faites que personne n'ait pris de photo pour la diffuser". J'ai limite plus peur de ça que de me faire agresser, parce que comment se défendre face à du harcèlement en ligne ?

J'aime bien la réponse de cette jeune femme. Je prends ça comme un gros doigt fait à ses harceleurs, mais en plus classe. Et puis comme elle le dit c'est l'humiliation qui les excite même pas tant le fait qu'elle soit nue, donc ce sera possiblement efficace...
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