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Chirurgie esthétique

Être fan de K-pop en France en 2015, ça ressemble à quoi ?

La K-pop, ou pop venue de Corée du Sud, c’est « niche », mais de nombreux et nombreuses fans en France s’adonnent avec joie à ce genre musical. Petit zoom sur un marché en pleine expansion.

La K-pop, c’est assez fabuleux. Les chorégraphies sont léchées au poil de cul près, on sent que les clips sont faits avec du pognon et c’est indéniablement accrocheur. Je tombe parfois dessus en sautant de vidéo en vidéo sur YouTube — il faut dire qu’en tant que férue d’anime, je suis parfois accro à des sons de J-pop… mais je dois avouer que je ne m’y connais pas tant que ça en pop coréenne. Alors comme la petite sœur d’une amie organisait des rencontres de fans dans mon coin, j’ai profité de l’occasion pour squatter et enquêter.

Merci à Lilit, Lauriane, Anaïs, Juliette, Bibi et Cemile (moyenne d’âge : dix-sept ans) pour m’avoir patiemment expliqué leur vécu de fan bien française de K-pop ! Leurs citations émailleront cet article.

À lire aussi : Les idols, des pop-stars pas comme les autres – Carte postale de Corée du Sud

La K-pop et sa complexité méconnue

On commence avec un clip des Exo où ça danse sacrément bien du vermicelle !

La K-pop, mine de rien, c’est un univers assez large. Rivalités entre les groupes, les maisons de disques, amitiés de longue date, ruptures, scandales, émissions diverses, stratégies marketing… les fans que j’ai rencontrées connaissaient tout ça sur le bout des doigts et semblaient bien éloignées de l’image naïve des groupies qu’on s’obstine à montrer dans les médias !

Chaque label a son style particulier et ses têtes d’affiche.

À peine assise à leur table, je les ai vues enchaîner les acronymes un rien déstabilisants. SM, YG, JYP… mais qu’est-ce donc ? Eh bien, simplement, il s’agit des trois principaux labels qui produisent les groupes et artistes de la scène K-pop ; ils sont parfois fondés par de « vieilles » pop stars, comme Yang Hyun-Suk, quarante cinq ans, fondateur de la YG et ancien membre d’un groupe.

Chaque label a son style particulier et ses têtes d’affiche.

  • La SM a une esthétique plutôt mignonne ; son groupe le plus connu est les Super Junior (ou SuJu) mais elle produit aussi les Exo, les TVXQ, SHINee, F(x) et Girls Generation.
  • La YG est plus orientée hip-hop ; les Big Bang aux looks délicieusement nineties forment son groupe-phare mais on peut aussi citer les 2NE1, les Winner, Epik High, iKON et le duo AKMU.
  • Enfin, l’agence JYP, fondée aussi par un chanteur, est notamment connue pour les 2PM, les 2AM, les Wonder Girls et Miss A.

On peut aussi citer les agences Starship, Cube ou FNC… mais les trois leaders sont SM, YG et JYP.

Les BigBang, bien badass avec leurs cheveux roses

La K-pop telle qu’on la connaît aujourd’hui, avec ses idols, boys bands et girls bands emblématiques, est né dans les années 90 en parallèle du phénomène similaire qui touchait l’Occident (même si la musique populaire coréenne existait, évidemment, bien avant).

C’est cependant en 1995 qu’est né SM Entertainement, leader historique du marché, puis qu’on a vu affluer les fangirls dont le vécu est décrypté dans le très bon drama Reply 1997… où jouent des stars de K-pop d’ailleurs ! Car non content•e•s de savoir chanter et danser, les idols enchaînent les plateaux télé et jouent la comédie.

Être fan de K-pop en France

Si la K-pop est devenu un phénomène mondial, c’est bien entendu grâce à Internet et notamment à YouTube, qui a rendu les clips des artistes coréen•ne•s très accessibles et augmenté considérablement leur impact à la fin des années 2000 ! C’est notamment par ce biais que les fans français•es découvrent le plus souvent ce genre : par hasard, en cliquant de lien en lien...

Depuis les années 2010, les groupes de K-pop viennent même parfois se produire en France même si ça reste relativement rare. « Ils viennent aussi en France pour des vacances mais on n’est pas des stalkeuses », témoignent les jeunes filles avec lesquelles j’ai échangé. Les fans extrêmes qui suivent les idoles aux portes de leurs hôtels existent depuis longtemps et sont comme toujours une minorité altérant l’image de la majorité : il ne faut pas généraliser !

Les fans extrêmes sont, comme toujours, une minorité

Quand je questionne les fans que j’ai sous la main sur les spécificités de la K-pop et la source de leur amour pour ce genre, elles ont bien du mal à me répondre. Ce qui les a amenées à en écouter, c’est souvent un goût pour la pop culture venue d’Asie, surtout japonaise : manga, jeux vidéo, J-pop… elles partagent également un désir de sortir de la culture américaine, cherchent des choses plus calmes, moins « trash ». Cela dit, la K-pop, ce n’est pas qu’un style musical unique ! Il y a souvent des chorégraphies très étudiées et des paroles légères mais on ne peut pas réduire ça à un unique genre.

« Les groupes se renouvellent  souvent au cours de leur carrière. Ils ont des albums avec des concepts très marqués, ça leur permet de durer un peu. »

En effet, si les groupes des années 90 comme H.O.T. et 6kies se sont éteints, en parallèle des boys bands et girls bands occidentaux, au début des années 2000, les groupes majeurs de la K-pop aujourd’hui — Girls Generation, Super Junior et Big Bang — avoisinent les dix ans d’existence… et on ne peut pas en dire autant des Jonas Brothers formés la même année !

Bon, les artistes font parfois des pauses, notamment pour service militaire, et rien ne dit que le phénomène K-pop ne va pas s’effondrer. D’autant plus que la multiplication des groupes et des télé-crochets visant à les constituer rend le tout plus difficile à suivre aujourd’hui.

Les Super Junior surfent sur le concept moustache

« Le nombre de nouveaux groupes augmente chaque année et on en voit beaucoup connaître un petit succès avec une chanson puis disparaître. »

La K-pop, en Occident, est dédiée à un public de niche

Les labels surfent sur la vague du succès mais les fans s’accrochent à leurs groupes fétiches, qu’ils et elles suivent sur la durée. Pour les fans français•es, cela s’avère d’ailleurs plus compliqué : celles que j’ai rencontrées ont lutté à cause de mauvaises traduction sur les sites hexagonaux, et récoltent plutôt des informations en anglais. Les goodies sont également essentiellement accessible par la vente en ligne. La K-pop, en Occident, est dédiée à un public de niche.

Baby dolls, femmes fatales et bistouri, le paysage de la K-pop

Comme le phénomène des boys bands et girls bands, la K-pop est critiquée pour son caractère artificiel. Souvent formés au cours de télé-crochets, les groupes ont un côté préfabriqué qui rebute parfois, mais on constate que les artistes peuvent gagner en liberté artistique après avoir rencontré le succès, notamment en écrivant et composant leurs propres chansons. Mais ils ont été formés dès leur plus jeune âge par les labels et sont soumis à des règles de vie très strictes, qu’on pourrait peut-être comparer à celle des artistes Disney Channel qui deviennent subitement plus libéré•e•s quand ils et elles prennent le large (coucou Miley).

La K-pop est critiquée pour son caractère artificiel

La K-pop devient d’ailleurs de plus en plus osé — « pour les danses seulement », m’assure-t-on, « les paroles sont toujours aussi cucul ». Ce côté sexy suscite parfois des réactions mitigées, notamment pour les filles qui d’un clip à l’autre jouent les poupées innocentes en robe baby doll puis les femmes fatales aux gestes suggestifs qui peuvent en choquer certain•e•s… et faire leur fonds de commerce.

On commence avec les remarquablement irritantes Strawberry Milk

Ce clip des Secret est assez irrésistible pour son côté rétro acidulé.

Et de l’autre côté de la force on a GAIN, des Brown Eyed Girls, qui… va faire exploser bien des sous-vêtements.

Les Brown Eyed Girls, dont les membres (qui ont autour de trente ans) sont considérés comme vieilles dans l’univers de la K-pop, sont connues pour leurs clips très sexy mais aussi pour leur recours flagrant à la chirurgie esthétique — un secret de polichinelle dans le monde de la K-pop. Elles sont d’ailleurs parmi les rares à l’assumer, et qui pourrait les blâmer, sachant qu’elles n’ont rencontré de réel succès qu’après un passage sous le bistouri ?

Les fans que j’ai rencontrés en ont clairement conscience et ont même cité la chirurgie comme caractéristique de la K-pop. Est-il plus sain de l’assumer ou de le cacher ? La liste des artistes qui s’en dispensent semble bien courte, et l’hypocrisie qui règne semble pesante pour celles et ceux qui y ont recours. Les Brown Eyed Girls en plaisantent dans cette reprise de Lady Gaga !

De l’androgynie à l’homosexualité… et à l’homophobie dans la K-pop

Autre sujet à polémique dans la K-pop : l’homosexualité et l’homophobie, qui touche plus spécifiquement les groupes de garçons. En effet, comme au Japon avec les Bishi, il semblerait que les Sud-Coréens recherchent un type de beauté masculine qu’on qualifierait d’androgyne ; il n’est pas rare de voir les chanteurs de boys bands reprendre des mouvements de danse typiquement féminins parés de leurs plus belles robes, comme ces garçons issus de divers boys bands reprenant les rôles du groupe Girl’s Day :

Le groupe N.O.M présente, lui, une esthétique très « gay » :

À lire aussi : La culture gay et moi, du cliché à la réalité

Ce fan service est bien reçu par une partie du public, qui peut imaginer des fanfictions mettant en scène des artistes de K-pop… mais pas par tout le monde. L’homosexualité est relativement tolérée en Corée du Sud : elle n’est pas illégale mais les couples homosexuels n’ont pas les mêmes droits que les couples hétérosexuels. Elle reste en tous cas peu médiatisée, même si on voit depuis peu le vécu des homosexuel•e•s présenté avec sérieux dans des dramas comme Life is beautiful, Reply 1997, Daughters of Club Bilitis, The Lover

L’homosexualité est relativement tolérée en Corée du Sud

L’homosexualité est rarement présentée avec sérieux et réalisme : elle est souvent exploitée pour le fan service ou de douteux effets comiques. En tous cas, quand elle apparaît à l’écran, elle concerne quasi-exclusivement des hommes (l’exception étant Daughters of Club Bilitis). Et les diffuseurs sont souvent obligés de freiner les scénaristes, à cause de plaintes du public et des associations craignant leur « mauvaise influence » sur la jeunesse.

Bref, comme par chez nous, c’est pas évident de faire bouger les mentalités, et ça se ressent évidemment dans le monde de la K-pop, où les artistes ne sont pas près de faire leur coming out. Contraste fascinant entre cette tendance à l’androgynie, au travestissement, et le fait qu’une partie du public ait tendance à fétichiser une homosexualité fantasmée… tout en la rejetant dans la réalité.

Vous l’aurez compris, sous ses dehors innocents et colorés, la K-pop est un univers riche en paradoxes — dont les fans que j’ai rencontrées avaient clairement conscience. Mais ce n’est pas une raison pour bouder son plaisir : après tout, c’est quand même sacrément efficace !

Je vous laisse en bonne compagnie.

Et toi, tu écoutes de la K-pop ? Depuis quand ? Quelle image avais-tu de ce mouvement musical ?


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

28
Avatar de melishnek
26 septembre 2015 à 10h09
melishnek
Je trouve ça super qu'ils chante en grande majorité en coréen (comme la plupart des artiste pop asiatique d’ailleurs). En France les chanteurs pop finissent toujours par chanter en Anglais pour soi-disant "s'exporter" .

Et je n'avait jamais vu ce clip de Brown Eyed Girls "plastic face". Il est plutôt bien vu je trouve. Elles exprime bien toute l'hypocrisie qu'il peut y avoir autour de la chirurgie esthétique (en Corée, mais le phénomène se retrouve ailleurs). On veut des beautés naturelles...Mais d'une certaine manière (jeune, pas trop carrée, pas trop ci ou ça etc)! Bref chassez le naturel, mais faites comme si vous étiez nées comme ça.

Pour parler K-pop je n'aime pas tellement ce genre musical, quel que soit le pays d'origine cela dit, car au final je trouve qu'il n'y a pas beaucoup d'innovation dans la pop industrielle.
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