En 2011, comme la moitié de l’univers, je trouve que l’usage d’un téléphone requiert un bac+56. Il y a trop de boutons, trop de fonctions, trop de possibilités d’être perturbée alors qu’on est très occupée à se vernir les ongles, et je n’ai jamais compris comment raccrocher. Les coups de fils perso sont impossibles à terminer poliment et les coups de fil pro sont une perte de temps pire que Glee puisque les gens brainstorment en direct – au lieu de réfléchir d’abord, et de donner des ordres ensuite.
Mais en 2011, j’aurais aussi réalisé mon rêve : que plus personne ne m’appelle. Je suis devenue une ninja. Les gens savent que je suis là mais tel le sable des plages nudistes, je coule entre les doigts. Quelques astuces pour prendre la fuite :
– Ne jamais décrocher, et prétendre systématiquement deux heures plus tard qu’on n’a pas entendu la sonnerie. Si comme moi votre sac à main ressemble aux sous-sols du FBI, c’est crédible. Par ailleurs, on notera que les téléphones modernes raccrochent régulièrement au lieu de décrocher (honte aux constructeurs).
– Avoir un forfait étranger.
Ainsi, personne ne se rappelle de votre numéro. Et puisque ça coûte une blinde de vous appeler, les gens y réfléchissent à deux fois. Surtout, gardez la boîte vocale étrangère afin qu’on ne puisse pas savoir s’il faut vous laisser un message ou pas.
– Avoir un forfait tout pourri, genre 7,2 minutes + 3 SMS entre deux et cinq heures du matin les jours pairs. (Gloire aux cartes prépayées, j’ai royalement divisé ma facture par trois.)
– Perdre cinq fois son téléphone en un an. Alors on fait rarement exprès, mais comme il semble que j’aie ce talent pour me faire chourrer mon sac, ça peut arriver. Cinq téléphones = cinq numéros. Seuls les vrais proches auront suivi vos aventures, les autres auront lâché l’affaire depuis longtemps (c’est là qu’on reconnaît les braves et croyez-moi, les boss en font rarement partie) (en cas d’urgence, il y a toujours un copain de copain de pote qui aura mon numéro, je suis donc accessible, c’est juste plus compliqué que de presser une touche).
– RÉPONDRE AUX EMAILS. Rapidement. Ainsi, vous passez un peu moins pour une biatch asociale qu’il faut virer dans les trente secondes : le boulot est fait, les questions trouvent des réponses, il n’y a pas de problème.
Je sais, mes stratégies sont lâches. Mais elles marchent. Mais puisqu’éduquer son entourage à ne pas appeler pour rien peut paraître rude, on n’a pas vraiment le choix. C’est un processus à long terme qui permet de gagner énormément de temps, et puis ça s’inscrit dans un retour à la conversation écrite qui est plutôt dans l’air du temps. Sans se faire griller le cerveau :)
Ne pas décrocher son téléphone (quand on peut, hein, je ne suis pas agente immobilière ou chirurgienne urgentiste), c’est aussi bosser mieux : sans être dérangée, sans se faire imposer une urgence qui n’est pas la vôtre alors que vous êtes concentrée sur autre chose – bref, en étant disponible mais selon ses conditions et pas comme un chien qu’on siffle. C’est un luxe, j’en suis consciente ! Aujourd’hui, je ne me vois pas sans téléphone portable du tout (de temps en temps, ça sauve la vie), mais je dois avoir une mini-conversation toutes les deux semaines et mon numéro doit être connu par dix personnes max. Et ça, c’est déjà les vacances !
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