Amsterdam. Un nom qui ronfle, qui sonne, qui résonne. L’adolescent-e (ou pas) ricanera en rêvant des coffee shops. Pour les clients attirés par un autre « exotisme », Amsterdam c’est le Quartier Rouge et les bordels… Pour les amoureux, c’est la ville romantique aux canaux infinis. Pour les férus d’histoire, c’est le musée d’Anne Frank, le musée de la Torture, le grand musée royal, les H&M en folie (hum, presque)…
Pour les Américaines chanteuses à l’Opéra d’Amsterdam et leurs amies françaises en vacances (moi deux ans après cette première visite), ce sont les petits magasins cachés dans les ruelles avec des prix plus que compétitifs pour du seconde-main de qualité, et des Starbucks très motivants entre deux répétitions. Bref, Amsterdam a mille visages.
Amsterdam la belle et romantique
Pourquoi aller à Amsterdam ?
Située à 1h15 d’avion de Paris, Amsterdam est abordable à des prix très intéressants, que ce soit par train ou avion d’ailleurs. Il est très facile de se dire brusquement « Bon, je passe le week-end à Amsterdam » et de s’envoler trois jours plus tard sans avoir à vendre ses reins.
Une fois là-bas, il y en a donc pour tous les goûts. Sauf que j’y étais en compagnie particulière. Petite Réunionnaise habitant à Strasbourg, j’avais décidé que l’Europe me tendait les bras… et que mon meilleur ami avait fait la plus belle erreur de sa vie en s’installant un semestre à Amsterdam en 2012.
Alors que lui ne profitait absolument pas de son exil volontaire, moi j’en ai tiré profit. En avril, entre deux séances de boulot et deux semaines de vacances universitaires, j’ai sauté dans un avion à Bâle (en Suisse) pour rejoindre Mister O., mon meilleur ami, pour une semaine. Ce qu’il faut savoir c’est que Mister O. et moi sommes des étudiants peu classiques.
Amis depuis le collège, exilés tous les deux volontairement en Europe, nous étions surtout en pleine crise de « Oh la liberté, liberté chérie, allons boire un mojito ». Mais pas n’importe quel mojito. Mister O. étant 100% gay et moi 100% pansexuelle (bon, à ce moment-là, plutôt lesbienne), nous voulions des mojitos exotiques… qu’on ne trouvait pas sur notre île à l’époque. Des mojitos avec des muscles roulant sous les t-shirts moulants pour Mister O., et des mojitos fleurant bon la blondinette pour moi.
Cette semaine à Amsterdam est donc devenue une semaine de pèlerinage en territoire LGBT. Voici donc, sous vos yeux ébahis, la face gay de la Venise du Nord !
Amsterdam, la Venise du Nord
Amsterdam et les droits LGBT
Amsterdam est considérée comme le berceau des droits LGBT en Europe. En effet, comme le site de la ville l’explique, l’homosexualité y a été dépénalisée en 1811, le premier bar gay a ouvert dès 1927, et la première association LGBT a été fondée en 1946 ! À partir de 1980 environ, la ville est devenue totalement gay-friendly, et de nombreux bars, clubs et lieux de rencontre ont ouverts, attirant de plus en plus de monde. Selon certaines campagnes de pub, tout le monde est gay à Amsterdam… et vu la semaine que j’y ai passé, c’est (presque) VRAI !
Mieux, Amsterdam est le premier endroit à avoir rendu hommage aux nombreux LGBT à avoir souffert et à être morts durant la Deuxième Guerre Mondiale ; l’Homomonument a été inauguré en 1987, et est, aujourd’hui encore, un véritable lieu culte du Amsterdam LGBT.
En ce qui concerne les manifestations, Amsterdam accueille non seulement la Gay Pride tous les ans, mais également les Jeux LGBT (Gay Games) tous les quatre ans, un évènement mondial sportif. Enfin, pionnière depuis 1811, Amsterdam est la première ville d’Europe à avoir célébré un mariage homosexuel, en 2001.
Là, tout le monde doit s’imaginer qu’Amsterdam regorge de magasins gays, de drapeaux gays, de cérémonies gays, de couples gays qui s’embrassent dans les coins… Et c’est vrai. C’est une face de la ville qui saute aux yeux… Si on y fait attention ! Un touriste lambda n’ayant pas d’affinités particulières avec le milieu ne sera pas submergé par la vie LGBT d’Amsterdam. Il n’y a pas de propagande, pas de matraquage, juste… la liberté. Mais quelqu’un qui cherche à en voir plus ou qui fait attention aux détails aura devant lui toute cette ville grouillante d’activités LGBT.
Ici, on ne cache pas les homosexuel-le-s !
La première chose qui marque à Amsterdam, c’est qu’un couple homosexuel peut s’embrasser dans la rue sans déclencher une guerre nucléaire. Pour être honnête, à part quelques touristes, personne n’y fait attention : ce n’est qu’un couple parmi tant d’autres.
Ensuite, beaucoup de magasins, de pubs, de bistros et de bars, ont le petit drapeau gay-friendly dans un coin de leur porte. Et partout en ville fleurissent ici et là des bars officiellement gays ou LGBT… Il y a aussi des saunas, des Web cafés, des coffee shops, des magasins… Comme au bord des canaux, où subitement un bateau arbore le drapeau LGBT, où une porte un peu cachée s’ouvre sur un petit bar tranquille avec une soirée karaoké menée par un travesti, qui est devenu la plus belle femme que j’ai vue de toute ma vie.
Mais le regroupement officieux des lieux LGBT pour les nuits d’Amsterdam est essentiellement du côté de la place Rembrandtplein, en plein centre de la ville. Quand on entre par l’entrée « Starbucks » (à différencier de l’entrée de l’autre côté de la place, que mon sens de l’orientation parfait a nommé l’entrée « touristes »), juste à l’entrée de la place se trouve un petit bar lesbien, peuplé de femmes. Des butchs, des fems, des filles, des femmes, des queers, des… ah oui, il y a des hommes aussi, tiens.
Parce qu’Amsterdam a cette petite particularité : si pendant la journée personne ne prête attention aux LGBT à part les touristes, la nuit tout ce petit monde se moque de ta sexualité, surtout si tu es étranger. Tu es là, bienvenu-e, prends une bière, et vas-y que je te parle en anglais (car oui, les Néerlandais parlent tous anglais !), et que je vérifie (quand même) que tu ne serais pas un corps un cœur à prendre. On s’est fait plein de copains pendant ces soirées de « débauche », dont certains avec lesquels j’ai encore des contacts : des Néerlandais, des Allemands, des Anglais…
Rembrandtplein et son cinéma en plein été
Sur la place elle-même, je dirais que les bars sont plus gay-friendly en début de soirée, et très gays en fin de soirée. Il y a de quoi trouver son bonheur, que tu sois hétéro, homo, bi, Bisounours ou canard en plasticophile. La rue, que dis-je, THE rue, qui fera le bonheur du touriste amateur de fiesta et de la personne LGBT aimant la musique et l’alcool, est un peu plus loin. C’est également la rue où l’on peut « se montrer » ouvertement et en profiter pleinement.
Le marais d’Amsterdam, petit paradis LGBT
Direction l’entrée des « touristes » donc ; nous avons traversé une rue, tourné à gauche au canal, nous sommes passés devant les vendeurs de graines de tulipes, et la rue parallèle s’est ouverte devant les yeux ébahis des petits Français innocents que nous étions. Le sésame était là. La Caverne d’Ali Baba des bars gays. Un Marais néerlandais, plus sympa, plus cosy, et moins ghettoïsé que son cousin parisien.
Le nom de cette rue est un peu barbare, alors si tu n’arrives pas à prononcer Reguliersdwarsstraat pour que ce soit reconnaissable pour un natif, tu peux toujours demander la rue des gays, dans un anglais approximatif : tout le monde sait où c’est. Dans la Reguliersdwarsstraat, nous avons découvert des bars, des cafés, des restaurants, et des gens, plein de gens…
C’est une rue pleine de couleurs et de vie, où les hétéros ne sont pas rejetés, mais qui appartient pleinement à la communauté LGBT. C’est ici, au milieu des années 70, que l’un des premiers établissements LGBT visibles s’est ouvert. Quand il fait beau, la nuit, c’est un vrai festival, et toutes les terrasses se mélangent pour former comme un grand bar géant – attention à payer vos consommations dans les bons établissements, du coup !
Cette rue n’est pas typiquement « amsterdamoise » : on y trouve également des bars « antillais », « SoHo », « russes », « classes », spécialisés transgenres, des boîtes, des pizzerias… Ici on parle néerlandais, anglais, allemand… La population est métissée et mélangée, que ce soit au niveau des langues, des goûts, des couleurs ou des sexes.
C’est donc dans cette rue que Mister O. et moi nous sommes plongés pour apprécier les joies d’Amsterdam de nuit. Ici, tout le monde est le/la bienvenu-e. Tellement bienvenu-e qu’à peine assise en terrasse à l’entrée de la rue dans un bar appelé EVE (qui s’appelle maintenant Bar Dvars), je me suis faite aborder par-dessus mon mojito (mon premier mojito !) par une superbe blonde. Qui m’a roulé une pelle. Sans me connaître. Et elle était super jolie. Et pas encore totalement torchée. Autant dire que j’ai tout de suite eu un a priori positif sur la vie aux Pays-Bas…
Comme dans la rue de la Soif à Rennes, le principe est de changer régulièrement de bar pour faire toute la rue avant la fin de la nuit. Et toute la nuit, des gens proposent leurs services avec leurs Polaroïds pour te vendre (cher) les photos de ta soirée et de tes compagnons du moment. Chose pratique, des taxis attendent des deux côtés, au cas où nous nous perdrions. J’avoue que je n’ai pas testé les transports publics de nuit car nous logions près du stade Arena (aka à Pétaouchnok, hors d’Amsterdam même), mais j’en ai eu de bons échos.
Dans le port d’Amsterdaaaam, y a des marins qui boivent des mojitos
Il faut tout de même savoir que la journée, lorsque les clubs sont fermés et que l’ambiance est moins « gay », la rue est réputée pour avoir attiré (et pour attirer toujours) de nombreux artistes, ainsi que des personnalités locales et internationales qui peuvent se loger dans les environs (toujours selon le site officiel de la ville). On y trouve des galeries d’exposition, des restaurants classes, de la mode…
D’autres quartiers sympas
Le Amsterdam LGBT ne se résume pas à cette place et à cette rue, et continue dans d’autres quartiers… plus ou moins discrets. Par exemple, je conseille la Warmoestraat (littéralement « la rue du Cuir »), à l’entrée du Quartier Rouge, le quartier du sexe — à visiter de jour pour éviter l’atmosphère glauque !
Comme son nom l’indique, la rue du Cuir est spécialisée dans les magasins d’objets sado-maso et en cuir, et offre également un assez vaste panel de bars sans fenêtres, plutôt discrets, qui proposent des expériences plus inhabituelles et hors de l’ordinaire que dans le Reguliersdwarsstraat. Je parle ici de sado-masochisme et fétichisme, pour les plus innocent-e-s d’entre vous.
Je ne sais pas si je m’y risquerais de nuit, mais de jour il n’y a rien à craindre, et si certaines visions peuvent être dérangeantes, Mister O. et moi avons trouvé que c’était surtout assez amusant. On ne sait pas trop pourquoi, mais c’est également une rue avec beaucoup de tatoueurs et de pierceurs, sans aucune « connotation gay » la journée.
Pour des quartiers moins animés mais tout aussi ouverts, il y a le Zeedijk avec des terrasses plus softs et des bars plus intimes (dont le bar gay le plus vieux du monde, le ‘T Mandje !) bien que toujours dans les environs du Quartier Rouge, une autre place appelée Leisdeplein, ou encore les rues directement autour du Rembrandtplein.
Il y a aussi le quartier de Kerkstraat, le quartier gay historique. Pour les lesbiennes en particulier, quelques bars se situent dans le Jordaan à l’Ouest d’Amsterdam, un quartier un peu « bobo ». En fait, si vous avez le même sens de l’orientation que moi, prenez une carte d’Amsterdam, une carte de tram et partez à l’aventure ! Après tout, à part dans le Quartier Rouge, vous ne risquez pas tellement d’être très choqué-e.
Enfin, pour les férus d’histoire, les plus engagés et les plus curieux, le Homomonument dans la Prinsengracht se dresse fièrement près de l’église Westerkerk en plein centre historique pour les victimes LGBT de la guerre, tou-te-s ceux et celles qui se sont battu-e-s pour leur liberté et le droit des LGBT et des « déviants », tout-e-s ceux et celles qui ont été victimes d’injustices sexuelles. En forme de triangle, rappelant le triangle rose des nazis, ce monument est plein de symbolique.
Ses trois pointes s’avançant dans l’eau du canal symbolisent le passé, le présent et le futur. De plus, le grand triangle est lui-même composé de trois plus petits triangles qui pointent dans des directions symboliques : le mémorial de la guerre à Dam Square, la maison d’Anne Frank, et le QG du COC (l’association LGBT née en 1946). Enfin, « never again » (jamais plus) est son appel pour le futur.
Wikipédia nous explique que c’est « Un rappel du passé ; une confrontation avec le présent ; et une inspiration pour le futur ». De nombreux touristes et autochtones viennent régulièrement déposer des gerbes sur le mémorial. Le 5 mai, jour de la Libération, la communauté LGBT organise une fête à l’Homomonument. Quoi qu’il en soit, pendant la journée comme en soirée, le mémorial est toujours visité et empreint d’une solennité et d’une tristesse, ainsi que de beaucoup d’espoir, pour tous ses visiteurs.
Amsterdam la rouge
Jusque-là je n’ai parlé que des beaux côtés d’Amsterdam, ceux qu’on peut apprécier et encenser. Malheureusement, Amsterdam, surtout l’Amsterdam LGBT, ce n’est pas que de la fête, des revendications et des succès. Amsterdam, c’est aussi l’histoire d’une décadence et de tristesse. J’en fais peut-être un peu trop mais voilà… Amsterdam devient parfois rouge. Rouge, non pas comme le sang, car Amsterdam est civilisé, mais comme le Quartier et les lanternes des bordels.
Je ne suis pas là pour engager un débat sur les travers de la prostitution. Je sais qu’aux Pays-Bas elle est réglementée, que les prostituées payent leurs impôts, ont des syndicats, et sont protégées au maximum. Ce dont je vais parler, c’est plus d’un sentiment personnel et de ce que j’ai vu de mes yeux — pas forcément l’avis de la majorité.
The Redlight District
Pour en revenir à la blonde du bar, une heure après avoir fait connaissance, la jolie demoiselle m’offrait très gentiment… de partager sa cocaïne. Après avoir refusé, un peu choquée parce que je n’ai pas l’habitude qu’on me propose de la drogue dure comme un banal chewing-gum ou une cigarette (eh oui, je viens de la campagne réunionnaise moi), j’ai décidé Mister O. à changer de crèmerie et à aller tenter notre chance ailleurs.
Sur le chemin (pourtant court, je vous le rappelle, dans cette rue), on a réussi à nous proposer du LSD (« LSD, pretty girl ? Cheap, cheap »), puis des champignons quand nous sommes sortis du deuxième bar. Alors autant je m’étais préparée psychologiquement à la marijuana (qui ne me gêne pas plus que ça), autant je ne m’attendais pas à être abordée dans la rue pour quelque chose de plus fort. Même à Paris, ça ne m’était jamais arrivé ! Pourtant voilà, le monde de la nuit, LGBT ou non, est un univers où la drogue a ses entrées. Et Amsterdam ne fait pas exception, pas plus que les quartiers gays.
Le pire a été le Quartier Rouge. Je m’étais dit : « Ok pour un tour dans le Quartier Rouge, je suis avec Mister O. et son chéri, je ne risque rien… ». Mais je vous arrête tout de suite : féministes de tous poils, filles et garçons sensibles, celles et ceux qui ont du mal avec le sexe à ciel ouvert, évitez d’y aller, même par curiosité. L’ambiance est terriblement malsaine.
Il y a des touristes par centaines (voire par milliers), des clients baveux qui reluquent les filles – dans la vitrine ou non – et qui sont presque pires que le regard vague des demoiselles au travail. Ce soir-là, je n’ai pas vu la Néerlandaise qui se prostitue de son propre gré, pour ses propres raisons. J’ai vu les maquereaux qui surveillent, les vieux qui se glissent derrière les portes, les regards vides des « danseuses »… et au détour d’une vitrine, ma jolie blonde. Qui m’a reconnue, et m’a fait signe.
Je me suis toujours demandé s’il y avait de la prostitution pour les lesbiennes. S’il y a avait un marché, de la demande. La blonde voulait me parler… mais parler, sous l’œil du maquereau, c’est payer. Alors, j’avoue, ce soir-là, j’ai fui le Quartier Rouge en me disant que j’aurais pu être à sa place : payer ma came en vendant mes charmes. C’est aussi la triste réalité d’Amsterdam.
En conclusion…
Pour se loger, peu de cas d’homophobie sont recensés dans les hôtels. Mais des sites spécialisés sur Internet font le tri et aident à trouver son bonheur parmi ceux qui sont réellement gay-friendly. Pour les hétéros, si vous n’avez pas envie de vous plonger dans l’Amsterdam LGBT, c’est parfaitement faisable ! C’est juste que c’est un univers qui existe et qui n’est pas considéré comme honteux comme dans d’autres endroits. Ici, on s’assume, même les mauvais côtés.
Et pour ça, autant que pour les autres aspects d’Amsterdam qui regorge de trésors culturels et humains, je peux conclure avec le slogan de la ville : I <3msterdam !
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.
Les Commentaires
En tout cas ton témoignage donne envie ! Étant panromantique bisexuelle, j’irai explorer ce quartier LGBT a mon prochain séjour alors !