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Carla Bruni : pas féministe, mais « vraie bourge »

Invitée d’honneur du magazine Vogue, Carla Bruni-Sarkozy a eu une phrase malheureuse sur le féminisme. Un mini-scandale qu’on décrypte pour vous.

Edit, le 27 novembre à 18h15 – Osez le féminisme lance le hashtag #cherecarlabruni sur Twitter par le biais duquel tu peux expliquer à la chanteuse pourquoi ta génération – et toutes les autres – a besoin de féminisme.

Le 27 novembre à 17h – Interviewée par le magazine Vogue, Carla Bruni-Sarkozy a expliqué qu’elle ne se sentait pas féministe et qu’elle était une « vraie bourge ». Je cite :

« Dans ma génération, on n’a pas besoin d’être féministe. Il y a des pionnières qui ont ouvert la brèche. Je ne suis pas du tout militante féministe. En revanche, je suis bourgeoise. J’aime la vie de famille, j’aime faire tous les jours la même chose. j’aime maintenant avoir un mari. Je suis une vraie bourge ! »

Cette phrase, un peu kamoulox quand on s’y attarde, peut se diviser en deux parties. La première, je la renommerai « C’est bon les zouz, on est tranquille, y a les Simones qu’ont fait le boulot » : en estimant que sa génération n’a pas besoin d’être féministe, l’ancienne première Dame de France ne récuserait-elle pas le travail pourtant essentiel de certains groupes actuels de militantisme féministe ? Alors certes, les femmes ont eu un accès légal à l’IVG en 1974, grâce à Simone Veil. Ok, elles peuvent voter depuis 1944. Avec le temps, les femmes ont gagné un tas de combat. Mais quid de l’égalité salariale entre hommes et femmes, de l’accès aux postes à responsabilité, du sexisme au quotidien, parfois même propagé par des femmes ? Et le combat des violences faites aux femmes n’est-il pas au moins aussi important, aussi primordial que toutes les avancées qui ont changé les vies des femmes dans l’Histoire ?

Se dire féministe, c’est affirmer vouloir que les sexes soient mis sur un pied d’égalité, sans rapport de force dans un sens ou dans un autre. C’est reconnaître que ce n’est pas parce qu’on a un vagin qu’on doit être considérée, concrètement et/ou abstraitement, plus faible que les gens qui ont un pénis. Ce n’est pas plus compliqué que ça.

Et dans la bouche d’une femme de 44 ans a priori bien dans son époque, c’est un nouveau coup dur, un nouveau rejet pour un combat qui devrait être naturel à tou-te-s, pour tou-te-s. C’est d’autant plus étonnant de lire ces mots de la part de Carla Bruni-Sarkozy : rappelons qu’en mai 2011, elle avait signé l’appel contre le sexisme lancé par Osez le féminisme et la Barbe peu après les propos misogynes d’une partie de la classe politique suite à l’affaire DSK.

La deuxième partie de la phrase se concentre sur le train de vie de la chanteuse. Un train de vie qu’elle semble résumer en un mot : « bourgeoise ». Un terme qui mérite un peu d’explication, puisqu’on peut dire qu’il a deux sens. Le premier l’oppose à la France d’en bas et à la noblesse. C’est un terme désuet qui vise à décrire la classe moyenne. Mais il y a davantage de chances pour que Carla Bruni-Sarkozy l’emploie dans le sens d’épouse et maîtresse de maison. Avec l’enchaînement « Je ne suis pas féministe.

En revanche, je suis bourgeoise », la chanteuse implique qu’on ne peut pas être les deux à la fois, mais surtout qu’elle ne peut pas être les deux à la fois. À moins qu’elle n’ait tout simplement pas envie.

Sur Facebook, bon nombre d’entre vous ont jugé qu’elle faisait preuve dans son choix de mots de « je m’en foutisme ». Mais s’agit-il vraiment de ça ou d’une méconnaissance du féminisme ? Niaina, sur Facebook, table plutôt sur une déconnexion totale avec la vie des gens « « ordinaires » » :

« Elle vit vraiment dans sa cage dorée et est complètement déconnectée de la réalité. Le féminisme en 2012 n’est certes plus celui des années 70 car la société a tout de même changé (et heureusement d’ailleurs…), mais les combats restent hélas encore les mêmes : que fait-elle de tous les pays du monde où la femme est opprimée et ne bénéficie d’aucun droit ? De l’excision des petites filles en Afrique ? De l’inégalité de salaire entre hommes et femmes encore en France ? Des femmes qui ne peuvent s’habiller comme elles le souhaitent en France sans être sifflées comme du bétail ? Et par ailleurs, je ne vois pas en quoi « être féministe » s’opposerait à un choix de vie de famille traditionnel. »

À moins qu’elle estime n’avoir aucun effort à faire pour s’imposer dans la vie professionnelle, ce qui est probablement plus évident qu’ailleurs quand on a été mannequin et qu’on partage sa vie entre le métier d’auteur-compositeur-interprète et son statut d’épouse et de parent.

Une autre possibilité, c’est qu’elle se rejette en tant que féministe parce qu’elle est mère, épouse, apparemment casanière et qu’elle aime ça. Bah oui mais… Non. Faut pas. Comme le rappelle Ludivine, une des idées du féminisme, c’est de faire ses propres choix en tant que femme, en tant qu’individu :

« Après pour le fait d’être féministe et mère au foyer je ne considère pas ça comme incompatible, si on est mère au foyer par choix et qu’on ne le fait pas par « soumission » à un homme, après tout le féminisme tel que je le conçois revendique avant tout la liberté pour les gens de choisir leur voie professionnelle. Et si un homme ou une femme a envie d’être parent au foyer, je veux qu’ils puissent le faire. »

Car des féministes mères de famille et épouses épanouies, il y en a eu, il y en a, il y en aura encore. Ce n’est pas parce qu’elles ont trouvé un équilibre au sein de leur famille qu’elles ne réalisent pas les combats qu’il y a à mener au-dehors. 

C’est un mode de vie que Carla Bruni-Sarkozy a choisi et elle semble bien installée dans son cocon au point de, peut-être, en oublier les combats plus ou moins loin d’être gagnés ; si elle n’a pas envie d’être une militante féministe, soit, qui pourrait la blâmer, qui pourrait la forcer ?

En revanche, prétendre que sa génération n’a pas besoin du féminisme est moins compréhensible. Cette phrase sonne un peu comme une erreur de communication de la part d’une célèbre chanteuse et épouse d’un ancien chef d’État. Au final, un commentaire totalement subjectif et à mon humble avis symptomatique d’une certaine méconnaissance du sujet. À moins que ce ne soit tout simplement qu’une pure provocation…


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

34
Avatar de Shirakawa
2 décembre 2012 à 12h12
Shirakawa
Donc pour toi, on n'est pas féministe tant qu'on passe pas nos journées à faire des manifs ou à écrire des articles luttant pour l'égalité ? Y a effectivement un problème sur la définition là. Je n'agis probablement pas concrètement, mais quand j'en ai l'occasion, je remets à sa place quiconque lance un propos qui me semble sexiste. Je me considère féministe dans le sens où je souhaite l'égalité homme/femme. On n'est pas féministe que sur un plan matériel. Ca se passe aussi, et avant tout, dans les esprits. C'est avant tout une théorie, des idées auxquelles ont adhère ou pas.

Bah oui. Pour moi, quelqu'un qui se revendique féministe c'est quelqu'un qui agit concrètement pour faire valoir l'égalité homme-femme. Et à plus grande échelle que le revendiquer quand on entend quelqu'un faire une remarque dans l'autre sens, où le souhaiter passivement.
Certes, je souhaite l'égalité homme-femme, je remballe les gens qui vantent la supériorité évidente de l'homme par rapport à la femme, et j'ai même fait un exposé pour dénoncé cela ! Mais, je me considère pas féministe.
Comme je me considère pas écolo' parce que je trie mes déchets, râle contre les gens qui jettent leurs papier par terre, et fait du covoiturage.
Comme je me revendique pas pacifiste parce que je suis pour la paix dans le monde.
Je considère que c'est des mouvements qui impliquent plus d'actions que ça, et qui passent pas seulement par une manière de penser. Pour moi, ça va bien au delà ! Donc oui, je pense pas du tout comme toi =)
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