J’ai toujours aimé la musique et les festivals, mais surtout faire la fête. Cette année, j’ai voulu taper fort, j’ai visé le plus grand des rassemblements artistiques : Burning Man. J’avais lu et vu pas mal de choses qui m’ont donné envie, mais RIEN, je dis bien RIEN, ne peut nous préparer à l’expérience Burning Man.
Pour ceux qui n’en ont jamais entendu parler, Burning Man est un festival créé à la fin des années 80, qui se déroule dans l’État du Nevada. Pendant une semaine, près de 70 000 participant-e-s se réunissent en plein désert ; aucun argent n’y circule, seuls la glace et le café peuvent être achetés.
La règle qui prévaut : « Leave no trace ! » Aucun déchet ou liquide ne doit toucher le sol ultra-préservé de Black Rock City, la ville éphémère hébergeant Burning Man. À la fin du festival, tout doit disparaître en harmonie avec l’embrasement du temple et du « Man », deux grandes sculptures en bois, comme si il ne s’était jamais rien passé.
Une seule de mes connaissances avait vécu l’expérience Burning Man et en parlait assez brièvement, utilisant le sempiternel « Tu peux pas comprendre tant que t’y es pas allée… ». Je n’ai pas aimé cette réponse. Pour qui se prenait-il avec son snobisme expéditif ?
J’y suis donc allée.
On the road baybay !
Et j’ai pigé. En effet, je ne pouvais pas comprendre. Au temps pour moi Jean-Michel !
Un festival unique
Comment expliquer Burning Man… Comment expliquer aux autres quelque chose qu’on ne peut s’expliquer soi-même ? J’en suis revenue, et j’ai emmagasiné tant d’émotions que je ne peux les garder pour moi. Je dois les partager, tout ceci est trop gros, trop énorme !
Moi, ma poussière, mon man.
Déjà, qui est assez taré pour amener 70 000 personnes dans le désert ? LE DÉ-SERT ! Un endroit où la température ambiante peut monter jusqu’ à 45°C, où les tornades et les tempêtes de poussières sont quotidiennes et où l’eau courante et la civilisation sont à plus de 50 km. Forcément, c’est le bordel, c’est angoissant et c’est dur. Mais c’est la chose la plus magnifique, la plus incompréhensible et la plus touchante qu’il m’ait été donné de voir et d’expérimenter.
Le Man, seul repère du festival.
Il y a des gens habillés normalement, d’autres déguisés, d’autres nus, certains sous substances, d’autres complètement sobres. Il y a des enfants, des personnes âgées, des personnes venues en groupe, des gens tous seuls, des familles, des amoureux, certains qu’on penserait meilleurs amis alors qu’ils viennent de se rencontrer… Tout ce petit monde grimpe sur d’immenses sculptures ou se balade tranquillement à pied ou à vélo.
Environ 600 art-cars (chars à thème) circulent dans tous les sens au son de leur puissants sound systems. Les gens sautent d’une art-car à l’autre pour se diriger vers une œuvre d’art ou une party. L’étendue de la Playa est constellée d’œuvres sur lesquelles on peut grimper à plusieurs mètres du sol : des sculptures, des toboggans, des murs d’escalades, des escaliers…
Beaucoup trop d’endroits où se perdre…
Ça court dans tous les sens, ça s’extasie, ça danse, ça se fait des câlins, ça se roule par terre, ça s’embrasse… Un brouhaha incessant mêle cris, rires, chants, discussions, musiques provenant d’art-cars ou des parties environnantes, etc. Et… la lumière. D’abord celle du soleil qui brûle ta peau au petit jour. Puis vient celle de la nuit. La pénombre est parsemée de lumières multicolores qui ne restent pas en place, ça bouge dans tous les sens, sans savoir ce qui se cache derrière. Des kilomètres et des kilomètres de bordel : tous les sens sont en émois. On ne sait plus où donner de la tête. Ça y est. On est « lost in the middle of nowhere » (perdus au milieu de nulle part).
Des feux jaillissants des art-cars vous réchauffent quand ils vous frôlent et vous effraient si vous ne vous y attendez pas. Puis soudain, une structure de bois prend feu. Quoi ?! Le Man est en train de brûler ! Qui a fait ça ?? Mais on n’est que mercredi ! Ah non, c’est un faux… Le « veteran burner », vieux monsieur déguisé en girafe se promenant dans une baignoire en fourrure, rigole gentiment de ton insouciance de « virgin burner ».
Un tout autre monde
Tu commences à perdre pied, tu ne sais plus si ce sont des hallucinations ou la réalité. Tu essayes d’en parler à tes amis, mais ils sont en train de boire du thé glacé offert par un papillon sur un vélo-robot. Des tornades sortent du feu… certains s’amusent à courir après… Tu viens de perdre un autre pote qui a suivi ce groupe-là. D’autres improvisent une danse du feu… Tu viens de perdre trois autres amis qui ont grimpé dans un dragon.
C’est ça, Burning Man : l’improvisation, la spontanéité. Un pays de fous. Non, un pays où les gens peuvent enfin faire ce qu’ils veulent sans jugement.
Tu vois la lumière bleue qui bouge ? Ben faudrait aller là. Ah ben elle est partie.
On lève les yeux au ciel, pensant trouver du calme parmi les étoiles du désert, mais notre regard rencontre des centaines de ballons d’hélium qui font un arc de cercle au-dessus du festival. Ils sont retenus par un seul homme peint tout en bleu. Ton amie court vers lui pour lui demander si elle peut tenir les ballons. Il ne les lui donnera jamais, il y en a trop, c’est trop de responsabilité, et en plus elle sent la vodka ! Ah ben en fait si… Les ballons croisent des lasers qui traversent le ciel, formant un quadrillage psychédélique sous les étoiles. Puis tout d’un coup vient la tempête. Pas de pluie non, mais de poussière, la fameuse « dust » !
L’espace d’un instant incalculable, on n’y voit plus rien, on ne voit même plus ses mains. La tempête est partie, la folie reprend sous une couche de poussière, rendant les festivaliers encore plus lunaires qu’ils ne l’étaient déjà.
Tu choisis de grimper sur le bateau de pirate où la fête bat son plein. Une vieille dame en combi-short boule à facettes t’aide à monter et un homme couvert de dust t’accueille avec un câlin, puis un pot de cornichons. Tu fais un tour à 360 degrés sur toi-même, tes amis ne t’ont pas suivie, ils sont tous partis vers une autre aventure… la leur. Mais tu t’en fiches, tu les retrouveras plus tard, ou demain. Tu n’as pas peur, tu sais que tu vas t’éclater.
La liberté, la vraie
Une énergie folle se dégage de ce bordel monstre. On pourrait déplacer des montagnes avec cette énergie ! On la ressent, on la vit. Je n’avais jamais vécu cette sensation, comme si je pouvais « sentir » les gens. C’est un sentiment incroyable. Je n’ai jamais été dans le trip « énergie » et « chakras » mais on ne peut nier que l’énergie existe quand on est à Burning Man. C’est impossible.
Nous redevenons des enfants, nous réapprenons à jouer, à être spontanés, à ne pas penser aux jugements des autres, à ne penser qu’à l’instant présent, à ne pas avoir peur de l’avenir. On laisse libre court à nos pulsions. Libéré de tous codes, de toutes contraintes, l’homme devient créatif… et ne crée que du positif. Je ne me suis jamais sentie autant moi-même que là-bas, perdue au milieu de nulle part, sans aucun confort de vie, couverte de poussière.
Rien n’est sous contrôle, tu ne sais jamais ce qui va t’arriver, tu ne peux rien prévoir. C’est le lâcher-prise le plus total. J’ai comparé ça à Alice au Pays des Merveilles qui suit le lapin blanc. Ce dernier prend différentes formes à Burning Man : un burner déguisé, une art-car, le soleil, un panneau indicatif, une tornade, tes amis, des inconnus, une musique, une lumière….
Grosse marrade.
Tu suis quelque chose qui t’inspire, qui t’intrigue, et « ça » arrive : tu tombes sur un bus-piscine à balles, un bar à martinis, un pilote d’avion qui te propose un vol (un vrai), un spectacle de cracheurs de feu, une
rave party, un atelier de méditation, un buffet de tacos, James Blunt, un shaman, une chambre froide, un spectacle de théâtre, un concert de jazz, une distribution de Mister Freeze, tes amis….
Tu ne sais jamais ce qui va t’arriver, mais ce qui va t’arriver sera forcément cool, incroyable et bouleversant.
TOOOOOO MUUUUUUCH FUUUUUUUUUUUN !
Tu peux être ce que tu veux. Et Burning Man est ce que tu as envie qu’il soit. Aucune expérience de burners ne sera similaire, car chaque expérience est différente et personne n’y vit ni même ne ressent la même chose. Cela pourra être une longue promenade dans un musée à ciel ouvert, une rave party de sept jours avec les plus grands DJ (Seth Troxler, Carl Cox, Skrillex, Diplo de Major Lazer, etc.) ou encore une semaine de méditation dans le désert. Les possibilités sont infinies.
Tu te lèveras le matin sans savoir ce que la journée te réserve. Tu ne programmeras rien et vivras au rythme du soleil.
Mais comment ça fonctionne ?
Il n’y a aucune règle, personne ne nous explique comment « ça » marche, mais ça marche. Du coup, je me suis posé tellement de questions :
- Comment un si grand bordel peut-il marcher ?
- Est-ce de la magie ?
- Comment cet endroit peut-il être à la fois si hostile et si safe ? On laisse quand même 70 000 personnes faire ce qu’elles veulent, perdues en plein désert : brûler des trucs et jouer avec, se jeter dans des tornades, grimper à plusieurs mètres de hauteur, sauter d’un bus en marche….
Au fil des jours, j’ai compris : à Burning Man, la bienveillance est reine. Tout le monde se lâche, tout le monde fait n’importe quoi, mais tout le monde se respecte et prend soin les uns des autres.
Les gens font en sorte que vous vous sentiez à votre place, que vous puissiez être vous-même et que vous vous sentiez en sécurité. Ce qui fait que vous avez constamment le sentiment d’être à l’endroit où vous devez être, au moment où vous devez y être. J’ai compris au final que ce qui rendait cet endroit merveilleux, ce ne sont pas les structures ou les ateliers. Ce sont les gens.
Tout est création des festivaliers ! Les gens donnent de leur personne sans rien attendre en retour. Ils te montrent ce qu’ils ont dans leur tête ! Tu vois, quand tu t’imagines des délires genre « Rhoo t’imagines comment ça serait énorme si on avait un trampoline géant ? » et ton pote qui rajoute « Mais grave ! Et tout en fourrure !! » et toi qui renchéris « Ouais !!! Et qui roule !! Comme ça on pourrait s’amuser et aller où on veut en même temps ! » ? Eh bien à Burning Man, ce délire devient réalité.
Les gens y réalisent leur rêves, leurs folies et viennent les présenter pour les partager avec toi. Ils t’offrent de quoi t’amuser, te faire rire … C’est grâce à eux que tu t’éclates et. J’en ai pris conscience quand je marchais seule dans le désert, et j’ai éclaté en sanglots… Tout ce bordel, toute cette énergie, tous ces jeux, tout cet art ne provenait pas de quelque chose d’organisé et de réfléchi, il provenait de la pure impulsion d’humains lambda ayant décidé d’offrir du bonheur.
Merci aux personnes qui ont installé une piste de roller en plein désert. On a kiffé. Genre beaucoup trop.
Alors toi, petit virgin qui n’est que spectateur… Que peux-tu faire en retour ? Tu fais la même chose, tu offres du bonheur ! Comment ? En faisant rire, en dansant n’importe comment, en te donnant à fond au sein des ateliers que l’on te propose, en offrant des « gifts », en créant, en apportant de l’émotion… Et tu n’es plus spectateur, tu deviens artiste, tu es créateur, tu fais partie de ce tout qui devient énergie.
Encore une fois, ceci est mon expérience, mes révélations. Un autre burner aura probablement compris quelque chose de totalement différent.
Toujours est-il qu’à la fin de la semaine, la même question se pose pour tout le monde : comment retourner à la vie « normale », ou le « default world » comme ils l’appellent, après s’être rendu compte qu’il existe un autre monde possible, une autre manière de penser et que la vie est beaucoup plus belle comme ça ? Que c’est même ÇA la vie ?
La vie faite d’expériences, de sensations, de créativité, d’amour, de partage et d’échanges…
Un mariage à Burning Man : coiffe à plumes et musique de Star Wars sont de la partie !
Et après ?
J’avais très peur du retour : comment expliquer à mes amis ce qui m’était arrivé ? Allais-je changer après mon retour de Burning Man, moi qui ai connu des émotions qu’ils ne peuvent pas comprendre ? N’aurais-je pas envie de me rapprocher de personnes plus mystiques ?
Eh bien non. Je me suis rendue compte en revenant d’à quel point mes amis étaient extraordinaires. À quel point j’avais de la chance d’avoir des gens autour de moi qui, sans s’être perdus en plein désert, savent donner sans attendre en retour, ou se tourner en ridicule pour me faire rire.
Aujourd’hui, j’ai de nouvelles perspectives, je ne suis plus fermée dans quoi que ce soit, je n’ai plus de limites de pensée : tout est possible. J’adopte la religion du « pourquoi pas ? ». Je ressors grandie de cette expérience, et je vais tout faire pour ne jamais perdre les leçons de vie que j’y ai apprises.
J’ai tout couché sur ce papier sans réfléchir, comme il en a été pour mon séjour sur la Playa. Je ne vous livre ici qu’une infime partie mon expérience. Et je n’ai moi-même aperçu qu’une infime part de Burning Man. Si vous voulez toucher du doigt le pur bonheur, vous extasier devant la bonté et la beauté des autres et revenir plus mûre et bouleversée, alors prenez vos billets !
Cela demande de l’investissement, du temps et pas mal d’argent. Mais si vous le pouvez, que vous avez ce petit grain de folie en vous, si vous vous êtes toujours demandé dans votre corps d’adulte ce qu’il se passe dans la tête d’un enfant ou si vous êtes simplement curieux, n’hésitez plus. Venez vous perdre au milieu de nulle part.
Je ne suis sûre de rien, mais je suis quasi-certaine que tout ira bien et que vous ne le regretterez pas. À l’entrée, un bénévole vous accueillera d’un câlin suivi d’un « Welcome home ! » et vous saurez que vous ne vous êtes pas perdu-e-s.
J’ai trouvé ma maison… et j’espère vous avoir comme voisines l’année prochaine !
À lire aussi : Comment s’habiller pour un festival musical ?
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Les Commentaires
Cette année!!!
A part que j'ai pas eu ma place au premier round mais je perds pas espoir, il y en a plusieurs .
Je reviendrai du coup pour celleux que ça intéresse compléter un peu ce qui a été dit !
En attendant je peux déjà dire qu'il ne faut pas être dans le milieu de l'art pour y aller, et que globalement pour l'orga pratique le mieux est de rejoindre un "camp" où tu cotises et aides à la construction du camp et en échange tu as la nourriture et l'eau
Et sinon le ticket coûte 425$ cette année, c'est un sacré budget mais l'expérience d'une vie.