Samedi 23 octobre, Faye d’Anjou. Vous ne pouvez pas le situer sur une carte ? Moi non plus. Mais bizarrement, nous sommes dans un théâtre, un vrai théâtre, avec de vrais rideaux rouges et des coulisses derrière ces rideaux. Pièce ou concert, l’assistance se confond lorsqu’un premier trio investit le plateau. Costumes ajustés et lunettes noires, la rythmique – basse et contrebasse pour l’un, batterie pour l’autre – s’impose comme une relecture stoïque des Blues Brothers. De l’autre côté, l’homme à tout jouer : claviers, accordéon, harmonica et plus si affinités, le complice du rôle titre, ce tant attendu Alexis HK qui surgit de nulle part pour se placer à l’extrême avant-scène sous un tonnerre d’applaudissements saluant son arrivée.
Omniprésent grâce à son ombre projetée sur les murs latéraux de la scène, le jeune prodige et virtuose des mots entame tout naturellement le titre éponyme de son dernier album et actuelle tournée : « Les Affranchis ». Des sonorités, des instruments posés, portant une voix et quelle voix. Celle d’Alexis HK a ce truc en plus qui transporterait les foules, déclaration de préciosité qu’il emploie en rendant hommage à la langue française. Il ne faut pas très longtemps pour s’en rendre compte : les paroles de ces chansons sont des plus travaillées qu’il soit. En adéquation avec le personnage qu’il a construit, Alexis HK ne s’exprime qu’avec l’élégance de la poésie. D’ailleurs, après avoir interprété « La fille du fossoyeur », voici le chanteur et son invitation au voyage dans l’inter-cosmos, un monde bizarroïde et indescriptible, sombre et salvateur où il est question de fondue antillaise catastrophisante. Messieurs Baudelaire Charles et Amalric Matthieu ont un fils, comment s’appelle-t-il ? Alexis HK, sans conteste.
Retour dans la Belle Ville, album sorti en 2003, avec l’interprétation du titre « Mitch » qui nous arrache quelques rires : « La présentatrice me regarde et dit ‘Quelle joie de vous avoir ici’. Et là, elle fait venir un ring plein de boue pour que je m’ébroue, me baigne et me batte. Et moi je perds la raison et je deviens tout fou, et je veux lui montrer que je suis fort au catch pour de vrai. J’ai voulu lui montrer que j’étais un prince du ring, un prophète des cordes. Mitch le vengeur se venge des hordes et quand le gong fait dong, ding ding, Mitch le vengeur allume la speakerine ».
Puis, retour au dernier album et séquence émotions. Les titres « La paix des étoiles » et « Zouzou », hommage quasi-renaudesque à l’enfance, qu’Alexis HK va jouer en tremblant, ont ce petit quelque chose d’inexplicable, qui redonne un souffle nouveau à la chanson française à textes. Ce courant revenu avec Bénébar, Cali, Renan Luce et autres Vincent Delerm, Alexis HK y appartient clairement. À la différence que lui, il va encore plus loin que ses petits copains. Ses textes revendiquent une virtuosité rarement atteinte, dans le mélange des thèmes qu’ils abordent et de leur exécution ancrée dans une langue française célébrée. Il ne suffit pas d’une rime qui sonne bien pour écrire une jolie chanson, comme le montre « Maudit Anglois » qu’il interprète ensuite.
Sur scène pourtant, Alexis HK ne semble pas conscient de ce talent avec lequel il emporte le public vers cette faille temporelle. Dans cet autre monde, il s’impose comme un lutteur acharné contre l’aigreur ambiante qui y règne. Et le charme opère, « que vous êtes cyniques ! » nous lance-t-il après la chanson « Gaspard » : nous, simples mortels, n’avons pas pu nous empêcher de rire à cette sordide histoire de lancers de nain.
Après une intermède riche en rebondissements, Alexis HK nous propose une version inédite de « La Maison Ronchonchon », autre titre phare de son nouvel album. Puis il enchaîne sur la ballade non identifiable « C’est le printemps » avant d’entamer un blind-test en reprenant deux titres de répertoires mystères. Entre temps, il y a un cinquième homme qui surgit d’on ne sait où de temps à autre : il ne joue pas d’instruments, ne chante pas, mais apporte serviettes et boissons. Alexis HK va d’ailleurs justifier sa présence avec sa déroute habituelle : « La scène est encore le seul endroit où l’on peut frimer en public ».
La fin approche, du moins c’est ce que l’on suppose, lorsqu’il entame le sympathique « Homme du moment » extrait de l’album éponyme de 2004. Et le groupe quitte la scène, humblement. Et la petite bande revient pour un premier rappel composé du magnifique « Coming-out » et du délirant « Chicken Manager ». Et c’est avec une euphorie certaine que nous assistons à un second rappel avec le titre « C’que t’es belle » (« quand j’ai bu, je regrette de n’avoir pas fait d’autres abus, tellement t’es belle quand je bois ») qui pourrait être l’hymne officiel de certaines soirées arrosées et qui ne manquera pas de rappeler quelques souvenirs cocasses à la majorité du public. Et l’espace de jeu se vide avec la présentation des musiciens et techniciens aux noms improbables, alors on se dit que ça y est, c’est la fin, on applaudit le plus fort possible…
Et l’artiste revient, seul, avec sa guitare, pour un ultime quart d’heure de gloire, absolument irréaliste. De contes en contes, Alexis HK en vient à un exercice de style hilarant, consistant à traduire en français les paroles d’une célèbre chanson américaine pour les interpréter… façon Brassens. C’est ainsi qu’après nous avoir interdit de taper le rythme de manière arythmique, Alexis HK s’attèle à la reprise de « Comme une vierge » de l’illustre Georges Bradonna. La salle est conquise et l’homme du moment n’a décidément pas froid aux yeux (ni aux mains) puisqu’il remet le couvert avec un très court extrait de « Banana Split » du fictif Lio Ferré. Évidemment, ces petits exercices n’ont rien d’innovants, mais lorsque c’est Alexis HK qui s’y colle, ils prennent de suite une autre dimension.
Et la fin, définitive, la vraie, arrive, après une mise en garde contre le contenu explicite du titre « Pardon vieux camarade », qu’Alexis HK énonce ainsi : « Si des enfants sont dans la salle… Qu’ils mûrissent ! », l’artiste salue et se retire.
La tournée d’Alexis HK des Affranchis se clôturera par l’Olympia le 06 décembre ! En attendant, il reste quelques dates ici et là dans l’hexagone à ne pas manquer.
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