Le 14 janvier 2021
Sea, sun and réductions d’impôts : Dubaï a tout pour plaire à nos influenceurs et influenceuses aux dents blanches qui s’empressent de quitter la France pour la vue sur buildings depuis la plage.
Si le luxe ostentatoire et les avantages fiscaux des Émirats arabes unis attirent les plus grosses fortunes d’Instagram, la mise en valeur de la péninsule à travers leurs feeds léchés omettent souvent de mettre en lumière ses problématiques sociales, culturelles et politiques.
Alors si nos influenceurs n’ont pas de souci à s’afficher dans une ville factice construite sur un désert dans des conditions d’esclavagisme moderne, on fait le pari très salé des trois prochaines destinations qui les séduiront. Dubaï, c’est so 2020 de toute façon.
Dubaï, la ville qui vibre pour la thune des influenceurs
Pour échapper au confinement, quoi de mieux que des vacances sans masque à la mer, à baigner dans le luxe ?
Mais si on veut y regarder de plus près, cet article de L’Humanité décrit avec précision les conditions dans lesquelles la ville du Burj Khalifa s’est érigée en moins de trente ans en exploitant les populations les plus pauvres d’Asie, dont les papiers leur avaient été confisqués. Encore aujourd’hui, la société dubaïote place les ouvriers en bas de la pyramide, leurs conditions de travail sont déplorables.
Autant dire qu’à Dubaï, mieux vaut être friqué !
Et c’est le cas des premiers couples phares de télé-réalité aux millions de followers qui, en quelques années, ont carrément créé toute une diaspora française sur place. De Jazz et Laurent à Thomas et Nabilla, en passant par les familles marseillaises des Tanti (Manon et Julien) et des Garcia (Jessica et Thibault), sans oublier Caroline Receveur, personne ne résiste à l’appel des beaux jours 365 jours sur 365 pour capturer les meilleurs clichés de placements de produits (le principal revenu des influenceurs).
Outre cet alléchant avantage, Dubaï offre aussi un taux d’imposition nul sur les revenus et les sociétés (à part pétrolières et gazières). Pratique !
Il permet aussi à ces Français et Françaises de fuir les dangers liés à la fame en France. Maeva Ghennam, nouvellement dubaïote, avait subi deux braquages en mai et novembre 2020 ; la jeune femme de 23 ans avait témoigné de son traumatisme sur les réseaux sociaux, et de son envie d’anonymat, avant de détaler à 5000 kilomètres de Marseille.
Dubaï, dictature policière avec vue sur mer
Outre les manquements aux droits humains, les Émirats arabes unis s’illustrent aussi comme un haut lieu de répression : alcool en vente limitée, encadrement de la cohabitation entre un homme et une femme non mariés
… même pour les couples légaux, les démonstrations d’affection ne sont pas tolérées dans l’espace public.
Le plus étonnant reste que ces influenceurs issus de la télé-réalité, qui promeuvent un mode de vie très fêtard dans l’Hexagone, acceptent d’embrasser un dress code franchement pas marrant : épaules, bras et jambes doivent êtres couverts en extérieur (malgré le côté désert). Et pas question de se faire gauler, parce que là-bas, la police et les prisons, ça ne déconne pas — Maeva Ghennam en a fait les frais peu après son arrivée dans la péninsule.
Ceci vaut aux Émirats le titre de « dictature policière qui ne tolère ni partis, ni élections […] seulement 10% des habitants de cette pétromonarchie en sont des citoyens » dans un article du Monde en décembre 2020.
Pourtant, début 2021, la ville qui sait chouchouter ses expats occidentaux a autorisé le tournage d’une nouvelle saison de l’émission culte Les Marseillais. Un programme qui sur le papier, ne correspond pas tellement aux valeurs des Émirats… Mais l’argent, c’est l’argent.
Mais quelle sera la prochaine destination de vacances des influenceurs et influenceuses ? Quelles dictatures esclavagistes défileront prochainement sur nos feeds Instagram ? On a quelques idées à leur filer.
Les influenceurs en Corée du Nord, pour ses paysages mystérieux
Si vous tapez « Corée du Nord » sur Google et que vous sélectionnez la recherche d’images, vous ne trouverez que de seyants portraits de son dictateur, Kim Jong-un et de son poto Donald. N’essayez pas non plus Google Maps, le petit bonhomme ne se pose dans aucune rue.
Quel dommage, nous direz-vous… Mais on préfère voir les choses du bon côté, en se disant que nos influenceurs préférés se feront nos yeux et nos oreilles de ces paysages inconnus quand Kim les aura invités à s’installer. Enfin une véritable aventure dans laquelle s’embarquer, si tant est que la liberté d’expression leur soit exceptionnellement accordée.
Peut-être qu’on aura droit à un épisode des Anges de la télé-réalité dans un camp de prisonniers, qui sait.
Les influenceurs en Tchétchénie, pour le goût du risque
Vous n’en pouvez plus des photos de plages de sable fin sur Instagram ? Rendez-vous en Tchétchénie, pour que le dirigeant barbu Ramzan Kadyrov donne à vos influenceurs favoris les meilleurs tips pour parler à des tigres, maîtriser un crocodile à mains nues, ou encore rédiger des poèmes touchants à un pistolet.
Si les influenceurs et influenceuses ne sont pas homosexuelles, ils et elles auront peut-être la chance de serrer la paluche de Poutine ou de Depardieu. Une photo aux multiples likes à la clé !
Pas de création artistique en vue, mais possibilité de polygamie (pour les hommes) et de grosses soirées roulette russe. Qui est partant ?
Les influenceurs sous le soleil cubain de Guantánamo
Barack Obama n’aura pas réussi à fermer ce camp de détention militaire américain durant son mandat, tandis que Trump a bel et bien ordonné en 2018 de le laisser ouvert.
Cela laisse la possibilité à nos influenceurs et influenceuses de venir se dorer la pilule sur la baie cubaine tout en profitant de l’ordre qui règne dans cette prison, qui ne renferme pas que des prisonniers légaux. Quoique, les bruits de torture pourraient bien venir troubler leur tranquillité…
On rit bien sûr très, très jaune en rédigeant cet article. À quand des influenceurs aussi puissants sur les réseaux que les dubaïotes engagés qui soutiennent les droits humains, parfois au péril de leur vie ?
À lire aussi : Dictature, peuples originels, droits des femmes : rencontre avec Marce, militante Mapuche
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Je ne dis pas que Dubaï n'est pas un lieu de répression, à vrai dire j'en sais rien, mais si l'un des 2 arguments c'est "la vente d'alcool est limitée" c'est pas très convaincant. Ça fait un peu ethno-centré.
Si quelqu'un écrit "la France est un haut lieu de répression, la vente de cannabis y est interdite" ça fait bizarre non ? C'est quoi la différence avec Dubaï ? Les standards occidentaux (autoriser la consommation d'alcool alors que l'alcool est aussi une drogue) sont mieux ?
En tout cas c'est ce que laisse entendre ce passage, je pense qu'il gagnerait à être modifié et j'écoute les arguments qui s'opposeraient à ma remarque.