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Musique

Le snobisme musical, cette plaie de la vie en société

Quand on juge tes goûts et ta culture, qu’on te dit ce que tu dois aimer ou pas, en fonction de ce que d’autres jugent « bon », ça t’énerve ? Pourtant, ce snobisme musical s’est bien plus banalisé qu’on ne le pense.

Mise à jour du 21 juin 2018 — Attention aujourd’hui c’est la Fête de la Musique ! Je te conseille d’éviter toutes personnes qui auraient un commentaire déplacé sur tes goûts musicaux.

Et si tu veux aller voir la performance du sosie de Matt Pokora dans le café de ton quartier, VAS-Y !

—  Publié le 13 février 2014

Lectorat, je te l’avoue sans que cela ne me coûte vraiment : en matière de musique, j’écoute de tout.

Mais alors, de tout. Au point de régulièrement faire criser mon entourage avec ma playlist fourre-tout de 2000 chansons lancée en aléatoire, parce qu’elle peut passer de Lady Gaga à Lacuna Coil en passant par Comme un ouragan.

Et je ne parle même pas des regards que je me paie lorsque se lance une obscure chanson dégottée lors de je ne sais plus quel concours de l’Eurovision, et dont je ne comprends même pas la langue.

N’ai-je donc pas la moindre culture musicale ?

Ou au contraire cet éclectisme poussé est-il le résultat d’années de recherches et d’expérimentation dans ce domaine si fermé qu’est le domaine de la musique ?

Comment puis-je écouter des trucs pareils ? Est-ce que je ne devrais pas plutôt écouter… Bref.

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On a tendance à penser que le snobisme musical, puisque ça porte un nom, n’est que le fait d’une minorité, que l’on se représente ou définit en général comme un peu bobo, et largement hipster.

Et pourtant, ce fléau de la vie quotidienne peut se retrouver facilement sur toutes les lèvres !

Parce que le snobisme musical, ce n’est pas qu’un gros « T’ÉCOUTES DE LA MERDE » en plein dans ta face – ça peut aussi être bien plus subtil, plus insidieux.

L’Absurdité

Parce que juger les goûts musicaux de quelqu’un, sous le prétexte de meilleures connaissances dans le domaine ou juste de « meilleur goût » est tout simplement absurde.

Dara O’Briain résume très bien la chose :

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« Le snobisme musical est le pire type de snobisme qui soit. Oh, tu aimes ces sons ? Ces sons dans tes oreilles ? Tu les aimes ? Ce ne sont pas les bons sons ! Tu devrais aimer ces sons-là dans tes oreilles. »

Alors, oui, il y a des gens pour qui la musique prend une part importante dans leur vie, et qui, fatalement, ont fait plus de recherches, plus de découvertes musicales, et se sont intéressés à des styles, des groupes, des tendances dont d’autres n’auront même jamais entendu parler.

Ce n’est pas du snobisme : c’est avoir une passion. (Et ça c’est beau.)

Là où ça devient du snobisme, c’est lorsqu’il y a une volonté de montrer sa supériorité dans un domaine de façon assez écrasante pour piétiner les opinions, goûts et curiosités musicales de l’autre.

Et cela peut provenir aussi bien du passionné-type que je viens d’évoquer, que de l’individu lambda qui n’a fait, en vérité, que choper quelques noms de groupes par-ci par-là pour les ressortir dans la conversation.

Ou qui, tout simplement et indépendamment de l’étendue de sa culture musicale, va à l’occasion, souvent sans réfléchir, émettre une critique au final un peu violente, parce que c’est « socialement acquis » que ce que l’autre personne écoute, c’est « nul », « ringard », « c’est de la merde. »

Et ça, c’est vous. C’est moi. Personne n’est à l’abri. (Oui, bon, là je me suis laissée emporter par l’intensité dramatique du moment.)

De l’argument du commercial…

Selon toute vraisemblance, beaucoup d’éléments font qu’une musique ne vaut pas la peine d’arriver jusqu’à nos tendres et innocentes oreilles. Mais s’il y en a un qui revient souvent, que vous entendez depuis le collège, c’est bien le fameux, l’irremplaçable : « C’est de la musique commerciale ».

Déjà, il y a quelque chose de savoureux dans le fait de se faire dire par un adolescent boutonneux qui se pavane dans ses nouvelles Nike toute neuves que « Linkin Park c’est commercial ».

Mais comme c’est un exemple qui ne s’applique pas forcément à tout le monde, me souffle-t-on dans l’oreillette, nous allons laisser là ce détail.

Et nous attarder à la place sur le problème dans la notion de « commercial ».

Attends, pardon ?

Qu’est-ce qu’une musique commerciale ? Un groupe ou un·e chanteur·se qui parvient à faire de la musique son métier et ainsi à en vivre = il se fait des sous sur sa musique.

Ce n’est pas que le musicien en vive qui pose problème, c’est sa production qui est pleine de requins qui ne s’intéressent qu’au fric ?

Ben oui, mais c’est comme ça qu’il ou elle récupère ses sous, le ou la musicien·ne. Et puis la manière dont il ou elle gère ses contrats, c’est son problème, hein.

Il y a des groupes qui réussissent à se débrouiller tout seuls ? C’est plus ou moins vrai, et sans connaître les chiffres exacts, je pense pouvoir avancer que ça concerne à peine 1% de ceux qui tentent l’aventure.

Non mais au bout d’un moment, t’es sûr-e que c’est le bien-être financier du musicien qui te préoccupe, ou t’essaies juste de me péter les ovaires que je m’esquinte à maintenir en bon état depuis maintenant 24 ans ?

Je penche, hélas, pour cette dernière option. Derrière l’argument qui n’en est pas un, il y a l’envie, fort humaine (et très adolescente, d’où le collège), de ne pas faire comme tout le monde.

Qu’est-ce qu’une musique commerciale, tel que l’entendent les dénonciateurs concernés ? Une musique que tout le monde connaît et qu’ils rejettent parce « qu’ils savent mieux ».

Une musique mainstream, quoi. Le hipster, ce n’est pas une tendance : c’est un concept.

Maintenant, individu contrariant, dis-moi : devrais-je parcourir les garages du monde entier à la recherche des petits groupes inconnus et boutonneux pour assouvir mon besoin de douces mélopées sans participer à cette société capitaliste ?

Parce que ça va demander un investissement un poil plus conséquent que d’aller acheter un CD à 25€ que t’auras pas pu écouter avant chez un vieux disquaire du coin.

D’autant qu’une fois LE groupe trouvé, il n’y a plus qu’à croiser les doigts pour qu’ils ne rencontrent jamais le succès. Ou alors qu’ils pissent sur l’argent qu’on leur propose.

…à « c’est d’la merde »

À la limite, le bon vieux « c’est d’la merde » est bien plus honnête.

C’est ce à quoi j’eus également beaucoup droit, dans ma tendre jeunesse, lorsque je tentais avant l’ère de YouTube, Spotify et consorts de découvrir des groupes et des styles musicaux qu’on trouve moins facilement.

Arrêtez de rire jaune, dans le fond, ça veut dire que vous êtes vieux ou vieilles aussi.

Pour les plus jeunes de l’assemblée, il faut savoir qu’il fut un temps où on foutait notre argent de poche dans des CDs et que pour économiser on faisait des compils ou on guettait la radio pour se jeter sur le bouton RECORD au moment où passait la chanson qui nous intéressait.

Les moyens les plus courants de découvrir des groupes étaient les chaînes TV musicales et le bouche à oreille. Oui, gamin-e.

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Tu t’souviens ?

Alors metal, je me suis intéressée, intriguée par le si commercial Evanescence, selon le monde du metal… Eh ben je vous dis pas la galère

J’ai notamment commencé à aller traîner sur des forums spécialisés – car, oui, à l’époque il y avait des forums pour tout – afin de demander des conseils.

Pensez-vous que les grands spécialistes du genre allaient m’ouvrir grand leurs bras, ravis de pouvoir partager leur passion et d’initier une petite nouvelle parce que, décidément, trop peu de gens estiment cet univers qu’est le leur ?

Des clous, ma pauvre Ginette.

Tel groupe, c’était de la merde. Si j’avais bien aimé ça, c’était de la merde. Il n’y a que ça qui en vaille la peine.

Non, en fait, c’était de la merde aussi.

Ça en arrivait à un tel point qu’il me suffisait de regarder les autres novices se faire démonter sur la place publique pour me dire que je m’en sortirais très bien toute seule.

J’aurais pu abandonner, dégoûtée et effrayée à la fois, mais heureusement, j’aimais trop la musique et j’étais trop curieuse pour ça, et j’ai continué à fouiller.

Dans le metal, mais aussi dans plein d’autres styles différents, parce que tout est lié, en fin de compte. Je suis tombée sur des trucs géniaux, des chanteurs et chanteuses que j’admire encore aujourd’hui.

Mais je me dis que si l’accueil avait été meilleur parmi les spécialistes concernés, j’aurais découvert beaucoup plus, et plus vite. Est-ce qu’on n’y a pas tous perdu dans l’histoire ?

Et au nom de quoi, bon sang — ta supériorité culturelle ? La culture ne vaut rien si ce n’est pas pour la partager, gros plouc.

Petits plaisirs coupables et autres « j’assume pas »

Au final, à quoi ça mène, tout ça ?

« Non mais j’ai pas trop de culture musicale, j’écoute que de la merde… »

« J’écoute Britney Spears, c’est mon petit plaisir coupable. »

« Laissez-moi, j’écoute Céline Dion, et alors ? J’ai le droit d’écouter de la merde ! »

Aucune de ces phrases n’est vraiment une défense contre le snobisme musical. Ça en fait partie, ou c’est au moins une acceptation de celui-ci.

Est-ce que ce n’est pas absurde de dire qu’on aime écouter de la merde ?

Mais… Mais enfin ! Si tu écoutes ça, c’est qu’une part de toi trouve que c’est bien, non ? Est-ce que tu aimes te faire du mal ?

Tu vois, tu l’as choquée.

La musique, je vois ça comme un assemblage de sons qui est suffisamment réussi pour te faire réagir.

Et ça ne veut pas dire réagir avec des papillons dans le ventre, les larmes aux yeux d’émotion, ou l’admiration muette — ça peut très bien être que cette musique te fait rire, te fait frétiller, que tu aimes bien répéter les quelques notes du refrain, qu’elle te fait penser à quelque chose ou te rappelle un souvenir.

Si ça t’amuse d’écouter Michel Sardou, ma foi…

Pourquoi serait-ce un « plaisir coupable », de suite ? Personnellement, je n’aime pas trop me sentir coupable d’écouter de la musique, ça a tendance à me gâcher un peu mon plaisir, mais peut-être que je fonctionne de travers…

Et sinon, « je n’aime pas » ?

Mais oui ! On n’y pense pas, mais s’il suffisait qu’on s’aime de dire « je n’aime pas » au lieu de « c’est d’la merde » ou tout autre commentaire désobligeant ?

Et encore… Quand on nous demande notre avis ! Parce que tant qu’on ne nous impose pas des notes qui sonnent discordantes à nos oreilles, quel intérêt, au fond, de ramener sa fraise du fond des bois ?

Ce qui est terrible, c’est que ça nous échappe à tous, tout le temps, à plus ou moins forte dose.

J’avoue avoir mis du temps à apprendre, et à regarder d’un oeil torve aujourd’hui l’ado contrariante qui sortait du « c’est d’la merde » à tout va.

Bon, je suis toujours contrariante (puisque c’est le moment honnêteté). Mais je me suis rendue compte qu’en plus de blesser des gens, je me brimais moi-même. Que je me fermais des portes, toute seule comme une grande andouille.

Parce que j’aime vraiment écouter de tout.

Et si je cesse deux minutes de me cantonner à l’idée reçue que l’on a su m’inculquer sur des forums spécialisés, selon laquelle il y a « la bonne musique » et « la musique de merde », je me permets d’écouter des choses qui me sont, somme toute, agréables.

Je sais ce que j’aime et ce que je n’aime pas, et ça n’a rien à voir avec des critères qualitatifs universels.

En fait, on est bien sans snobisme musical, non ?

On dirait que ça permet à l’action d’écouter de la musique de prendre une dimension plus naturelle : celle de devenir une activité agréable et sans pression.


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

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Avatar de Shiho
21 juin 2018 à 13h06
Shiho
@AxlR : ben tu vois, j’ai tendance à répondre ça.
Ça dépend du contexte et du temps pour répondre. Si c’est juste pour faire connaissance, je vais pas monopoliser la parole 107 ans. Si on discute vraiment, pourquoi pas.

Ma playlist est hyper-variée, je pioche dedans en fonction de mon humeur et de mon activité. Je peux écouter 8500 fois d’affilée le même morceau (commercial ou pas ), quand bien même ce n’est pas mon style habituel, s’il me remue à l’instant T ou s’il se rattache à un moment. Il n’y a pas de cohérence dans mes écoutes.

Edit : Dans la mesure où je n’oblige personne à « subir » mes choix, je n’autorise personne à exprimer un jugement sur ce qui me fait vibrer, zutalafin
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