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Actualités mondiales

Les 6 millions de morts invisibles de la République Démocratique du Congo

Depuis 1996, plus de 6 millions de personnes ont trouvé la mort en République Démocratique du Congo et plus de 2 millions de personnes ont fui leurs terres. Les raisons de ce drame : des richesses naturelles abondantes pillées et un État trop faible pour empêcher les massacres. Laura nous explique ce conflit oublié par les médias.

La République Démocratique du Congo est un État complètement différent de la République du Congo. Ils ont beau être voisins et porter presque le même nom, ces pays sont dans des situations politiques différentes et il arrive qu’on les distingue en accolant leur capitale au nom du Congo. On a donc le Congo-Brazzaville pour la République du Congo et (ce qui nous intéresse aujourd’hui) le Congo-Kinshasa pour la République Démocratique du Congo. Si vous me suivez toujours, je complique encore un peu les choses : la République Démocratique du Congo est communément appelée la RDC, et était appelée Zaïre entre 1971 et 1997.

La République Démocratique du Congo est un État d’Afrique centrale qui compte environ 60 millions d’habitants. Héritage de la colonisation belge, la population est majoritairement chrétienne et francophone. La RDC est l’un des pays les plus vastes du continent africain (son territoire est équivalent à quatre fois celui de la France), mais c’est aussi le plus riche en ressources naturelles et l’un des plus ravagés par les conflits. Avec de telles données, on pourrait s’attendre à ce qu’il fasse constamment la une des médias : après tout, 6 millions de personnes tuées en 15 ans, c’est l’un des pires massacres depuis la Seconde Guerre Mondiale… mais peu le savent.

On est là !

On est là !

Un pays frappé par la « malédiction des ressources naturelles »

La République Démocratique du Congo pourrait être l’un des pays les plus riches du monde.

Elle a des ressources phénoménales en bois, puisqu’elle est appelée le « poumon de l’Afrique » grâce à la forêt équatoriale qui la traverse, et dispose d’une biodiversité tout à fait exceptionnelle. Elle a des lacs suffisamment poissonneux et un potentiel agricole largement suffisant pour nourrir correctement sa population, qui souffre pourtant d’une insécurité alimentaire chronique.

Elle pourrait être un géant énergétique si elle construisait des barrages sur le fleuve Congo qui la parcourt. Elle pourrait exporter facilement le pétrole et le gaz présents sur son territoire.

Elle pourrait recevoir plus d’un milliard de dollars par an pour ses exportations d’or, et cet argent pourrait profiter aux populations locales, qui pourraient être soignées et éduquées en toute sécurité.

Elle pourrait extraire de la même manière ses ressources minières si rares et si abondantes : le coltan, minerais indispensable à la fabrication nos téléphones portables, ne se trouve presque exclusivement qu’en RDC. Elle a également dans son sol près de 50% des réserves mondiales de cobalt. Elle a de l’argent, du cuivre, du tungstène, de l’étain, de l’uranium, du zinc, du plomb, et encore plein d’autres minerais dont je ne connais absolument pas l’utilité mais qui se vendent au prix fort sur les marchés internationaux. Ah, et elle possède 30% des réserves mondiales de diamant !

Mais alors pourquoi cette terre si riche porte-elle une population si pauvre ? C’est simple : elle est frappée de ce qu’on appelle « la malédiction des ressources naturelles ». Ce mal se retrouve dans plusieurs pays en développement, notamment en Afrique : une abondance de ressources naturelles sur un territoire mal contrôlé par l’État entraîne systématiquement des conflits sanglants pour s’accaparer les richesses de la terre. Plusieurs étapes peuvent être distinguées dans la montée de la violence : d’abord, les « Seigneurs de guerre » se battent pour l’accès et le contrôle des mines. Une fois que cette étape est remplie, l’occupation durable du secteur par les milices armées s’accompagne de violences systématiques contre la population, qui est chassée de ses terres ou utilisée contre son gré dans l’exploitation des mines. Dernière étape : les richesses tirées de ces pillages sont réinvesties dans de nouveaux conflits pour la conquête de nouvelles ressources naturelles, voire… Du pouvoir ! C’est un véritable cercle vicieux dont les congolais sont victimes depuis plus de 15 ans.

L’une des pires crises humanitaire au monde

Depuis 1997, 6 millions de personnes auraient trouvé la mort dans les conflits armés au Congo.

Ce qui représente une personne sur dix de tuée pour de l’argent et du pouvoir, et parfois par des enfants soldats. Après tout, si on regarde la situation froidement et cyniquement, puisque 20% de la population congolaise a moins de 20 ans, il est bien logique que des jeunes gens vulnérables et manipulables soient utilisés comme arme de guerre, non ?

Tout comme le viol, d’ailleurs : puisqu’on considère parfois les femmes comme le ciment de la société et qu’on cherche à détruire cette société pour qu’elle oppose moins de résistance, n’est-il pas logique d’institutionnaliser le viol systématique ? Un rapport de 2011 estime que 400 000 femmes sont violées tous les ans.

Pour en savoir plus (attention, certains témoignages peuvent heurter votre sensibilité) :

La RDC a reçu 140 milliards de dollars d’aide en 5 ans, mais puisque l’Indice de Développement Humain du Congo a chuté à la dernière place du classement mondial pendant la même période, on peut en déduire que l’aide n’est pas arrivée dans les bonnes mains.

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L’ONU a également sur le sol de la RDC la plus importante force armée qu’elle ait jamais soulevée avec 17 000 hommes sur le terrain depuis 1999, mais les casques bleus sont parfaitement impuissants et ne peuvent pas remplir leur mandat de protection des congolais, ce qui renforce le sentiment (légitime) d’injustice au sein de la population. Voilà qui peut expliquer (sans justifier) que onze soldats onusiens aient été blessés lundi dernier par des villageois, exaspérés par l’inaction de la force internationale face aux terribles violences perpétrées dans le village situé à côté de la base militaire.

Un État faible et corrompu

Et l’armée nationale dans tout cela ? Pourquoi n’agit-elle pas ? Les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), l’armée régulière du pays, ont été remaniées il y a quelques années dans un effort de réconciliation nationale : ont été acceptés dans ses rangs les soldats de toutes les milices sévissant jusque là dans le pays. Ceux qui pillaient, tuaient et violaient devaient simplement prouver qu’aucune accusation de crime ne pesait contre eux pour être autorisés à porter l’uniforme national. Aujourd’hui, cette armée n’a aucune unité, et n’est pas maîtrisée par un commandement central : ces soldats participent toujours activement aux pillages, meurtres et violences sexuelles dont est victime la population congolaise. Le territoire, particulièrement vaste, est difficile à contrôler et pour que la situation s’améliore, un rapport d’une coalition d’ONG montre que la priorité du gouvernement doit être la réforme du secteur de la sécurité.

La réforme de la Justice est également indispensable afin de poursuivre les responsables des violations des Droits de l’Homme. Pour l’instant, un véritable manque de volonté politique y fait encore obstacle. Il est pourtant question de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et même de génocide, et la Cour Pénale Internationale continue de poursuivre des miliciens et chefs rebelles (deux procès sont en cours actuellement : celui de Germain Katanga et de Mathieu Ngudjolo Chui).

La RDC est le 6ème pays le plus corrompu au monde. Alors que l’élection présidentielle de 2006 avait porté un immense espoir de pacification et de démocratisation après 44 ans de dictature et 8 ans d’instabilité politique, l’élection de Joseph Kabila n’a pas marqué de réel changement, de même que sa réélection en 2011, et le Rwanda (qui s’immisce allègrement dans les affaires intérieures de la RDC depuis 1994) a toujours une place aussi importante et destructrice dans la politique intérieure de son voisin congolais.

Les valeurs portées par la devise de la République Démocratique du Congo sont « Justice, paix et travail » . Espérons que les congolais puissent prochainement en bénéficier.

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Les Commentaires

17
Avatar de L. M.
24 mai 2012 à 21h05
L. M.
J'ai reçu ce commentaire que je voulais partager avec vous puisque la critique qui m'a été faite n'est pas dénuée de fondement :
Par Nsokonso


Le présent article fait une prudente moyenne de 6 millions de morts, entre les 4 annoncés par d’aucuns, les chiffres s’élevant à 8 et même 10 millions pour d’autres.
Débattre du nombre de victimes d’un conflit est en soi dramatique, eu égard aux vies perdues, aux familles détruites, mais les allégations fantaisistes répandues n’honorent pas leurs auteurs. Qui d’ailleurs prudemment se limitent souvent à l’emploi du « conditionnel » dans leurs analyses.
Rappelons qu’une étude scientifique, de démographes, a mis en évidence que les victimes directes des conflit entre 1998 – 2004 ne dépassait pas 183,000 cas. Ce qui est déjà beaucoup de trop. Même si depuis cette étude – 2008 – il y a encore eu bien trop de victimes, de familles broyées, déplacées, ce n’est pas une raison de se camoufler derrière des chiffres invraisemblables. Je cite dans ce rapport : “L’inanité de l’affirmation selon laquelle il y aurait quatre millions de morts en RDC est tellement visible qu’on pourrait en rester là et renvoyer les protagonistes des « Quatre millions de morts » à leurs fantasmes ou … à leurs mensonges rentables. ”
Si les auteurs de cette étude stigmatisent « les affirmations délirantes et malheureusement universellement reprises » sur les quatre millions de morts, c’est pour s’indigner du silence de « la communauté internationale » sur les désastres du régime Mobutu. Enfin, l’étude de l’espérance de vie dans les provinces en paix « plaide en faveur de l’idée selon laquelle les morts du Congo – même dans l’est du territoire – sont plus la conséquence de la déliquescence du régime Mobutu que celle de la guerre à l’est et ses conséquences ».
Aldo Ayello de son coté avait qualifié, en décembre 2010, d’extravagant le chiffre avancé des 6 millions de morts.
De plus, les élections de 2011, en comparaison avec 2006, démontre l’inverse, soit une augmentation des électeurs.
Paix aux innocentes et trop nombreuses victimes de ces années de conflits, mais sombrer dans le délire des chiffres ne fait guère avancer le débat. Cherchez l’intérêt de ceux qui se cachent derrière ces exagérations …
Ma réponse a été la suivante :
Merci pour votre commentaire, la critique que vous faites est pertinente.

J'ai été confrontée à l'impossibilité - bien compréhensible - de trouver des chiffres indiscutables concernant le nombre de victimes et j'ai donc effectivement opté pour l'approche prudente en reprenant l'effroyable nombre de 6 millions qu'on trouve le plus fréquemment, notamment dans les rapports onusiens (l'ONU qui évoque d'ailleurs l'hypothèse d'un génocide).

Dans une situation aussi dramatique et complexe, les chiffres sont bien entendu manipulables, dans un sens comme dans l'autre, et doivent être utilisés avec précaution. Cependant, le rapport de messieurs Lambert et Lohle-Tart me semble tout aussi discutable que le nombre de victimes avancé par les ONG et autres acteurs internationaux, comme en témoigne cet article.
Un tel écart entre les estimations jette toujours, à mon sens, la suspicion sur les chiffres les plus extrêmes.
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