Lorsque Lola est entrée, les discussions se sont éteintes. Étonnant comme à l’entrée de la reine des catins, les petites putes ferment leurs gueules. Un genre de code pour marquer le respect, j’imagine. Et Dieu seul doit savoir que quand Jade – grande, blonde, huit kilomètres de jambes, quarante cinq kilos toute mouillée dont vingt grammes de cervelle – a décidé de faire chier, on l’arrête difficilement. Et aujourd’hui elle était dans un de ses très grands jours. Quant à savoir pourquoi elle me cassait les oreilles de sa voix suraigüe… C’est une bonne question, je vais pas pousser le vice jusqu’à l’écouter non plus.
J’ai senti Alexandre remuer très légèrement à ma droite, l’imbécile. Je ne vois pas ce qu’il lui trouve. Par contre je comprendrais volontiers pourquoi il pourrait avoir envie de casser la gueule de Clovis, vu la façon dont il colle sa copine. Encore deux minutes et ils baisent, je suppose ? Je pose les yeux sur lui l’espace d’une seconde et il s’éloigne aussitôt, sans fard. Connaissant Lola, elle devait prendre son pied, de toute façon.
Je remarque cette autre fille, qui suit Lola à peu près comme son ombre en permanence. On dirait qu’elle a toujours envie de la bouffer, c’est assez marrant à voir. Je sais pas c’est quoi son nom – on me l’a sûrement répété pas mal de fois pourtant ? – mais elle est distrayante. J’ai jamais vu quelqu’un détester autant une autre personne, même quand c’est Lola, l’autre personne. Je crois qu’elle m’est assez sympathique, pour cette raison : ça nous fait quelque chose en commun, on peut pas encadrer cette connasse. Sauf que je lui fais pas des ronds de jambes, moi.
Lola plante ses poings sur ses hanches, et demande d’un air concerné si tout le monde est là. Elle est parfaite dans son rôle. Les regards se tournent vers moi et on dirait que c’est mon tour de parler. Comme j’ai pas suivi – il me semble qu’Olivia (double brun de Jade, cocaïnée au point d’avoir la mâchoire raide en permanence, pas très grande et l’air d’un squelette qui se serait couvert de peau) a dit un truc – je hoche la tête d’un air agacé et j’agite la main. Qu’ils se débrouillent avec ça.
J’en oubliais presque de me présenter : mon prénom ne vous regarde pas mais il arrive que les gens m’appellent Kydd. En quatre mots : je suis le maître. J’agite la main et les gens entrent, je remue la tête et les gens sortent. Je décide qui vis et qui joue, j’attribue les rôles. Tous, ce sont mes pantins. Des pantins consentants et c’est pire. Je joue avec eux, ça m’occupe.
Que ce soit cette pute de Lola ou la fille qui la suit, cette imbécile de Jade, Olivia le squelette, ce fils à papa de Clovis qui cherche à se faire des sensations ou tous les autres, tous ceux qui ne sont pas encore là, ils sont tous là pour mon plaisir. Même Catherine qui fait semblant d’être libre, même Tristan qui se prend pour mon bienfaiteur et même Alexandre. Surtout Alexandre.
Et puis il y a Lise.
« Laissez-moi vous expliquer les règles de ce soir… »
Elle s’est levée comme un chat, depuis le fauteuil qu’elle occupait loin derrière moi et elle a gagné le centre de la pièce. Tous les regards ont convergé vers elle et elle ne m’en a pas accordé un seul.
Quand Lise parle je n’existe plus.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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