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Féminisme

Vous avez une chambre en trop ? Vous pouvez héberger une femme sans domicile grâce à cette asso

Les femmes représentent 40% des personnes sans domicile, et leur sécurité dans la rue est extrêmement précaire. Pour leur proposer de meilleures conditions de réinsertion, le réseau d’hébergement citoyen Merci pour l’invit’ les met en contact avec des particuliers qui pourraient les héberger. Le tout avec un suivi régulier, qui rassure tout le monde, et sans préjugés !

Face à l’ampleur des inégalités sociale, il arrive qu’on se sente démunie au point de ne plus savoir quoi faire — et donc… de ne plus rien faire.

Pour lutter contre cette inertie, il existe des associations qui dirigent ou accompagnent les citoyens et citoyennes qui souhaitent s’engager sans savoir comment. C’est le cas de l’association Solinum, et plus particulièrement le dispositif Merci pour l’invit’, un programme d’hébergement citoyen !

L’hébergement, problématique capitale pour les plus précaires

Merci pour l’invit, c’est le premier réseau d’hébergement citoyen spécialisé dans l’aide aux femmes sans abri. En pratique, cela veut dire que l’association met en relation des personnes qui ont une chambre inoccupée avec des femmes qui n’ont plus de domicile, et qui ont besoin d’un hébergement.

C’est Victoria Mandefield, 26 ans, qui a fondé le dispositif d’hébergement et l’association Solinum dont il fait partie. Bénévole depuis longtemps, elle explique avoir lancé ce projet par frustration :

« Je fais des maraudes depuis très longtemps, et et le premier problème que j’ai rencontré, c’était celui de l’information : les personnes précaires et les associations de solidarités ne trouvaient pas tous les lieux qui pouvaient leur être utiles, les informations à ce sujet en ligne étaient fausses. Avec Solinum, nous avons donc lancé le Soliguide, qui nous aidait à orienter les personnes en situations de précarité vers des lieux qui pouvaient leur être utiles.

Après avoir la création de ces guides, nous avons réalisé que nous pouvions orienter les gens de partout, sauf vers des solutions d’hébergement. »

En France, en effet, les solutions d’hébergement pour les personnes sans domicile sont centralisées autour du 115, un numéro de téléphone qui doit pouvoir les mettre en relation avec un lieu ou dormir. Mais face à la précarité grandissante, les travailleurs sociaux sont débordés, et les places ne sont pas suffisantes pour faire face aux besoins. Victoria Mandefield abonde :

« Au 115, il manque des dizaines de milliers de places, et de nombreuses personnes restent dans la rue, sans pouvoir être prises en charge. »

Une solution pour les femmes sans abri

Si l’association a choisi de ne travailler qu’avec les femmes sans domicile, c’est parce qu‘elles sont confrontées à des problématiques particulières à leur genre. Victoria Mansefield explique :

« On estime que 40% des personnes qui vivent dans la rue sont des femmes. Or, elles y sont encore plus en danger que les hommes : c’est un environnement d’insécurité, et elles y sont encore plus que les hommes en proie à des violences physiques et sexuelles.

Quant aux solutions d’hébergements d’urgence qui leur sont proposées, elles ne sont pas toujours adaptées : certains centres sont mixtes, et il est possible que des femmes refusent d’y dormir car elles ne s’y sentent pas en sécurité, par exemple. Il y a une grande diversité de parcours, chez les personnes sans domicile, et l‘hébergement d’urgence n’est pas adapté à tous les publics. »

Un hébergement avec un suivi régulier

Alors, Victoria Mansefield et l’association Solinum ont lancé Merci pour l’invit. Le principe est limpide, mettre en lien des personnes qui ont de la place pour héberger quelqu’un avec des personnes qui recherchent un hébergement — et créer des rencontres ! Elle explique :

« Proposer un hébergement chez des particuliers, c’est offrir du lien social entre hébergeurs et hébergés. Cela permet de se réinsérer sereinement à celles qui en ont besoin. »

Le dispositif ne se contente pas seulement de mettre des personnes en contact, toutefois. Il est aussi ancré dans un vrai système de suivi, qui rassure autant les hébergeurs que les hébergées.

« On s’assure que les hôtes proposent un hébergement pour de bonnes raisons, que l’hébergement peut accueillir quelqu’un dans de bonnes conditions, et que les personnes puissent être hébergées selon les besoins qui leurs correspondent.

Nous avons une charte, autour de laquelle toute les parties s’engagent. Et la durée de l’hébergement est choisie par l’hébergeur : cela peut être une semaine ou trois mois selon la volonté de chacun !

Le but, c’est aussi qu’il y ait une entente entre les personnes qui vivent ensemble. Avant tout chose, nous rencontrons les hébergeurs et hébergées et discutons longuement avec eux, pour associer des personnes qui s’entendront bien et pourrons partager des choses. Ensuite, l’association fait un suivi régulier, pour vérifier que les démarches de réinsertion avancent du côté de l’hébergée, et que tout se passe bien au sein du logement. »

Comment devient-on hébergeur ou hébergeuse ?

Marc vit avec sa femme et ses filles, et a déjà hébergé plusieurs personnes dans le cadre de Merci Pour l’Invit’. Il explique que c’est grâce à l’association qu’il a réussi à passer le pas :

« J’ai toujours eu à cœur d’être solidaire, mais sans oser proposer de loger chez moi à des personnes dans la rue. Il y a une crainte un petit peu irrationnelle autour de l’accueil de quelqu’un chez soi : c’est difficile d’oser recevoir quelqu’un qu’on ne connaît pas du tout, dont on ne connait pas l’histoire.

Quand mon épouse m’a parlé de Merci pour l’invit’, je me suis dit : super idée ! Ce que je trouvais intéressant, c’est que l’association connaissait les personnes qui avaient besoin d’un logement, et qu’il y avait un suivi. Pour un particulier, c’est super de pouvoir être en confiance !  »

Il explique le processus qu’il a suivi pour pouvoir participer au programme :

« Il y a plusieurs étapes. D’abord, on rencontre la personne que l’on pourrait héberger avec un référent de Merci pour l’invit pour voir si le courant passe. Ensuite, nous avons une semaine d’essai, pour voir si tout se passe bien pour tout le monde. Et si les deux parties sont OK, alors la cohabitation commence !

La personne peut rester une semaine, ou trois mois, en fonction de ce que peuvent proposer les hébergeurs. Si elle a la possibilité ou l’envie de participer un peu aux charges de la maison, elle peut le faire. Sinon, ce n’est pas un problème ! »

Marc, hébergeur : « Je recommande de ne pas avoir peur »

Au quotidien, il explique que les choses fonctionnent très bien, et il est très heureux de s’être lancé dans l’expérience aux côtés de sa famille.

« Au quotidien, on discute de tout et de rien, on se croise dans la maison autour d’un thé le matin. Parfois, nous organisons des gros repas ensemble. C’est l’occasion d’échanger et de partager nos histoires ! »

La solidarité fait partie des valeurs de Marc, notamment par sa foi catholique. Pour lui, il est important de pouvoir s’engager, et ce programme lui permet de le faire sans inquiétudes.

« C’est important pour moi d’être cohérent avec moi-même. Je ne pouvais pas, d’un côté, vouloir être plus aimant avec mon prochain, et de l’autre me dire “Je ne veux pas recevoir quelqu’un chez moi, ça me casse les pieds”. Et puis, partager son quotidien de cette manière-là, ça apporte beaucoup de joie ! On se dit qu’au moins, on fait ça de bien. »

« C’est comme recevoir quelqu’un de sa famille »

Selon lui, de nombreux préjugés pèsent sur les personnes sans domicile, et il est important de pouvoir s’en défaire pour s’engager dans ces démarches solidaires.

« La seule différence entre nous et une personne sans domicile, c’est le toit sur la tête. On ne s’imagine pas la diversité des profils de ces personnes : ça peut arriver à n’importe qui. Demain, ça peut être nous. Participer à ce programme, c’est aussi apprendre à se remettre en question sur les jugements qu’on porte sur les autres, volontairement ou non. »

Quand on lui demande quel conseil il donnerait à une personne qui aimerait se lancer, il répond avec sincérité :

« Je recommanderai de ne pas avoir peur : les choses se font toutes seules. C’est très simple et naturel, il n’y a pas de stress. C’est comme recevoir quelqu’un de sa famille ! La base de ces relations, c’est juste de la fraternité dans ce qu’elle a de plus humain et de plus simple. »

« Les gens se rendent vite compte que leurs préjugés sont infondés »

Victoria Mansefield l’explique, nombreux sont ceux et celles qui ont peur d’ouvrir leur porte à une personne sans domicile. Le poids de la stigmatisation et des préjugés est encore très forts.

« Parmi les peurs les plus récurrentes, il y a celle de se faire voler en hébergeant une personne. En réalité, ça n’arrive jamais : le pire qui puisse arriver, c’est que l’hébergeur et l’hébergée ne s’entendent pas !

Souvent, il y a aussi des peurs autour de la durée de l’hébergement. Certaines personnes se demandent si elles vont se retrouver à héberger pour toujours. Mais avec nous, tout le monde se met d’accord à l’avance : on s’assure que ça n’arrive pas. Et quand une femme doit quitter un logement, nous nous assurons qu’elle aie autre chose derrière. »

Aujourd’hui, l’association a réussi à héberger 36 femmes, en régions parisienne et bordelaise. En mesurant l’impact social de leur dispositif, les membres de Merci pour l’invit ont pu mesurer qu’après un hébergement de la sorte, les femmes suivies par l’association avançaient systématiquement dans leur parcours d’insertion.

Une réussite qui leur donne envie d’aller plus loin : l’association a lancé une campagne de crowdfunding pour pouvoir s’étendre partout en France !

Comment aider Merci pour l’invit ?

Si vous avez envie de participer à ce beau projet, Victoria Mansefield dénombre plusieurs manières d’aider l’association. 

En premier lieu, si vous avez une chambre libre, vous pouvez héberger quelqu’un ! Pour cela, les critères sont simples : il faut avoir envie d’aider quelqu’un, et avoir suffisamment de place pour lui offrir de l’intimité. Si vous manquez de place, vous pouvez aussi vous engager en tant que bénévole au sein de l’association, pour faire la relation entre les hébergeurs et les hébergées.

Vous pouvez aussi en parler autour de vous, et, bien sûr, faire un don (qui peut même être défiscalisé) à l’association. Toutes les informations peuvent être retrouvées sur le site de Merci pour l’invit !

Autant de gestes d’importance, car, comme le rappelle Victoria Mansefield pour conclure notre entretien :

« Chacun, à notre niveau, pouvons avoir un impact positif sur la société. C’est pour cela que nous proposons une manière pour les citoyens et citoyennes de s’engager pleinement ! »

À lire aussi : Avec l’asso Cité des Chances, ce duo invite les « jeunes de banlieue » dans la politique française

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Les Commentaires

2
Avatar de Alexandra_MPLI
30 juin 2021 à 13h06
Alexandra_MPLI
Article super intéressant, je ne connaissais pas du tout ce dispositif !

Mais je me permets de signaler que je trouve un peu dommage qu'il se focalise sur le témoignage... d'un homme et qu'on ne puisse pas y lire le retour d'au moins une personne hébergée...
Bonjour,
vous pouvez aller sur le site de Merci pour l'invit pour trouver des témoignages de femmes hébergées.
Bonne journée,
1
Voir les 2 commentaires

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