Elles s’appellent Un dîner presque parfait, Un dîner presque parfait: le combat des régions ou encore Un dîner presque parfait spécial séduction et sont apparues une par une dans ton tube cathodique depuis 2007. Les règles du jeu changent vaguement pour chaque programme, mais un point les rassemble toutes : ça cause bouffe et tu peux y gagner des sous.
Du coup, comme tu maîtrises plutôt bien la marmite et que tu viens de vider ton compte épargne pour t’offrir un abonnement annuel chez Mickey, tu as décidé de t’y inscrire. Halte là, jeune donzelle fébrile : quelques freins à ton ardeur s’imposent pour que tu ne te retrouves pas trop dépourvue quand le temps de la critique sera venue.
Raison #1 – Vraisemblance : 0
À moins que la cuisine ne soit ton métier, que ton père ne soit Paul Bocuse ou que le génie culinaire ne coule dans tes veines, inviter plusieurs personnes à dîner est un plaisir, certes, mais aussi une source d’angoisse. Chaque fois, c’est la même chose : tu sors ton livre de cuisine et concoctes, fébrile, ce qui doit être un succulent rôti au lait.
Quelques heures plus tard, il y a de grandes chances pour que tu te retrouves en sueur au milieu d’une montagne de casseroles sales et de pelures d’oignon, le chignon défait te donnant un vague air de ressemblance avec Caroline Ingalls le jour où Carrie tombe dans un puits, pleurant face à ce qui s’apparente davantage à un ragoût crâmé au lait caillé.
Oh, mince, mon repas est fichu !
Cependant, dans Un dîner presque parfait
, les candidats évoluent tous sereinement. Ils ont pensé à établir un programme détaillé pour leur journée de tambouille, type « 10h57 : mettre l’eau à bouillir. 10h58 : mettre un peu de sel dedans. 11h02 : plonger les pâtes. 11h03 : pause pipi ».
À certains moments, ils lâchent : « Ouh ! je suis stressé(e) dis donc ! » d’un ton aussi crédible que celui de ton copain/ta copine qui te répond par la négative lorsque tu lui demandes si tu n’as pas grossi le 26 décembre. Ils coupent leurs carottes sans y laisser un seul doigt, hachent un oignon au couteau sans verser une seule larme et sont capables de faire une crème anglaise du premier coup avec une main* dans le nez. Je ne sais pas pour vous, mais moi je n’y crois pas une seule seconde. Autant d’organisation, de sérénité et de professionalisme dans une seule et même personne est impossible, à moins d’être un robot sous Prozac.
(*Ce qui est peu probable – à moins d’avoir une narine énorme -, mais c’était pour éviter la répétition de « doigt »)
Raison #2 – L’ambiance
Il paraît que le meilleur moyen d’être un hôte agréable est d’être spontané. Bien. Rappelons maintenant que le principe de l’émission est d’inviter quatre inconnus d’âge et d’éducation différents à dîner. Que ces inconnus vont noter ta prestation, sous l’oeil de la quinzaine de caméras qui t’ont suivie toute la journée.
Quelle est donc la probabilité que tu restes toi-même pendant le repas alors que Marie-Odile commence déjà à tiquer parce que tu as oublié d’écaler son oeuf dur et que Léon soupire d’ennui avant de proposer de danser sur la Macarena ? Du coup, toute cette pression te rend dingue, tu es perdue et ne sais plus quoi faire pour divertir tes invités. Et puis, tu te rappelles que deux, trois fois, quelqu’un t’a dit qu’il te trouvait drôle, alors tu tentes une blague, – la blague de trop. Et ça donne ça :
Raison #3 – Les candidats
Comme tu as pu le voir dans la vidéo ci-dessus, sache que les autres candidats ne seront probablement pas tes alliés. Je ne sais si leur comportement est dû à la promesse des 1000€, à l’excitation de faire une apparition dans le tube cathodique ou à la production qui les monte les uns contre les autres mais diantre ! qu’ils sont insupportables. Anticipons ensemble le cours de ton hypothétique soirée :
Tu ouvres la porte avec ton plus beau sourire à Marie-Odile en commençant à la tutoyer pour la mettre à l’aise ; elle te répond : Vous tutoyez tout le monde ?* , question suivie d’un mouvement de recul lorsque tu t’approches pour lui faire la bise.
Plus tard, Léon se permet de te dire – en se gardant bien de lever les yeux de ton décolleté – qu’il aurait plutôt mis des zestes d’orange dans la crème brûlée, parce que la fleur d’oranger c’est surfait. « Mais j’veux pas critiquer hein, ça se mange. » Sylvie, l’organisatrice de mariage, obsedée du « toufémézon », te demande si « le café dans ton tiramisu, tu l’as torréfié toi-même ? »
Marie-Odile reprend alors la parole pour louer ton sens de l’économie : « Des cuillères IKEA, génial, je n’en avais pas vu depuis la dernière fois où j’ai servi la soupe au Secours Populaire ! » Pendant ce temps, le ventre de Charlène continue de grouiller, comme tous les soirs de la semaine : elle est végétalienne et la production a oublié de le mentionner à ses adversaires pour que ce soit plus rigolo.
Raison #4 – Le principe même de compétition
Je ne sais pas si tu te souviens, mais dans la vraie vie, recevoir des convives à dîner est un moment de partage et de convivialité. La version classique de l’émission, cependant, consiste à noter son hôte pour sa décoration, sa cuisine, et l’ambiance qu’il a su mettre ou non. On pourrait penser que cela suffirait; c’était sans compter sur l’influence de la télé-réalité pré-nuptiale.
Depuis quelques temps, la 6e chaîne nous propose au moment de la St-Valentin une version spéciale célibataire. A mi-chemin entre l’Amour est dans le pré et Tournez Manège, cette variante propose donc de rajouter au challenge culinaire une possibilité de se prendre des rateaux et d’être jugé non seulement sur ses talents de cuisinier, mais aussi sur son charme et sur les critères physiques des candidats du sexe opposé. Charmant. Formellement déconseillé aux personnes sujettes à un complexe d’infériorité.
(source image : petite-maison-ingalls.skyrock.com)
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires