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La lutte contre l’homophobie ordinaire est toujours un combat en 2015

Le 17 mai, c’est la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie. Et aussi l’occasion de faire le bilan sur les violences homophobes en France, malheureusement encore trop présentes dans le quotidien.

Ce 17 mai 2015, on célèbre la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie. Car oui, il y a encore besoin de lutter. Voilà déjà deux ans que la loi française autorise le mariage pour tous, et donc entre personnes homosexuelles. Il y a deux ans, les défenseurs des droits des LGBT se heurtaient aux revendications de la Manif pour tous. Deux ans plus tard, l’attitude de la société envers les personnes homosexuelles en France ne s’est pas tellement améliorée.

SOS Homophobie a publié le 12 mai dernier son rapport annuel, qui fait un état des lieux de l’homophobie en France, et les conclusions ne sont pas encourageantes. L’évolution est faible par rapport à 2014. L’association commente en en-tête :

« En 2013, nous avions reçu un nombre sans précédent de témoignages de lesbophobie, de gayphobie, de biphobie et de transphobie. Un an plus tard, le nombre de témoignages a baissé, mais, dans les contextes relatifs à la vie quotidienne, la haine et la violence se manifestent toujours autant. » 

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L’association a en effet recueilli 38% de témoignages d’homophobie en moins VS 2014, et les actes homophobes rapportés diminuent également de 38%. Mais si la globalité des discriminations semble en diminution (relativement faible par ailleurs), SOS Homophobie note que la lesbophobie est en légère augmentation.

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Parmi les actes homophobes les plus courants se trouvent les insultes (47%). Les agressions physiques ne représentent « que » 8% de ces discriminations, mais n’ont que très peu diminué par rapport à l’année précédente. Et si elles peuvent être le fait d’inconnus, une grande partie d’entre elles sont encore commises dans des cercles de personnes proches des victimes :

  • 15% ont lieu dans la famille
  • 15% dans le voisinage
  • 13% en milieu scolaire
  • et 4% au travail

Ce qui nous amène au point suivant : la LGBT-phobie est particulièrement présente dans le contexte de la vie quotidienne.

À lire aussi : « Les Dégommeuses », victimes d’une agression lesbophobe, sont soutenues par Pascale Boistard

L’homophobie au sein de la famille

L’un des premiers cercles touchés est celui de la famille : les témoignages d’homophobie dans le cadre familial recueillis par l’association en 2015 ont augmenté de 11% par rapport à 2014.

« 15 % des actes homophobes ont lieu au sein même de la famille ou dans l’entourage proche »

L’homophobie dans le cadre familial est particulièrement difficile à appréhender, explique SOS Homophobie, parce qu‘elle intervient dans un contexte dans lequel on pense être, on devrait être en sécurité, un contexte qu’on considère d’habitude comme un refuge. La relation intime entre l’agresseur•se et l’agressé•e rend ces actes homophobes encore plus difficiles à porter.

Car ce sont bien souvent les enfants, même âgés, qui subissent l’homophobie de leurs géniteurs, plutôt que l’inverse :

« […] un chantage qui peut se manifester par exemple par l’interdiction de rentrer en contact avec leur partenaire, quand ce n’est pas une véritable séquestration qui est imposée à l’adolescent•e. […] insultes devant les autres membres de la famille, punitions à répétition […] »

France Inter a recueilli des témoignages de jeunes qui se sont retrouvés à la rue après la révélation ou la découverte de leur homosexualité par leur famille. Et le rapport le montre : même lorsque les jeunes s’éloignent de leurs parents, le harcèlement peut continuer à distance.

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Les jeunes gays sont les cibles privilégiées des actes homophobes qui émanent de leur propres parents. Les lesbiennes, elles aussi, subissent de plein fouet l’homophobie en milieu familial et dans leur entourage proche : les femmes représentent en effet 49 % des victimes dans ce contexte.

L’homophobie entre adultes devient également un argument en cas de divorce, où l’un des deux parents peut l’employer pour décrédibiliser l’autre et obtenir la garde des enfants.

SOS Homophobie souligne enfin l’importance de la transphobie au sein de la famille.

Au travail, l’homophobie décomplexée

Autre cadre du quotidien dans lequel l’homophobie reste pregnante : le travail. Comme la famille, il s’agit d’un cercle social auxquels les victimes ne peuvent pas se soustraire, et où il leur est donc particulièrement difficile d’échapper aux actes homophobes :

«  […] la victime est obligée de retourner quotidiennement sur les lieux de son agression et de faire face à son agresseur-e »

Le nombre des témoignages d’homophobie au travail n’a pas reculé par rapport à 2014, et les cas de gayphobie rapportés dans le milieu professionnel sont même plus importants que ceux constatés l’année précédente. La LGBTphobie concerne tous les univers professionnels.

SOS Homophobie raconte ainsi que les violences verbales ne cherchent même plus à se dissimuler :

« La parole gayphobe se libère, elle se banalise y compris dans le cadre des rapports professionnels, et se manifeste principalement par le biais d’insultes, d’imitations caricaturales, de refus d’avancement ou bien encore de harcèlement moral. »

« Lorsque des collègues apprennent l’homosexualité d’un•e collaborateur-trice, il arrive que leur comportement change : harcèlement, blagues homophobes, mise au placard, insultes, coups bas. »

Ces violences se déroulent le plus souvent sans témoins, note SOS Homophobie, ce qui les rend encore plus difficiles à démontrer. Elles ont des conséquences graves sur les victimes : isolement, peur de venir au travail, prise de somnifères ou d’anti-dépresseurs, arrêt de travail, et parfois même tentatives de suicide.

Les jeunes sont particulièrement touchés

La tranche d’âge des 25-50 ans est la plus importante à rapporter avoir été victime d’actes homophobes. Mais lorsqu’on considère le cadre familial, et le milieu scolaire, ce sont les adolescents et jeunes adultes qui sont particulièrement concernés.

En fait, SOS Homophobie explique que les actes d’homophobie en milieu scolaire n’ont diminué que de 13% en 2015 par rapport à 2014. Leur nombre est encore bien supérieur à celui relevé il y a deux ans.

Les cas de harcèlement homophobe concernent une personne sur trois. Encore plus important, la lesbophobie semble malheureusement gagner du terrain :

« En milieu scolaire, les actes lesbophobes ont augmenté de 50 % par rapport à l’an dernier. […] Nous remarquons l’isolement des jeunes lesbiennes, qui ont peur de ne pas être « normales » et qui n’ont pas toujours de modèle lesbien auquel se référer. »

Les violences homophobes en milieu scolaire concernent à la fois celles commises par les élèves envers d’autres élèves, et celles commises par les parents. Elles existent dès la maternelle, selon SOS Homophobie, via certains parents qui entretiennent un discours trouble et/ou discriminatoire sur le sujet.

Les agressions entre élèves mineur•e•s, elles, connaissent un pic au collège et au lycée :

« […] Souvent, la victime est au départ la cible de moqueries et de blagues, l’air de rien, « pour rire ». Elles suffisent à elles seules à saper le peu de confiance en soi. Celles et ceux qui ont la force de réagir ne sont pas mieux loti•e•s. Ils-elles ne s’exposent qu’à subir des maux plus violents car c’est bien à une entreprise de destruction que se livrent leurs agresseur-e-s. Aux réflexions sournoises succèdent ainsi dans plus d’un cas sur cinq les crachats, jets de nourriture et autres sévices physiques. »

À lire aussi : « Ma mort doit servir à quelque chose. Changez cette société », la lettre d’adieu de Leelah, 17 ans, transgenre

Pour rappel, en 2010, 84% des jeunes interrogés par la Fédération Indépendante et Démocratique Lycéenne considéraient que « PD, gouine, tapette » étaient « des insultes comme les autres ». Mais dans le même temps, 84% des jeunes pensaient aussi que l’homophobie devait être abordée dans les programmes scolaires. 

Et en 2014, le bilan d’un questionnaire distribué par l’association MAG Jeunes LGBT montrait que les mentalités des jeunes n’avaient pas tellement avancé :

« En théorie, beaucoup d’élèves affirment la nécessité de lutter contre les LGBT-phobies et le sexisme : 76% des filles et 66% des garçons. Mais en pratique, ils sont moins nombreux à accepter l’homosexualité : si leur meilleur-e ami-e était gay ou lesbienne, seuls 45% déclarent que cela ne changerait rien à leur amitié (55% des filles, 34% des garçons). »

À lire aussi : La lutte contre l’homophobie dès le lycée ?

À l’occasion du 17 mai, Pouhiou, des chroniques « Et mon cul, c’est du Pouhiou ? », revient sur les violences homophobes à la fois verbales et physiques qu’il a subies à l’école, ado et étudiant, dans une vidéo intitulée « Le silence tue ».

https://youtu.be/xjiUFVj3brM

Il faut en parler, et c’est là l’un des problèmes du milieu scolaire. La plupart du temps, de peur d’être eux aussi discriminés, les autres élèves n’agissent pas face aux violences homophobes. Et les victimes peuvent très vite se retrouver isolées. Le personnel encadrant, lui non plus, n’apporte pas grand soutien aux victimes : dans un cas sur cinq, c’est même lui qui fait preuve discrimination.

Pourtant, il est absolument essentiel de protéger les jeunes de la LGBTphobie, parce qu’ils sont fragiles face à ces violences, encore plus que les adultes. Selon SOS Homophobie :

« les violences et le harcèlement homophobes sont les premières causes de suicide chez les adolescent-e-s. »

Internet et homophobie

Mais la discrimination n’est pas cantonnée au quotidien « palpable ». SOS Homophobie relève que 40% des cas dans lesquels l’association est sollicitée concernent l’homophobie sur Internet, un chiffre légèrement plus faible que celui relevé en 2013, mais qui ne doit pas masquer le fait que le web reste l’un des principaux vecteurs d’homophobie.

La gayphobie est en augmentation, particulièrement sur Twitter, où les cas signalés en 2014 sont bien plus nombreux qu’en 2013. Et l’homophobie vient aussi bien des internautes qui visitent les sites que de ceux qui en sont responsables. L’association relève encore que la moitié des témoignages qui indiquent de l’homophobie sur le web sont relatifs aux réseaux sociaux.

Internet est aussi le lieu où se poursuit le harcèlement homophobe entre adolescent•e•s, au-delà de la sphère des établissements scolaires.

Deux explications à ces discriminations fortes : l’anonymat, qui libère la parole homophobe parce qu’elle se croit intouchable par la loi, et l’effet de masse, qui créée une sorte de compétition où on va toujours plus loin dans l’homophobie. Les commentaires trahissent le rejet et l’ignorance des personnes LGBT, mais pas seulement, rapporte SOS Homophobie :

« […] Internet a aussi su innover en matière de propos discriminatoires sur les personnes LGBT. En 2014, les thèmes de prédilection ont ainsi été la prétendue « théorie du genre », le débat sur la PMA et la GPA, l’actualité politique liée au mariage pour tou•te•s et l’accès des gays au don du sang, entre autres. Durant cette année, les expressions « lobby gay » ou « la LGBT » ont acquis un véritable statut malgré leur ineptie. »

À lire aussi : Le genre n’est pas une théorie — Je veux comprendre

Si les sites français réagissent rapidement en cas de LGBTphobie, c’est moins évident pour un site hébergé à l’étranger. Pourtant, comme il faut le rappeler :

« des propos LGBTphobes dépassant les limites légales de la liberté d’expression encourent en France une peine allant jusqu’un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. »

À lire aussi : Homophobie et stigmatisation, nos lectrices (et lecteurs) témoignent

Que faire contre l’homophobie ?

Pour aider les victimes d’homophobie, il ne faut surtout pas taire les discriminations dont elles sont victimes, et il faut les écouter. Parce que plus que les violences physiques, ce sont les violences psychologiques qui laissent des traces sur le long terme. SOS Homophobie rapporte :

« Plusieurs témoignages […] montrent que les victimes ont besoin de témoigner, de parler, pour faire face au sentiment de solitude mais aussi parfois pour que la réalité des agressions homophobes se sache.

[…] plusieurs cas montrent que l’intervention des personnes présentes au moment de l’agression, en particulier lorsque cela se passe dans un lieu public, permet de mettre plus rapidement fin à une agression qui aurait pu avoir des conséquences bien plus graves. »

Le combat contre l’homophobie est aussi politique et médiatique : les comportements homophobes entre élus, les refus de célébrer le mariage pour tous, la remise-même en question de ce droit, le débat sur la PMA, la reprise dans les médias de propos homophobes sans opposition, l’emploi de termes discriminants… représentent autant de sujets sur lesquels il faut encore affirmer les droits des personnes homosexuelles, bisexuelles et transexuelles.

Pour aller plus loin

  • Le site d’SOS Homophobie, et son numéro d’écoute anonyme : 01 48 06 42 41.
  • Le documentaire Homo, et alors ? diffusé sur Arte le 11 mai dernier, à voir en replay jusqu’au 19 mai prochaine, qui fait un bilan de la reconnaissance de l’homosexualité en Europe et des discriminations dont sont victimes les personnes homosexuelles.

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Les Commentaires

11
Avatar de Donoma
18 mai 2015 à 11h05
Donoma
J'ai assisté pour la première fois à une agression homophobe au début de l'année. Un couple gay qui passait en se tenant la main se sont fait insultés de tout les noms par un groupe type "jeunes de quartier". Puis l'un d'eux a pris une bouteille d'eau et leur a jeté dessus.

J'étais avec deux amies et on était ultra choquées et on a pas su comment réagir. On osait pas répondre au groupe de jeunes car ils étaient très nombreux et avaient clairement l'air de chercher l'embrouille. On a hésité a appeler la police, mais le couple avait déjà filé et du coup on s'est demandé si la police interviendrait (vu que nous on était que témoins et pas agressés). Bref, on s'est senti très con sur le moment.
J'aimerais bien qu'on donne des infos sur comment réagir dans ces cas là, car clairement là on était tellement pas préparé à tant de violence qu'on est resté complètement abasourdies et on a pas su quoi faire.
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