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Culture

Renault Benelux et les « Women’s options » : décryptage d’un échec annoncé

La dernière campagne de pub de Renault Benelux a provoqué une vague d’indignation. Second degré ou pas, il est trop tôt pour pouvoir rire du sexisme dans la publicité…

La dernière campagne de pub de Renault Benelux pour son modèle Twingo est soit beaucoup trop, soit vraiment pas assez subtile, selon les sensibilités. Jugez par vous-même :

« Nous les femmes, nous avons l’habitude d’improviser » « N’hésitez pas à commander vos « pitites » cartes d’excuses ! »

Un « WTF » quasi-unanime

Les réactions au sein de l’équipe de madmoiZelle ont été partagées en deux groupes.

Une partie des rédactrices s’est étranglé de rage en découvrant les slogans des « petites cartes » proposées. Je me suis personnellement interrogée sur l’équilibre mental de l’équipe marketing qui a entériné ce concept.

reactions-redac-renault-benelux

L’autre partie a immédiatement soupçonné une intention de second degré. Soyons sérieux deux minutes : dans quel monde une telle campagne a-t-elle une chance de passer ?

Les marketeux nous ont habitué à tant de sexisme et de misogynie, dans leurs stratégies publicitaires, que nous sommes en droit d’hésiter avant de répondre à cette question. Oui, à ce point-là, rendez-vous compte.

Cette campagne est-elle bien sérieuse ?

Après avoir revu la vidéo au calme, tranquille, il est vrai que tous les clichés possibles et imaginables sont mis en scène :

  • la femme ne sait pas se garer
  • elle se gare sur un rond-point
  • elle sort une serviette hygiénique de son sac à main
  • elle la signe avec un rouge à lèvre
  • les messages d’excuses sont caricaturaux
  • la voix off dit « des pitites cartes », avec cette emphase sur la mignonnitude propre à l’univers girlygirly.

Bref : s’ils avaient voulu faire un bingo des clichés, ils le remportaient haut-la-main, ce qui nous porte à penser que c’était en réalité l’effet recherché.

Dès lors, soit les blagues douteuses sur l’intelligence des Belges vont redevenir à la mode (pitié, non), soit nous sommes en train de prendre une bonne leçon de marketing genré de la part de nos voisins.

Car ce bingo, c’est celui de n’importe quelle campagne de pub sexiste en première intention :

  • parler aux femmes comme si elles formaient un groupe homogène et uniforme
  • cibler un complexe/un stéréotype négatif comme élément d’identification.

Par exemple :

« Nous les femmes, nous avons un problème avec < insérez un complexe sur le physique >, heureusement chez < insérez marque >, nous avons la solution ! »

Et le secteur automobile a déjà largement surexploité le créneau « nous les femmes, nous n’aimons pas/ ne savons pas / ne sommes pas douées pour la conduite. » On se souvient avec émotion de la bonne campagne (non) du loueur Sixt, en 2009 :

Sixt-loue-aussi-aux-femmes

Il fallait lire l’astérisque, voyons !

À lire aussi : Sixt fait la nique au sexisme dans sa dernière pub

Renault Benelux fait marche arrière

Ce matin, ô surprise, tous les posts et messages relatifs à cette campagne avaient disparus de la page Facebook de Renault Benelux. L’interface « Women’s options » a également disparu du site officiel.

Nous avons contacté la direction de la communication de Renault Benelux, afin d’en savoir plus sur leurs intentions, mais l’entreprise n’a pas donné suite à nos tentatives de contact répétées. Ils ont annoncé « réagir dans la journée avec un communiqué au sujet de cette vidéo ».

Depuis ce matin, le community manager de la page Facebook de Renault Benelux postait le même message d’excuse aux commentaires des Internautes :

renault-belux-reponses-facebook

Too much or too soon ?

Lancer une campagne sur les « Women’s Option », « Des options que seules nous les femmes peuvent comprendre. Et dont seules, nous les femmes, pouvons rire », n’était-ce pas extrêmement risqué ?

Dire que le second degré n’est pas passé auprès du public serait un doux euphémisme. Sur les réseaux sociaux, on assiste à ce qu’il convient d’appeler une shitstorm (littéralement tempête de caca) dans les règles :

  • pourrissage de la page Facebook de Renault Benelux sous la vidéo publicitaire
  • déchaînement de tweets dénonçants le sexisme de la campagne de pub
  • premiers articles reprenant le bad buzz de la marque.

On serait presque tenté-e-s de conclure que les féministes n’ont décidément aucun humour, mais ce serait oublier l’origine de ce stéréotype, à savoir : en tant que femme, on s’en prend tellement plein la gueule au quotidien, et notamment à travers la pub, qu’on n’a plus très envie d’en rire, étonnamment.

Même en supposant que l’intention de la campagne de Renault Benelux soit de ridiculiser les entreprises encore adeptes du marketing genré option clichés sexistes, je n’arrive pas à trouver cette campagne drôle, ni décalée.

Je la trouve au mieux sarcastique, au pire cruelle : les gens qui croient à ces clichés la trouveront drôle, et ils sont malheureusement nombreux. Celles et ceux qui ont avalé « la pilule rouge du féminisme » et qui ont conscience du poids et du nombre des stéréotypes sexistes dans la société seront sans doute touché•e•s, et ceux qui l’ont été ne se sont pas privés pour le faire entendre sur les réseaux sociaux.

renault-benelux-facebook-shitstorm

Je suis moi-même partagée entre le soulagement de voir potentiellement exploitée l’absurdité profondément insultante du marketing genré, et l’agacement de voir ces ressorts sexistes à nouveau utilisés à des fins commerciales — quand bien même l’intention serait de les dénoncer.

La Belgique est-elle en avance sur la France ?

En Europe, c’est en Belgique que le harcèlement de rue a été dénoncé en premier, par la vidéo de Sofie Peeters. Suivant cette vidéo, le harcèlement de rue est devenu un problème public, sanctionné par un projet de loi en cours d’examen.

À quelques kilomètres de là, en France, on peine encore à faire accepter cette réalité, car nombreux sont ceux qui doutent de ce phénomène, insensibles à la récurrence des agressions.

Peut-être qu’en France, nous ne sommes pas prêt•e•s à rire d’un problème qui n’est pas encore suffisamment pris au sérieux dans la société. Mais à en juger par les articles parus dans la presse belge, ce n’est pas le cas non plus :

Avant de pouvoir faire du second degré sur les stéréotypes sexistes, il faudrait d’abord qu’ils soient décrédibilisés au premier degré, ce qui est encore loin d’être le cas dans l’Hexagone, à en juger par la vigueur des défenseurs de ces fameux stéréotypes de genre


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

21
Avatar de yuyunaa
30 août 2016 à 15h08
yuyunaa
Je pense (et j’espère, parce que sinon on touche vraiment le fond) que c'est du second degré, et du coup je trouve qu'il manque un petit truc à la fin de la vidéo, pour nous faire le comprendre, comme dans la pub Sixt qui pour le coup renverse les préjugés.
Et je suis d'accord avec Sassegra, voir une actrice noire dans ce genre de publicité c'est assez rare pour être souligné !
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