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"Crédit photo : Dix pour cent / France Télévision"
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Quelle image la série « Dix pour cent » donne-t-elle des familles homoparentales ?

La saison 4 de la série « Dix pour cent » vient de s’achever. L’occasion de se pencher sur la représentation des familles homoparentales offerte par la série, à travers l’histoire de l’agent de stars Andréa, de sa compagne Colette et de leur fille Flora.

ATTENTION : Cet article va (un peu) spoiler la dernière saison de la série Dix pour cent dont la diffusion sur France 2 vient de se terminer. Si cela vous chagrine, filez donc la regarder en replay avant de lire la suite.

Dans Dix pour cent, la série qui narre les aventures de l’agence de stars ASK, le personnage qui crève l’écran depuis le début est sans conteste Andréa, incarnée par Camille Cottin. La jeune femme est brillante, ambitieuse, combative et lesbienne. Au fil des saisons, elle noue une belle histoire d’amour avec Colette et finit par élever avec elle une petite fille.

C’est la première fois qu’une série française accorde une telle place à un couple de mères, et l’occasion pour nous de se demander avec des militantes quelle représentation Dix pour cent offre des familles homoparentales.

C’est aussi un sujet d’actualité, puisque le débat parlementaire sur l’ouverture de la PMA aux couples de femmes poursuit son cours (le texte doit encore repasser devant le Sénat).

Une série importante pour les personnes LGBTQ et le grand public

« Je trouve la série brillante, c’est génial la place laissée à cette histoire d’amour et à cette famille ! », s’enthousiasme Marie-Clémence Bordet-Nicaise qui élève elle-même une petite fille avec sa femme et a écrit le livre On ne choisit pas qui on aime, pour raconter son expérience.

La trentenaire souligne l’importance des oeuvres de fiction comme Dix pour cent pour permettre aux jeunes LGBTQ de grandir avec des modèles.

« S’il y avait plus de couples de femmes à la télévision, cela permettrait de s’accepter plus facilement. Quand j’ai fait mon coming out, ma famille avait peur que je vive en marge de la société. Aujourd’hui, ils voient que j’ai une vie de famille tout à fait lambda. S’ils avaient pu en prendre conscience il y a quelques années, ça nous aurait fait gagner du temps ». 

En choisissant de mettre en scène une famille homoparentale, la série a donc peut-être permis de faire bouger les mentalités et les représentations, mais surtout, elle a désormais une certaine responsabilité, comme me l’a expliqué Aline Mayard, membre de l’association des journalistes LGBTQ et créatrice du média I like that

qui analyse la culture pop avec un regard queer.

« Dix pour cent a une responsabilité, qu’ils le veuillent ou non »

« Qu’ils le veuillent ou non, Dix pour cent a une responsabilité en tant que première série française grand public avec un personnage principal lesbien, un couple de femmes puis une famille homoparentale. Pour certaines, c’est la première fois qu’elles se voient représentées à l’écran, et pour le grand public, c’est parfois le premier couple de femmes avec un enfant qu’ils « rencontrent » ! »

Et si la journaliste a regardé la série avec plaisir, elle pointe certains problèmes dans le traitement des personnages d’Andréa et Colette. Elle regrette notamment que la saison 4 laisse si peu de place à leur vie de famille, ou même à l’amour qu’Andréa éprouve pour sa femme et sa fille.

« Dans cette quatrième saison (qui n’a pas été écrite par Fanny Herrero, la scénariste originelle), on va malmener ce couple pour créer un énième rebondissement [Colette trompe Andréa avec une ex, puis quitte leur appartement en la laissant se débrouiller avec les problèmes de mode de garde de leur bébé, ndlr]. Évidemment, on s’attendait à ce qu’il y ait un clash entre elles, mais on aurait pu espérer quelque chose d’un peu plus doux. Là, on a parfois l’impression qu’Andréa veut que Colette revienne juste pour s’occuper du bébé. » 

Cette disparition de Colette s’explique en partie par le fait que l’actrice qui l’incarne, Ophélia Kolb, avait peu de disponibilités pour tourner cette saison, étant très prise sur d’autres projets. Mais Harold Valentin, coproducteur de la série, nous explique qu’il y a aussi eu une volonté scénaristique de montrer Andréa se débattre seule.

« Dix pour cent raconte à quel point la passion artistique dévore votre vie et combien cela peut être une source de souffrance pour ceux qui sont autour de vous. Et donc on voulait montrer dans cette saison ce qui pèse sur Andréa et pas ce qui l’allège, et comment progresse en elle l’idée de la nécessité d’un changement ». 

Une grande absente dans la série : la PMA

L’autre reproche souvent fait à la série par les militantes LGBTQ est le « coup d’un soir » entre Hicham et Andréa dans la saison 2 qui la fait tomber enceinte de Flora.

« Pour moi, ce n’est pas fidèle à la réalité d’une majorité des couples de femmes. Le fait qu’un rapport avec un homme soit quand même indispensable pour fonder leur famille, j’ai trouvé ça dommage », glisse Marie-Clémence Bordet-Nicaise.

Un regret partagé par Aline Mayard : « C’est une manière de rendre Andréa « un peu hétéro quand même » et c’est dommage d’être passé complètement à côté de la question de la PMA alors qu’elle est cruciale dans notre société et qu’on n’entend jamais les femmes concernées en parler ! Là on avait une opportunité d’aborder le sujet, et scénaristiqument c’est hyper intéressant ! »

« Dans la fiction, on montre rarement des couples de femmes suivre une PMA, renchérit Marie-Clémence Bordet-Nicaise. Peut-être que les scénaristes ne savent pas comment ça se passe un parcours PMA, mais il y aurait plein d’histoires à mettre en images. Il y a tellement de rebondissements, de suspens… je me dis parfois que c’est digne d’un film ce que l’on vit ! » 

« Je pense qu’il y aura d’autres séries qui raconteront cette aventure-là », répond le producteur Harold Valentin. « Dans Dix pour Cent, cela n’aurait pas forcément été immédiat [à la suite de la rencontre avec Colette] pour le personnage d’Andréa d’entrer dans ce processus pour avoir un enfant. Cela aurait pris beaucoup plus de temps. »

Si la série ne parle pas de parcours PMA, elle réussit tout de même très bien à mettre en lumière certaines problématiques que traversent les couples de mères, notamment la question de la filiation.

Dix pour cent et les difficultés des familles homoparentales

« On voit comment elles se battent avec Hicham pour faire reconnaitre Colette comme étant la mère de Flora. Dix pour cent a fait plus que tous les médias et politiques réunis pour faire comprendre quel était le problème rencontré par les familles homoparentales où les parents doivent adopter leurs propres enfants pour être reconnus légalement ! », détaille Aline Mayard.

L’autre point fort selon Marie-Clémence Bordet-Nicaise, c’est le fait que Colette, qui est la mère « sociale » de Flora, soit celle qui a la relation la plus fusionnelle avec elle. « C’est une manière intelligente de répondre à la pression selon laquelle les femmes doivent se sentir mères dès lors qu’elles portent un enfant. Ça prouve que ce ne sont pas les liens du sang qui comptent », appuie-t-elle. 

La militante qui a créé le collectif Famille.s pour mettre en lumière les familles homoparentales, raconter leur vraie vie et les soutenir, se réjouit aussi que l’homosexualité d’Andréa soit un non-sujet. « Tout le monde est au courant : ses collègues, les acteurs et actrices qu’elle accompagne, et ça ne dérange personne ». 

Si Aline Mayard apprécie aussi que l’on raconte enfin des histoires LGBTQ sans tragédies, elle regrette que la famille formée par Andréa et Colette soit finalement très hétéronormée. « La normalisation de ce couple, c’est positif, ça envoie le message : les LGBTQ sont des gens comme vous, et en même temps toutes les spécificités d’un couple de femmes sont passées à la trappe. Quand il n’y a pas de rôles genrés prédéfinis dans un couple tout est à réinventer, notamment la charge mentale ou les rôles parentaux. » 

« Dix pour cent ouvre des portes »

Reste que l’attachement du public pour Andréa et sa famille est une bonne nouvelle pour toutes les personnes avec qui j’ai discuté. Et pas une surprise pour Harold Valentin. « Dès l’écriture, on savait qu’on avait un personnage potentiellement culte, très équilibré entre ses forces et ses fragilités. Et Camille Cottin l’incarne parfaitement ! »

Le succès de la série montre en tout cas aux chaînes de télévision et autres investisseurs frileux que le grand public peut s’identifier à une héroïne lesbienne sans problème, et s’intéresser aux histoires d’une famille homoparentale.

« C’est sûr que ça ouvre des portes », conclut Aline Mayard. C’est un argument pour vendre d’autres séries maintenant. J’ai hâte de voir plus de séries françaises avec des types de lesbiennes différentes, plus de PMA, plus de familles homoparentales, plus d’enfants et d’ados élevés par des parents LGBTQ ! » 


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

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