— Merci à Miquette pour les photos !
La #NuitDebout, c’est quoi ?
C’est un mouvement populaire, né des manifestations contre la loi El Khomri, mais c’est devenu bien plus que ça : Miquette a passé la nuit de samedi à dimanche place de la République, elle vous le raconte en images chez Konbini.
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Dimanche soir, la 4ème #NuitDebout réunissait encore plusieurs centaines de personnes. Le mouvement ne faiblit pas ! Le prochain rassemblement parisien est fixé au mardi 5 avril. Ailleurs en France, d’autres mobilisations émergent aussi, répertoriées sur cette carte.
- Pour suivre la #NuitDebout, rendez-vous sur la page Facebook et le compte Twitter.
La #NuitDebout, j’en ai entendu parler pour la toute première fois de la bouche de Ludo, de la chaîne YouTube politique Osons causer. C’était au moment des premières manifestations contre la Loi travail, et encore à l’état de projet. Il était sollicité et il m’en avait glissé quelques mots au cours d’une discussion.
C’est grâce à lui que j’ai entendu parler du projet et que je l’ai suivi de loin : j’avais un ami impliqué dedans, qui postait des trucs sur Facebook par rapport à ça, et qui faisait du coup remonter des photos, des appels à manifestations, des événements sur mon fil d’actualité. Il a quasiment été ma seule source d’informations.
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La politique et moi : le mépris mutuel
Je ne suis pas quelqu’un de politisé, je n’ai jamais réussi à croire que mon avis pouvait avoir de la valeur. Pour moi, la politique, c’est un jeu entre les puissant•es, et nous autres qui subissons.
Je n’ai jamais réussi à croire que mon avis pouvait avoir de la valeur
Les élections à mes yeux sont comme celles qu’on menait en sixième pour être délégué : on promet des belles choses, des voyages et des sorties toutes les semaines, tout ça pour se faire élire, alors qu’on sait très bien qu’on passera notre temps au bureau de l’administration à remplir des papiers pour déplacer des cours.
La majorité de mes amis n’ont pas de grande conscience politique non plus, ou du moins pas ouvertement. Donc ce n’est pas trop notre truc, les publications à caractère militant. Sur Twitter, je suis quelques comptes de médias, mais il faut croire que ce n’est pas leur objectif premier de parler des manifs et compagnie.
D’ailleurs, j’arrivais à peine à obtenir des informations au sujet des manifestations contre la Loi travail, alors que c’est quelque chose pour lequel je me sentais beaucoup plus concernée que d’habitude, du fait de ma situation très précaire de jeune travailleuse indépendante.
Dimanche 3 avril 2016 : la prise de conscience
Vu que mes sources étaient très limitées et que je ne passe pas mon temps à faire de la veille à ce sujet, j’ai mis un moment à percuter que la première #NuitDebout avait lieu. Je l’ai découvert avec des photos qui ont pas mal tourné, où on voyait le fameux slogan « Rêve général » — quelqu’un dans mes contacts l’avait mis en photo de couverture.
J’ai mis encore plus de temps à comprendre que cette #NuitDebout durait pendant plusieurs jours, chose que j’ai réalisée seulement hier soir !
Revenons donc à cette fameuse soirée du 3 avril 2016. Une personne parmi mes contacts Facebook, qui n’a aucun lien avec la mobilisation, m’a envoyé une invitation pour que j’aille aimer la page NuitDebout. Donc par curiosité, pour suivre le mouvement, parce que j’avais un ami mobilisé dedans, j’ai rajouté mon « j’aime ».
C’est à ce moment-là que j’ai vu le lien Periscope de Remy Buisine. Donc de nouveau par curiosité, j’ai cliqué… et ce qui n’était pas du tout prévu, c’est que je suis restée 3h devant.
Par curiosité, pour suivre le mouvement, parce que j’avais un ami mobilisé dedans, j’ai rajouté mon « j’aime ».
J’ai commencé par prendre une mini-claque en voyant le nombre de gens présents dans la foule un dimanche soir à 21h. Mais ce qui m’a complètement hallucinée, c’est la jauge de viewers du Periscope qui augmentait à vitesse grand V. J’étais fascinée par ce compteur qui grimpait, grimpait.
J’ai suivi son ascension d’environ 4000 viewers jusqu’à 81 0000, stade cruel et fatal où il y a eu un bug. J’étais tellement sûre que nous allions atteindre les 100 000 ! J’ai éteint vers minuit trente : il y avait quand même de nouveau 35 000 personnes devant le live, certainement en train de se demander jusqu’à quand la batterie de Remy allait tenir.
En fait, c’est à ce moment-là que j’ai pris conscience de l’ampleur du mouvement. Ce que racontait notre commentateur en herbe m’importait peu, c’est surtout la mobilisation que je trouvais incroyable. C’est sûr, c’est facile de cliquer sur un lien en pyjama depuis son canapé douillet, mais quand même, ça en faisait des curieux !
« Il se passe quelque chose pour de vrai »
J’ai eu vraiment envie d’aller me joindre à la foule
Pour une fois, moi la fille légèrement agoraphobe sur les bords, j’ai eu vraiment envie d’aller me joindre à la foule, parce que je me disais « il se passe quelque chose pour de vrai » — mais évidemment, j’étais bloquée chez moi. Un certain nombre de gens sont venus voir Remy pour lui dire qu’ils avaient eu envie de venir grâce à son live, et je les comprenais. Moi aussi j’étais happée !
J’avais la sensation que pour une fois, ce qui se passait n’était pas uniquement politique
(chose à laquelle je me sens complètement étrangère, et l’Assemblée Générale, qui était filmée, me passait complètement au-dessus) mais sociétal (là en revanche ça me parle).
Surtout, je n’avais pas l’impression qu’on venait nous faire la leçon, mais juste que ces gens étaient là pour montrer qu’ils avaient envie d’autre chose.
C’est pour ça que j’aime bien le slogan « Rêve général » : car même s’il est un peu guimauve sur les bords, il y a un côté très pacifique derrière, et il est chargé d’espoir. Et des gens qui y croient malgré les aspects insurmontables de la situation, ça fait du bien !
La Nuit Debout prouve que les gens « normaux » peuvent réussir à se faire entendre
Ce qui me plaît dans cette démarche, et m’enthousiasme énormément, c’est qu’elle prouve que les gens « normaux » peuvent réussir à se faire entendre et qu’on peut parvenir à récupérer l’attention monopolisée par les politiques. Rapport au petit gars lambda qui réussit à faire un live réunissant 80 000 personnes (il en était tout tourneboulé, ça humanisait le moment, j’avais envie de lui apporter un sandwich) et à cette audience assez dingue (sans doute à relativiser) qui prouve la force du média Internet.
Elle prouve surtout qu’il y a quelque chose à exploiter, que quelque chose est entre nos mains, là, tout de suite.
À croire ce que disaient les gens présents sur le Périscope, les chaînes d’infos ne se préoccupaient pas de ce qui se passait. En tout cas, quand notre nouvel ami Remy est allé toper iTélé en direct pour leur dire « hey coucou j’ai 40 000 personnes sur mon live », les journalistes étaient assez circonspects. J’ai vu que la presse s’emparait progressivement de l’événement… avec du retard.
Je lisais sans les lire les articles qui commençaient à sortir, je n’en avais pas besoin puisque tout était sous mes yeux. Et j’ai eu un espèce de sentiment de rébellion, du type « allez les vieux médias là, toujours à la traîne, on a pas besoin de vous, on a d’autres moyens de communication » !
Quel espoir pour la suite ?
Vu que je suis une fille très sceptique et complètement désabusée, j’ai du mal à croire qu’on va parvenir à changer les choses en profondeur. Mais malgré ça, je suis vraiment heureuse que cette mobilisation existe, et continue d’exister.
Le côté « nuit blanche » apporte un certain exotisme à l’événement, qui du coup attire un peu l’attention des médias, et surtout celle des gens. Donc j’ai le sentiment qu’il y a la possibilité que ça fasse un peu de bruit, et qu’au moins, les discussions se débloquent. Même si je suis désabusée, j’ai quand même envie d’y croire !
Après, je ne vois pas beaucoup tourner de réactions à ce sujet autour de moi. Il y a quelques partages d’articles relatant ce qui s’est passé, mais sans que les gens n’ajoutent quoi que ce soit. J’ai parlé avec des amis de mon âge de mon regret de ne pas avoir été présente hier, et ils partageaient mon sentiment. Un autre ami, plus âgé, était content que la mobilisation existe.
Je suis vraiment heureuse que cette mobilisation existe, et continue d’exister
Mais dans mon cercle, je ne vois personne (à part Ludo !) brandir un drapeau « révolution » ou au contraire, démonter la mobilisation. J’avais vu plus de choses circuler au moment où le collectif « On vaut mieux que ça » était vraiment très actif : leur première vidéo avait beaucoup tourné et les gens aimaient régulièrement certains posts de témoignages.
Je crois qu’on est tou•tes un peu dans le même cas : on suit la mobilisation de loin jusqu’à ce qu’on comprenne qu’il se passe quelque chose pour de vrai.
Du côté de ma famille, on évite d’en parler, le sujet est sulfureux et le dialogue compliqué ! On se retrouve dans une opposition manichéenne « jeunes contre aînés » ; ces derniers sont convaincus que les premiers sont anti-travail. Il est compliqué de leur faire comprendre que pointer des difficultés ou des abus, ce n’est pas être anti-travail.
Pointer des difficultés ou des abus, ce n’est pas être anti-travail.
J’ai choisi de faire d’une passion un métier, de faire de mon travail ma vie et ma priorité, et je dois dire qu’à l’heure actuelle, je suis très épanouie dans ce que je fais. Ça ne m’empêche pas toutefois d’avoir envie de « mieux vivre », de vouloir tenter de me sortir de la précarité et de pointer les abus — ceux que j’ai connus, ceux que vivent les autres.
Ça n’est pas contradictoire avec mon soutien du collectif « On vaut mieux que ça », qui révèle au plus grand nombre les absurdités du monde du travail que l’on se raconte d’habitude autour d’un verre.
Je ne suis pas anti-travail, j’ai juste envie que mes conditions de vie s’améliorent, et que la société s’adapte aux réalités de nos quotidiens. Je n’ai pas envie de changer de métiers pour gagner plus, mais j’ai envie que mes efforts pour être dans la vie active soient enfin reconnus.
Alors merci à ceux et celles qui se mobilisent depuis des jours, des semaines, et qui s’acharnent à nous faire entendre, à nous faire enfin valoir. Merci à vous d’avoir libéré la parole et d’être parvenus à allumer une petite flamme d’espoir chez moi et chez d’autres personnes, et de nous avoir réveillées. Vous avez mon soutien.
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