ÇA VA SPOILER SA MÈRE DU DÉBUT À LA FIN
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— Article écrit le 20 septembre 2017
Je me suis isolée du reste de la rédac’ pour vous pondre un article DE LA PLUS HAUTE IMPORTANCE !
lundi soir, après 5 jours d’une attente quasi-insoutenable, je suis allée voir Mother! en compagnie de mon cher et tendre.
Depuis l’annonce du film, il y a maintenant un bout de temps, je n’étais qu’impatience.
J’errais d’une salle de projection à l’autre pour combler mon attente du messie cinématographique.
Mais rien ne me rendait hystérique de joie.
J’ai eu de jolis coups de coeur, bien sûr. J’ai aimé tendrement Le Château de Verre et pleuré devant Mary.
Mais ce que j’attendais, c’était un produit différent, qui s’infiltrerait dans mon crâne et me torturerait les méninges.
J’ai été servie !
Mother!, un film décrié par la critique et le public
À la fin de la projection, alors que la salle était encore comble et que les lumières ne s’étaient toujours pas rallumées, le public s’est mis à ricaner. Longuement.
Trop longuement pour moi qui ai un peu de mal à tolérer la moquerie.
Je pars du principe qu’une oeuvre, quelle qu’elle soit, mérite qu’on la traite avec un minimum de respect. Surtout quand elle a demandé un boulot monstre.
Aussi, j’ai réalisé en sortant de la salle qu’une bonne partie des spectateurs étaient en fait dans le flou artistique le plus total.
J’ai entendu plusieurs :
« Mais What the fucking fuck just happened ? »
Ou encore :
« Le mec se fout clairement de notre gueule. C’est incompréhensible son machin »
Le public et la critique son divisés : certains crient au génie, d’autres au navet.
J’appartiens clairement à la première catégorie.
J’irais même jusqu’à dire que Mother! est le film de genre que j’attendais depuis… toujours.
Le cauchemar y côtoie la poésie. L’horreur flirte avec le sublime. C’est hystérique, épileptique. C’est GÉNIAL.
Aux détracteurs qui qualifient le film de « grand-guignol », j’ai envie de hurler :
« C’est normal, c’est le but bordel ! Que ça ressemble à un fucking cauchemar ! »
Un songe abominable duquel il est impossible de s’extirper. Et sur lequel on n’a aucune emprise.
Ça doit être too much ! Ça doit être malsain ! Ça doit être aussi extrême que ce que le réalisateur essaie de dénoncer.
Et surtout ça doit nous faire RÉFLÉCHIR.
Pari réussi.
Mother!, de quoi ça parle ?
Pour rappel : SPOILER ALERTE, Mother!, c’est l’histoire d’un couple qui mène une vie pépère dans une baraque paumée.
Lui est écrivain et ne parvient pas à pondre la moindre ligne, elle s’occupe de rénover la maison du sol au plafond.
Un couple, dont l’existence va se retrouver bouleversée par l’arrivée inopportune d’invités pour le moins chelou…
Un film riche en métaphores qui en dit long sur notre monde actuel.
Voilà mes théories concernant Mother!. Elles me sont propres bien sûr, et je ne prétends pas détenir la vérité sur le film.
Hypothèse 1 : Mother! est l’allégorie de l’hystérie créative et du besoin de reconnaissance
Jennifer Lawrence aime Javier Bardem.
D’un amour tendre et inconditionnel. Lui semble l’aimer parfois. Quand il n’a rien d’autre à foutre.
Le reste du temps, il le passe à se triturer le cerveau pour écrire son bouquin.
En fait, le gars s’emmerde profondément jusqu’à ce que l’inspiration lui vienne (suite à un coït avec sa femme), que son livre devienne un objet quasi divin et que le monde entier lui voue une fidélité flippante.
Il est alors possible de voir le film comme un essai sur l’hystérie créative.
Jennifer Lawrence n’est pas la femme de Javier Bardem, c’est sa muse. L’allégorie de la création.
Elle représente son inspiration, la seule chose qui lui permette d’écrire.
Alors que son livre suscite l’hystérie collective et que les fans ont envahi leur maison, tout part en vrille.
J-Law accouche de son premier enfant dans une demeure ravagée par la folie.
L’enfant est offert par son père à la foule, qui le porte, puis le tue sauvagement et s’en nourrit.
Folle de désespoir, Mother s’immole par le feu et fait cramer la baraque. Une autre femme se réveille dans son lit, et tout recommence.
Il s’agit purement et simplement d’un récit sur l’acte de créer, de plaire, d’être idolâtré, puis de sombrer dans l’oubli.
Et puis de prendre son courage à deux mains, et de tout recommencer.
Seulement voilà, la création artistique de Javier n’est permise que par la destruction de sa muse.
Son égoïsme la détruit lentement avant de la saccager furieusement.
Son besoin de reconnaissance prévaut sur tout le reste. Sa femme, son enfant, sa maison.
L’unique but du créateur : ne pas être oublié.
Un sujet qui passionne les artistes depuis toujours. Les écrivains en particulier.
Baudelaire exprimait déjà la peur de sombrer dans l’oubli dans l’un de ses spleen publiés dans Les Fleurs du mal.
Difficile alors de ne pas se poser la question : à quel point cette oeuvre est-elle personnelle pour Darren Aronofsky ?
Exprime-t-il, à travers Mother!, ses propres névroses créatives ?
Un journaliste de Variety s’interroge également sur la symbolique de Mother! ici.
Hypothèse 2 : Mother! est une métaphore de la religion (sacré programme)
Alors, ça n’est peut-être que moi, mais j’ai vécu ce film comme une métaphore de la religion et un pamphlet anti-fanatisme.
Penchons-nous un peu sur la filmographie de Darren Aronofsky.
Son premier long-métrage s’intitulait Pi et mettait en scène un mathématicien frapadingue qui comptait déchiffrer un message divin dans les cours de la Bourse.
Plus récemment, il réalisait Noé. L’adaptation cinématographique d’un épisode de la Genèse.
Autant dire que le mysticisme, c’est un peu son dada à notre Darren.
Ainsi, Mother! pourrait être une relecture de la Bible.
Difficile de fermer les yeux sur toutes les similitudes entre le livre saint et ce bijou de cinéma.
Jennifer et Javier représenteraient le berceau de la création, à savoir la Terre.
Le bureau de l’écrivain serait le jardin d’Eden avec en son milieu l’arbre du savoir.
Les deux premiers personnages à s’incruster (Ed Harris et Michelle Pfeiffer) seraient Adam et Eve.
Leurs gosses complètement zinzins seraient Abel et Caïn. Tout comme les personnages bibliques, l’un d’eux commet d’ailleurs un fratricide.
Le livre de Javier serait la Bible et tous les lecteurs seraient des fidèles. Non, des fanatiques religieux plutôt.
L’enfant dévoré serait une allusion à :
« mangez, ceci est mon corps, buvez, ceci est mon sang ».
La toute fin représenterait quant à elle l’apocalypse. Rien que ça !
Voilà.
Cette théorie est celle qui me satisfait le plus.
Les journalistes de Collider se sont également penchés sur la question de la religion ici.
Hypothèse 3 : Mother! est le cri de détresse d’une nature qui agonise
Difficile de ne pas voir en Mother! l’allégorie du crime contre la nature.
La baraque serait la planète Terre, Jennifer notre mère nature.
Les invités représenteraient l’humanité, une foule d’individus qui se pensent tout permis. Et qui s’offrent le droit de tout saccager, en dépit des avertissements de Mère Nature.
Ils cassent un évier, l’eau se répand partout : nous polluons, la Terre se réchauffe, nos fleuves débordent…
La violence monte crescendo.
Les invités affluent, la folie monte. La maison est surpeuplée, le coeur de la maison se meurt.
Mère Nature accouche, les hommes se ruent sur l’enfant et s’en nourrissent : nous consommons trop vite les richesses que la nature nous offre.
Jennifer Lawrence se fait rouer de coups : nous détruisons la nature.
L’incendie : la mort de notre planète.
Seul reste le coeur de Jennifer, une grosse pierre parcourue de veinures d’or.
Javier la conserve précieusement.
Et tout recommence.
Son coeur est en fait une graine suffisante pour replanter des arbres, des plantes, n’importe quoi.
Une graine qui permet de faire revenir la vie, tout simplement.
Hypothèse 4 : Mother! est un pamphlet anti extrême-droite
Cette hypothèse m’est venue à l’esprit mais je pense être allée trop loin.
Je vous la balance quand même, par souci d’honnêteté et de transparence.
Il est possible de voir en ce film une critique de l’extrême droite américaine.
Jennifer Lawrence représenterait les Républicains, Javier Bardem les Démocrates.
Elle tire la tronche en accueillant des gens chez elle, lui en est ravi.
Pour elle, l’étranger apporte le chaos, pour Javier, il apporte la lumière et l’espoir.
Elle vit l’arrivée de tous ces intrus comme une invasion, lui comme un pèlerinage providentiel.
Finalement, Jennifer fout le feu à son propre corps. Faudrait-il y lire la volonté du réalisateur de voir l’extrême droite se désagréger, et Trump démissionner ?
Je doute de ce dernier point car Trump n’était pas encore au pouvoir lorsque le tournage a commencé.
Cependant, peut-être Darren souhaitait-il voir Trump se retirer de la campagne présidentielle ?
Mais bon, cette dernière théorie me semble un peu douteuse.
Pour résumer, il y a plein d’interprétations possibles à l’oeuvre du réalisateur. Il n’y a jamais qu’une seule manière de comprendre un film.
Et c’est ÇA, la magie du cinéma !
Et vous quelles sont vos hypothèses ? Que faut-il comprendre et retenir du chef-d’oeuvre de Darren Aronofsky ?
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