Cher Père Noël,
Je crois que c’est de tradition de t’écrire, chaque année, à l’approche du 24 décembre.
Ma lettre au Père Noël, entre tradition et mise de côté
Je dis « je crois », parce que ça fait plusieurs années que je ne le fais plus.
Tu sais, c’est pas tout à fait de ta faute. C’est juste que j’ai grandi, donc me comporter « comme une enfant » est devenu moins acceptable, et puis j’avais d’autres préoccupations.
Bref. T’es pas obligé de me pardonner. Je comprendrais que tu sois fâché, j’ai passé 10 ans de ma vie à te demander des trucs, et presque autant d’années à t’ignorer.
Mais ne t’inquiète pas, tu vas voir, cette année, c’est un peu différent.
Cher Père Noël, je sais que tu n’existes pas, mais pendant des années j’ai eu besoin de toi, même quand je faisais semblant du contraire.
Dans les moments les plus sombres, j’avais l’espoir inavoué que tu étais réel, que l’allégorie du rêve que tu représentes viendrait me prendre par la main, avec lumières scintillantes, sourires et cadeaux, et jingle bells.
J’avais envie que tu me sortes de la noirceur dans laquelle je me complaisais, parce que, tu vois, le Père Fouettard, je ne le lâchais pas, j’allais jusqu’à lui piquer son job et m’infliger des douleurs qu’il n’aurait pas envisagées…
Et puis j’ai grandi. J’ai compris que tu n’existais pas. Que tu n’étais effectivement qu’une allégorie, en laquelle la plupart des gens ne croient pas.
Lettre au Père Noël : « J’ai compris que tu n’existais pas »
J’ai compris que si je voulais que mes rêves deviennent tangibles, que mes lumières s’allument et brillent pour éclairer mon chemin, il fallait que je me sorte les doigts.
J’ai compris que le Père Noël, cet être capable de m’apporter du plaisir, de l’amour et du bonheur, c’était moi.
Le Père Fouettard, c’était aussi moi, et il m’a suffi de lâcher le martinet que lui et moi tenions fermement, prêts à me flageller à chaque faux-pas, pour que le cuir cesse de claquer.
Cher Père Noël, c’est parce que tu n’existes pas que j’ai compris que c’était à moi de me prendre en main. Voilà pourquoi je n’ai rien à te demander, dans cette lettre. Parce que tout ce que je souhaite, je peux me l’apporter.
Cher Père Noël, le Père Noël, c’est moi
Cette année, Père Noël, je me suis offert ce que je n’avais jamais osé fantasmer.
Et pas seulement le soir de Noël, non, je me suis gâtée toute l’année ! Parce que, pourquoi pas, finalement ? Noël n’est qu’une coutume, une tradition, et si je suis mon Père Noël, libre à moi de rendre la fête journalière.
Quand j’avais 5 ans tu m’as offert un super microscope, à 11 ans des chaussures à roulettes avec lesquelles j’ai frimé pendant des semaines. Merci pour ça.
T’as aussi illuminé les villes à chaque mois de décembre où j’avais l’impression de crever de douleur, tellement c’était nul, tellement c’était moche que papa et maman se haïssent, que ma famille se déchire, que je sois écartée entre les deux jusqu’à ce que, comme avec un élastique, ça pète d’un côté. Merci pour ça.
Mais tu ne m’as jamais offert l’amour de moi.
Tu ne m’as jamais offert de changer de vie, de m’autoriser à aimer
même après mille ruptures et blessures. Tu ne m’as jamais offert de tout plaquer sur un coup de tête, ni d’aller au bout d’un projet qui me tient à cœur.
Tu ne m’as jamais offert de choisir, enfin, de me sauver, d’arrêter de me planter, de me saboter, ni de décider enfin de vivre ; tu n’étais pas là non plus le jour où je me suis juré de ne plus jamais attenter à ma vie.
Tu sais quoi ? Tout ça, soudainement, cette année, je me le suis offert à moi-même. Mes plus beaux cadeaux, c’est moi qui me les suis faits.
Alors ouais, j’ai pas le traîneau ni le manteau rouge — quoi que ça, ça s’arrange. Pas de pouvoirs magiques ni de petits lutins pour me seconder.
Mais je suis réelle, je suis moi, je sais mieux que personne ce dont j’ai besoin, ce qui me fera du bien, je sais mieux que personne prendre soin de moi.
Accepter d’être imparfaite, un de mes cadeaux de Noël, de moi à moi
Je te rassure, je n’ai pas ton expérience, alors il m’arrive souvent de foirer. Je ne maîtrise pas encore tout parfaitement.
Ce n’est pas grave. Ce n’est pas grave, parce que j’apprends à me pardonner lorsque je fais une erreur, à l’accepter, à en rire, même, parfois.
J’apprends à transformer mes échecs en opportunités ; dans le pire des cas, en apprentissages.
Je n’ai pas besoin d’une image de Père Noël parfait, je n’ai pas besoin non plus d’être parfaite ; j’ai besoin de m’accepter et de m’aimer dans mes imperfections. Tu sais quoi ? C’est encore un cadeau que je me fais, d’écrire cela.
Cher Père Noël.
Je ne t’écris pas juste pour le plaisir mesquin de te dire que tu n’existes pas, que je suis mieux sans toi. Non, je t’écris pour une dernière demande.
Tu sais, j’ai mis des années à comprendre tout cela. J’ai encore tant à comprendre, j’ai encore tant à apprendre.
J’aurais aimé m’épargner certaines douleurs, et je ne les regrette pas. Mais aujourd’hui, mon métier (un autre cadeau de moi à moi) me donne l’immense chance de pouvoir m’adresser à un grand nombre de personnes, chaque jour.
Des jeunes, des moins jeunes, avec chacune un parcours de vie qui force le respect.
Ma lettre au Père Noël, pour offrir de l’amour aux lectrices de madmoiZelle
Je sais que parmi toutes ces lectrices, il y a des ados peut-être mal dans leur peau, des adultes qui ont poussé un peu de traviole et essayent tant bien que mal de se raccrocher au tuteur. Comme tout le monde, finalement.
Je sais qu’il y en a qui adorent Noël et le préparent dès le 1er novembre, d’autres qui sont laissées de marbre, qui ne le fêtent pas ou même que ce moment rend triste.
Je les comprends tellement, Noël était jusqu’à cette année synonyme pour moi du jour le plus malheureux de l’année.
Cher Père Noël, aide-moi à leur montrer à quel point chacune d’entre elles, dans son individualité, dans tout ce qui fait ce qu’elle est, est unique et précieuse, mérite d’être aimée et choyée.
Ce cadeau que je commence à me faire, j’ai envie de l’offrir à la Terre entière.
J’ai envie de permettre à toutes d’être indulgentes envers elles-mêmes, de s’aimer, de s’entourer de personnes qui sauront les aimer comme elles le méritent.
Cher Père Noël, que tu diffuses ce message serait le plus beau des cadeaux que tu pourrais m’offrir cette année, parce que le reste, je me le donne déjà.
Et je sais que finalement, lorsque je cliquerai sur « publier », ce sera à nouveau moi qui aurai fait la démarche.
Alors sois cool, et au moins, offre-moi une place pour le prochain concert d’Orelsan.
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