« On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants, où un tiers des étudiants sont boursiers et où, pourtant, nous avons tant de précarité étudiante et une difficulté à financer un modèle qui est beaucoup plus financé sur l’argent public que partout dans le monde pour répondre à la compétition internationale. »
Il n’en fallait pas davantage pour provoquer l’inquiétude dans les universités. Il y a une semaine, Emmanuel Macron laissait entendre « avec clarté et franchise » une remise en question de la gratuité de l’accès à l’université lors de son discours de clôture du Congrès de la conférence des présidents d’université.
Après deux ans de pandémie où le suivi des cours tout autant que la vie sociale des étudiants et des étudiantes ont été mis à mal, l’annonce passe mal.
Côté associations, on craint une réelle menace sur l’accessibilité de l’université aux personnes les plus précaires.
« C’est un choc », insiste auprès de Madmoizelle Paul Mayaux, qui y voit « une remise en cause majeure des fondamentaux de l’enseignement supérieur français. »
Comme beaucoup, le président de la FAGE est bien conscient des dysfonctionnements actuels du système universitaire. N’en demeure pas moins, selon lui, que la solution n’est pas celle que propose le président de la République :
« Les étudiants et étudiantes ne doivent pas payer le prix d’un sous-investissement de l’enseignement supérieur. »
Les moyens alloués à l’enseignement supérieur ne doivent pas selon lui être réduits à un « coût », mais davantage être considérés comme « un investissement pour la société ».
Un discours inentendable après deux ans de pandémie
Même son de cloche du côté de l’UNEF qui a réagi en reprenant les propos polémiques du président à l’égard des personnes qui n’ont pas encore reçu le vaccin contre le Covid-19 :
« Emmanuel Macron n’emmerde pas seulement les non-vaccinés, il emmerde aussi les étudiants. »
La présidente de l’UNEF Mélanie Luce a dénoncé au micro de RTL non seulement les réformes mais aussi la précarité extrême subie par les étudiants :
« On a dû organiser des distributions alimentaires pour les étudiants, on a eu des vagues de suicide, et maintenant, on nous dit : va falloir payer un peu plus. Ça commence à se voir ! »
Paul Mayaux la rejoint :
« Pendant le confinement, on a vu des centaines de milliers de jeunes dans la merde financièrement, qui ont fait la queue pour la banque alimentaire. On a assisté à des situations horribles. Cette prise de parole, elle est très difficile à entendre ; c’est même au-delà : c’est inaudible. »
Si la question des frais d’inscription apparaît comme « la plus saillante », ce n’est pas le seul point qui inquiète la FAGE. Emmanuel Macron veut rendre l’université plus forte, mais s’y prend-il de la bonne manière ?
« Il sous-entend qu’en mettant un prix plus élevé sur une formation, des personnes vont la suivre de manière plus investie » analyse Paul Mayaux, pour qui le système d’orientation est déjà « une calamité », et « un facteur décisif dans les échecs des étudiants ».
Doit-on craindre un système à l’américaine, avec des frais mirobolants et des prêts étudiants à rallonge ? Ou cette critique des propos de Macron relève-t-elle de la caricature ?
Pour Paul Mayaux, il y a un risque réel : « Cela fait déjà l’objet de discussion dans certains groupes de pensées, comme l’Institut Montaigne ». Ce think tank, proche de la République en marche, publiait par exemple en avril 2021 une série de mesures allant de la hausse des frais d’inscription à la mise en place de prêts étudiants.
Le président de la FAGE rappelle que pendant qu’Emmanuel Macron « fait allusion à ce qui se fait à l’international » concernant les frais d’inscription, Joe Biden veut résoudre le problème de la dette étudiante, devenu un réel enjeu électoral aux États-Unis.
Machine arrière toute ?
« Il n’a pas dit qu’il voulait augmenter les frais d’inscription. Il n’y a pas d’agenda caché, ni pour maintenant ni pour plus tard. Le Président n’a jamais demandé qu’on travaille cela. »
En entretien dans Libération ce vendredi 21 janvier, la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal assure la manœuvre pour rassurer sur le futur de l’université et asséner que non non non, le président de la République n’envisage ni de hausse des frais d’inscriptions, ni une privatisation.
A-t-elle convaincu ? Certainement pas Mélanie Luce.
« On n’est pas dupes », réplique la présidente de l’UNEF auprès de Madmoizelle, « et surtout, on n’est pas à un mensonge près, car Frédérique Vidal a menti sur le pourcentage de résidences universitaires rénovées. »
En séance à l’Assemblée nationale le 18 janvier, Frédérique Vidal a tenté de rectifier le tir du président de la République mais s’est aussi, en effet, vantée d’avoir rénové la totalité des logements du Crous — une affirmation mensongère, comme le démontre cette enquête de Mediapart.
Impossible d’être rassurée face à une ministre qui s’arrange ainsi avec les faits pour Mélanie Luce.
« Et si Emmanuel Macron ne veut pas augmenter les frais d’inscriptions, alors qu’est-ce qu’il défend ? C’est quoi, cette réforme ? On ne sait pas toujours pas ce qu’il y a dans cette réforme structurelle ! »
Pour elle, le gouvernement a passé un quinquennat à avancer « des réformes qui ne disent pas leur nom » :
« On ne fait pas de la sélection : on dit qu’on fait de l’orientation. Non, on n’augmente pas les frais d’inscriptions : on fait des prêts étudiants… On en a marre de l’hypocrisie. On demande des clarifications, la réforme des bourses promise depuis 4 ans, la création de place en licences et en masters. Des mesures concrètes. »
Une mobilisation étudiante et lycéenne se profile déjà : les organisations donnent rendez-vous les jeudis 27 janvier et 3 février dans la rue pour se faire entendre.
À lire aussi : Des syndicats étudiants appellent à manifester contre la hausse des droits d’inscription à l’université
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Les Commentaires
Je ne savais pas pour les bourses !
C'tà dire qu'il faudrait pas que les enfants de prolo fassent des masters !