– Mise à jour du 26 novembre 2018
Le gouvernement a prévu d’augmenter les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur pour les étudiants étrangers.
Cette mesure est vivement critiquée par les étudiant·es en question, ainsi que par certains syndicats étudiants, notamment la FAGE et l’UNEF.
Cela fait en effet craindre une augmentation des frais généralisée à tous les étudiants (voir ci-dessous la mise à jour du 23 novembre).
C’est donc dans ce contexte qu’une pétition a été lancée il y a déjà une semaine – elle réunit à l’heure où je tape ces lignes plus de 166 000 signatures.
Mais au delà de la mobilisation en ligne, l’UNEF et la FAGE appellent à manifester ce samedi 1er décembre.
La première organisation s’est associée à 14 associations d’étudiants étrangers pour signer une tribune dans le JDD, et la FAGE a annoncé se joindre à ces rassemblements.
✊ La FAGE appelle tous les étudiants et toutes les étudiantes à se rassembler samedi 1er décembre sur la place du Panthéon à Paris à partir de 12h mais également partout en France pour s'opposer à l'augmentation des frais d'inscription ! ?⛔ pic.twitter.com/A4qbZbJrPE
— FAGE (@La_FAGE) November 26, 2018
Si tu as prévu de rejoindre les manifestations annoncées ce 1er décembre, tu peux nous envoyer des photos que tu as prises sur place à l’adresse jaifaitca[at]madmoizelle.com
On pourra ainsi relayer les mobilisations avec les contributions des lecteurs et lectrices !
– Mise à jour du 23 novembre 2018
Le rapport de la Cour des comptes qui avait fuité dans Le Monde (voir ci-dessous) a été officiellement publié ce 23 novembre.
La majeure partie des informations qu’il contient étaient déjà résumées dans l’article de Camille Stromboni.
La hausse des droits d’inscription pour les étudiants étrangers
Cependant, l’avis de la Cour des comptes concernant une augmentation des droits d’inscriptions visant uniquement les étudiants étrangers y est détaillé.
Cette politique a effectivement été annoncée par le Premier Ministre Edouard Philippe dans son plan, « Choose France », « Choisis la France ». Il est destiné à renforcer l’attractivité de l’enseignement supérieur français pour les étudiants étrangers.
Il contient des mesures visant l’amélioration des conditions d’accueil, la facilitation de l’obtention des visas ou encore la création d’un label gage de la qualité de l’enseignement. Mais surtout, il annonce l’augmentation des droits d’inscriptions pour une grande partie des étudiants étrangers non ressortissants de l’Espace Économique Européen ou de la Suisse.
« [Ceux et celles] qui s’inscrivent pour la première fois dans un cycle supérieur de formation en France seront amenés à acquitter des frais d’inscription différenciés, qui apporteront plus d’équité.
Ils s’établiront désormais à 2 770€ en licence et 3 770€ en Master et Doctorat, soit moins du tiers du coût réel de la formation. »
De nombreux motifs d’exonérations ainsi que des bourses sont prévus, permettant à un quart des personnes potentiellement concernées de ne pas devoir s’acquitter effectivement de ce paiement.
La Cour des comptes estime qu’une augmentation des droits pour les étudiants étrangers est risqué
Avant que cette politique ne soit annoncée, la Cour avait donc exploré diverses hypothèses d’augmentation des frais.
Elle en a conclu que le « taux d’éviction » (le nombre d’étudiant·es qui seraient venu·es mais ne viendront pas à cause de l’augmentation des frais) résultant de cette hausse risque d’être élevé.
« Jusqu’à 40% dans l’hypothèse d’une forte hausse des droits, notamment compte tenu de l’origine géographique des étudiants étrangers, en majorité issus du continent africain. »
Elle estime qu’il faut garder en tête que le montant apporté par ces frais d’inscriptions supplémentaires doit être mis en perspective. En effet, le fait que de nombreux étudiants étrangers viennent étudier en France contribue à l’économie française à hauteur de 1,7 milliard d’euros.
Si ces étudiants sont nettement moins nombreux, leur apport à l’économie française sera d’autant plus faible.
Finalement, l’objectif de cette mesure qui vise à augmenter le budget de l’enseignement supérieur, n’est pas sûr d’être atteint.
La Cour estime que l’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants extra-communautaires ne permettrait d’atteindre ce but que si la hausse atteignait le montant réel de la formation.
Or, la hausse annoncée ne couvre qu’un tiers du coût réel de la formation.
Et si elle atteignait la totalité de ce coût, alors le nombre d’étudiants étrangers diminuerait. On aurait donc des frais plus hauts, mais payés par moins de gens, et donc une situation financière qui n’évolue pas réellement.
Dans tous les cas de figure, cette mesure apparaît donc relativement inefficace à la Cour des Comptes.
Pourquoi le gouvernement mettrait-il en place une politique décrite comme inefficace par la Cour des Comptes ?
On peut analyser cette politique sur le plus long terme, comme le fait un article de Libération.
En effet, le gouvernement est entrain de mettre en place une politique jugée inefficace par la Cour des Comptes… seulement si cette hausse se limite uniquement aux étudiants étrangers non-européens.
Dans son rapport, comme expliqué dans l’article original ci-dessous, la Cour des Comptes préconise effectivement une hausse généralisée.
Pour l’heure, le gouvernement s’en défend. Mais comme l’expliquent les chercheurs auteurs de l’article de Libération, cela pourrait être le premier pas d’une hausse généralisée à long terme :
« Bien sûr, l’exécutif n’a pas annoncé les prochaines étapes d’une généralisation des frais d’inscription à l’ensemble des étudiants. Ce serait mettre l’ensemble de la jeunesse dans la rue.
La stratégie est autrement plus subtile : elle consiste en effet à réformer par étapes, en segmentant les populations pour leur ôter toutes capacités de mobilisation. »
De quoi voir la politique annoncée par le gouvernement d’un nouvel œil, et prêter attention à cette première hausse même si tu n’es pas directement concerné·e – pour le moment.
– Article publié le 21 novembre 2018
Alors que la semaine dernière, le gouvernement annonçait l’augmentation des droits d’inscription à l’université pour les étudiants internationaux dits extra-communautaires (comprendre hors Union Européenne), les inquiétudes de certains syndicats étudiants pourraient se confirmer.
Augmenter les frais d’inscription à l’université ?
Citée par Le Monde en réaction à cette première annonce, Orlane François la présidente de la FAGE (premier syndicat étudiant) déclarait :
« Cela remet en cause tout notre système collectif, avec une porte ouverte à une augmentation pour tous les étudiants, quand celle-ci n’aura pas suffi à combler le manque de moyens des universités. »
Et sa crainte pourrait se concrétiser, si le gouvernement décide de suivre les recommandations de la Cour des comptes.
Celle-ci a en effet planché sur un rapport intitulé « Les droits d’inscriptions dans l’enseignement supérieur public »… et le document préconise une hausse, selon Le Monde qui se l’est procuré.
Pour bien comprendre, cela ne signifie pas que les frais d’inscriptions à l’université vont forcément augmenter. Le rôle de la Cour des comptes est entre autres d’évaluer les comptes et politiques publiques, et de fournir des recommandations à la demande.
Ce rapport, commandé par le député La République en Marche Fabrice le Vigoureux, ne signifie donc pas que le gouvernement va forcément suivre cette voix, mais il peut orienter sa politique.
De quelle augmentation des frais d’inscription à l’université parle-t-on ?
Concrètement, la Cour des comptes évoque une hausse « modulée » selon le niveau d’études. Le coût d’inscription en licence n’évoluerait pas, mais celui des masters et doctorats, oui.
« Les droits d’inscription en master pourraient s’élever à 965 euros par an (contre 243 euros actuellement, soit une progression de + 297 %), d’après les simulations de la Cour visant 432 millions d’euros de recettes supplémentaires.
En doctorat, l’augmentation porterait les droits d’inscription à 781 euros (contre 380 euros, soit + 105 %). »
Cette hausse couvrirait un tiers du coût de ces formations.
La Cour estime cependant que cette politique devrait s’accompagner de contreparties : une amélioration des services d’accueil et d’accompagnement des étudiants notamment. Quand on connaît l’état de délabrement de certaines facultés et universités, on sait à quel point cela est nécessaire.
Il suffit de jeter de œil aux quelques articles qui traitaient des conditions d’études sur madmoiZelle : entre petitesse des locaux, températures glaciales, et équipements endommagés, il y a effectivement des progrès à faire.
D’autre part, elle évoque des accompagnements financiers, avec la possibilité de (re-)créer un échelon zéro permettant une exonération des frais d’inscription. Un tel échelon existait déjà auparavant, mais aujourd’hui l’échelle démarre au zéro bis, ouvrant droit à 1009€ de bourses sur dix mois.
Combien coûte l’inscription à l’université dans d’autres pays ?
Dans son rapport, la Cour a écarté la possibilité d’aller vers l’un ou l’autre des extrêmes : elle estime inapproprié de faire payer l’intégralité du coût de la formation aux étudiants et étudiantes, mais également irréaliste d’abolir toute participation financière des étudiants.
À l’étranger, divers extrêmes existent. Aux États-Unis, on peut plonger dans des statistiques qui cachent une grande diversité mais indiquent qu’en moyenne, les frais requis pour une année d’étude niveau undergraduate (équivalent licence) s’élevaient à 12 219$ en 2016/2017.
Ce qui n’est pas sans conséquence sur l’endettement des élèves.
À l’extrême inverse, plusieurs pays du nord de l’Europe offrent un enseignement tout à fait gratuit pour les étudiants européens : c’est le cas du Danemark ou de la Suède.
Et toi, que penses-tu de la suggestion de la Cour des comptes et de l’ouverture de ce débat en France ?
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