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"Capture d'écran du compte twitter du Collectif pour l'Enfance"
Féminisme

« J’ai une tête à consentir ? », la mobilisation qui fait débat parmi les féministes

En partageant des photos d’elles à 13 ans, de nombreuses personnalités se mobilisent pour faire relever dans la loi le seuil d’âge de consentement à une relation sexuelle. Un but louable, mais une méthode qui suscite des débats parmi les militantes féministes…

« J’ai 13 ans ! Est-ce que j’ai une tête de consentement ? » Cette phrase, ou une version approchante, de nombreuses personnalités et militantes l’ont partagée ce weekend du 23-24 janvier, accompagnée d’une photo d’elles à 13 ans.

Cette campagne de mobilisation, avec le hashtag #avant15anspasdeconsentement, fait suite à l’adoption d’une proposition de loi au Sénat, jeudi 21 janvier, visant à mieux protéger les enfants et ado contre les violences sexuelles.

Un mineur de moins de 13 ans ne peut pas consentir à une relation sexuelle

Actuellement, un ou une adolescente est considérée capable d’avoir un consentement éclairé à partir de 15 ans. En-dessous de cet âge, toute relation sexuelle avec un adulte sera considérée comme une atteinte sexuelle, mais pas forcément comme un viol, pour lequel il faudra prouver qu’il y a eu contrainte, violence, menace ou surprise.

Or l’atteinte sexuelle est un délit, et non un crime, et les peines encourues sont donc bien moins importantes.

C’est pourquoi la sénatrice centriste Annick Billon a proposé la création d’un nouveau crime sexuel pour protéger les mineurs de moins de 13 ans. Avec cette nouvelle proposition de loi adoptée à l’unanimité, « le comportement de l’enfant ne sera plus interrogé, on ne questionnera plus le consentement d’un mineur de moins de 13 ans », a-t-elle expliqué à Public Sénat.

Et un mineur de moins de 15 ans ?

Une avancée insuffisante pour plusieurs associations de protection de l’enfance, rassemblées au sein du Collectif pour l’enfance. Pour elles, ce seuil d’âge est trop bas et devrait être relevé à 15 ans (et 18 ans en cas d’inceste).

Un point de vue défendu par la sénatrice socialiste Laurence Rossignol qui a déposé un amendement en ce sens, rejeté en séance : « Si ce dispositif est une amélioration, il ne constitue pas une avancée suffisante en laissant en dehors de son champ d’application les enfants de 13 à 15 ans », lui a-t-on répondu.

Pour appuyer cette demande, des nombreuses personnalités et militantes féministes ont donc partagé des photos d’elles à 13 ans pour rappeler que les ados de cet âge sont trop jeunes pour consentir à une relation sexuelle, a fortiori avec un majeur.

Est-ce que j’ai la tête d’un consentement ?

Plusieurs féministes ont alors pointé du doigt les limites d’une telle démarche, comme Valérie Rey-Robert, autrice du livre

Une culture du viol à la française. Pour elle, et plusieurs autres militantes, en montrant des visages juvéniles et en les assortissant de légendes du style « Est-ce que j’ai une tête à consentir ? », on pourrait laisser penser que les enfants et ados qui font « plus que leur âge » ont elles et eux… une tête à consentir.

C’est d’ailleurs un argument régulièrement avancé par les défenseurs du réalisateur Roman Polanski qui partagent des photos de Samantha Geimer à l’époque du viol pour bien montrer qu’elle faisait beaucoup plus âgée que ses 13 ans.

https://twitter.com/valerieCG/status/1353433070167347200

En outre, notons que les premiers signes de la puberté arrivent de plus en plus tôt chez les filles. Or, ce n’est pas parce qu’on a des formes, ses règles ou un corps de femme adulte à 13, 11 ou 9 ans qu’ont est pour autant suffisamment mûre dans sa tête pour consentir à une relation sexuelle.

Enfin, il faut rappeler qu’à cause de certains stéréotypes racistes, les adolescentes racisées sont sexualisées plus tôt et plus fortement que leurs camarades blanches.

L’hypersexualisation des filles noires

C’est notamment ce qui s’est passé dans le cas d’une enfant de 11 ans, violée en Seine-et-Marne par un adulte de 22 ans qui a été acquitté en 2017, comme le rappelle le collectif afro-féministe MWASI, en citant les mots de la chercheuse Maboula Soumahoro.

« Il faut dire que cette petite fille, âgée de 11 ans au moment des faits, est d’origine congolaise, d’Afrique subsaharienne, noire, donc. Tout cela prend ici tout son sens. On ne peut pas comprendre le verdict des jurés de Seine-et-Marne française autrement.

Il faut insister sur le fait que l’homme innocenté est issu du Cap-Vert. Il est donc noir ou métissé. Que cette histoire est donc une histoire de Noirs. Une affaire jugée par des non-Noirs qui ont avalé l’argument éhonté de l’agresseur : « Pour sa défense, l’accusé a notamment évoqué la chaleur africaine (sic) ».

L’accusé savait ce qu’il laissait entendre en déclarant cela : les femmes, et même les petites filles, noires sont chaudes et aiment le sexe. Et les jurés ont été réceptifs. Cette phrase a fait écho. Écho à une histoire, une culture, un racisme structurel. »

Si la mobilisation des associations et des militantes pour relever le seuil d’âge du consentement afin de mieux protéger les enfants et ados est donc louable, il est bon de rappeler que le fait de ne pas avoir « une tête à consentir » n’est peut-être pas le bon argument à employer.


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