Je suis tombée enceinte fin juin. Après neuf mois passés à prendre soin de moi et à devenir de plus en plus énorme et incommodée par la gestion quotidienne de mon corps, j’ai perdu les eaux un mercredi soir à 11 heures, alors que je m’apprêtais à passer une bonne nuit de sommeil (je blague : les bonnes nuits de sommeil n’existent plus au neuvième mois de grossesse, et ce jusqu’à l’adolescence de l’enfant).
Le petit garçon qui patientait dans mon utérus nous a fait la faveur d’arriver 2 jours plus tard, le vendredi 13 mars (je te le confirme, mon accouchement a été LONG et oui, j’en ai bavé), soit deux semaines avant terme, quelques jours avant l’annonce officielle du confinement par le gouvernement.
Et je n’en reviens pas de la chance que nous avons eu : nous sommes désormais trois, confinés mais en bonne santé à la maison, et celui que j’aime a pu m’accompagner tout le long de mon accouchement.
Aujourd’hui, en cette période de pandémie, pouvoir prétendre à ces choses simples devient peu à peu le privilège des chanceux.
Une fin de grossesse entre légèreté et inquiétude
Comme tout le monde, par curiosité, j’ai suivi cette histoire d’épidémie en Chine, mais ça ne m’a pas empêché de continuer de claquer des bises, d’aller au resto et de faire mes courses.
Mais quand le virus s’est gentiment installé en France, j’ai commencé à m’inquiéter des conséquences sur mon accouchement : et si les établissements scolaires fermaient et que je devais terminer mon congé maternité avec mes belles filles adolescentes présentes H24 à la maison ?
Et si mon compagnon était contaminé par le coronavirus et qu’il ne pouvait pas être présent à l’accouchement ? Et si j’étais contaminée et que je ne pouvais pas m’occuper de ma progéniture ?
D’ores et déjà, des mesures étaient prises dans les maternités, et mes deux belles-filles ne pourraient probablement pas venir nous voir à la maternité (décision qui nous semblait un peu exagérée et que l’on comptait bien pouvoir contourner…), mais jamais je n’aurais cru que mes inquiétudes étaient autre chose qu’un délire de future maman pas du tout prête à faire passer un nouveau-né par son vagin.
Entre le jour J et ma sortie de la maternité, il s’est passé une semaine, qui correspond plus ou moins à la première semaine de confinement. La faute à une méchante jaunisse, qui en ce contexte si particulier a été une sorte de chance.
En effet, mon séjour prolongé à la maternité, suivi d’une semaine d’hôpital à distance, m’a permis de voir tous les jours un professionnel de santé à qui poser mes innombrables questions, ce qui avait autant (et même plus) de valeur qu’un caddie débordant de courses livré à domicile.
L’hôpital public à l’heure de la lutte contre le Covid-19
Entre deux tétées, tout en lisant les dernières nouvelles sur mon fil d’actualité, j’ai assisté en direct à l’adaptation de l’hôpital public face à la menace du virus.
De jour en jour, les gestes barrières se sont systématisés et je ne pouvais plus accéder à la salle où mon petit bonhomme faisait ses séances de photothérapie sans porter de masque.
Le personnel de la maternité n’a pas vocation à être en première ligne dans le combat face à l’épidémie, pourtant il a été mobilisé en même temps que les autres soignants de l’hôpital.
De ma fenêtre, j’assistais aux allées et venues des véhicules du SAMU, en me demandant à chaque fois si le virus n’allait pas finir par remonter jusque dans ma chambre d’hôpital.
Pendant ce temps-là, mon amoureux me faisait des récits hallucinants du hall d’hôpital désert et des couloirs vides, de la cafétéria fermée, du filtrage à l’entrée des urgences où seuls les médecins avaient droit à leur billet coupe-file et où les tensions entre docteurs et « petit personnel » étaient exacerbées.
Plus hallucinant encore, les soignants me parlaient de vol de masques et de gel hydroalcoolique dans l’enceinte même de la maternité.
La place du père pendant l’épidémie : d’individu toléré à indésirable
Le plus marquant pour mon compagnon et moi a été l’évolution de la place du père, qui de par ses contacts avec l’extérieur, est devenu de plus en plus indésirable.
Si les allers-retours étaient possibles les premiers jours pour le père de mon enfant, ils sont devenus de plus en plus contrôlés et soumis au port du masque dès l’entrée de l’hôpital, quand les stocks le permettaient encore.
Puis ces déplacements on été limités à un aller-retour par jour avec interdiction de commander des plateaux repas pour manger avec moi, et finalement interdiction de rester la nuit.
Dites ça à une jeune maman qui voit son fils subir des séances de photothérapie à répétition, cela revient à lui annoncer la fin du monde.
Malgré cela je sais que j’ai eu de la chance, car les règles se durcissent de jour en jour, et dans certaines maternités il n’est déjà plus possible aux pères d’être présents pendant le travail et même en salle d’accouchement.
Puis il y a eu le retour à la maison, et c’est ce qui a été pour moi le plus difficile. Cette saleté de coronavirus allait priver ma famille du bonheur de voir mon fils pendant ses premiers jours de vie, et m’ôter la joie de présenter mon tout petit à ses grands-parents et même à ses deux grandes sœurs !
Un retour à la maison en demi-teinte à cause du confinement
Les attestations de sortie prévoient les échanges d’enfants dans le cadre des familles recomposées, mais comme nous avons eu beaucoup de contacts avec l’extérieur, nous avons préféré durcir nos propres règles de confinement.
Pour protéger les filles et leur maman, nous nous sommes donc imposés quinze jours supplémentaires de confinement uniquement à trois, à compter du dernier jour de passage de la sage-femme.
Les premiers jours à la maternité, j’en ai pleuré de ne pas avoir les enfants auprès de moi pour cet événement aussi important pour notre famille, et j’ai eu le cœur déchiré de voir la tristesse de mes belles-filles.
La rencontre officielle de cette fratrie recomposée, j’en ai rêvé avant même d’être enceinte, et avant même que l’on décide de faire un enfant. Cette famille recomposée, c’est la plus belle chose qui m’a été donnée de vivre, et je vois mon petit garçon comme la partie visible et vivante de notre lien.
Aujourd’hui, j’ai l’impression que chaque jour passé est un jour de perdu où les liens ne se créent pas, où l’amour ne s’exprime pas. Alors bien sûr il y a le téléphone, les appels vidéo, les photos, mais tout ça me laisse un sentiment de « trop peu » très désagréable.
Un confinement à trois au goût amer
Et en même temps, mon amoureux et moi sommes aussi soulagés de ne pas avoir les filles à notre charge en plein confinement, avec un bébé à gérer.
Lui continue de télé-travailler, et pour ma part je me bats avec mes seins gauche et droit, les couches sales, la fatigue et les pleurs plus ou moins compréhensibles, heureusement avec beaucoup d’aide du papa.
Nous imaginions mal ajouter à cela deux jeunes ados à occuper, à aider pour l’école à distance, à canaliser en cas de disputes (forcément nombreuses quand on vit les uns sur les autres).
Le mauvais père et la mauvaise belle-mère que nous sommes savons que nous avons fait le meilleur choix, mais au prix de nos cœurs gros.
La vie après le coronavirus : un peu de stress, beaucoup d’espoir
Je suis née à l’époque de la chute du mur de Berlin. J’ai toujours trouvé ça romantique comme date de naissance, ça évoque l’espoir, un monde nouveau, meilleur…
Aujourd’hui, j’ai mal au cœur de savoir que l’événement historique que l’on accolera à la naissance de mon fils sera cette épidémie anxiogène, ce confinement qui n’en finit pas. Et puis j’ai tellement d’inquiétudes pour son avenir !
Mon fils, si tu lis ces mots dans quelques années, sache que ton papa et moi, malgré quelques coups de mou, nous voulons être du côté des optimistes. Dans la panique ambiante, ton petit bout de vie, c’est justement ça, la preuve, le témoin et l’acteur de notre espoir en un monde nouveau et meilleur.
Mon fils, nous et toi, on se battra avec nos petits moyens pour ton si beau futur, et ça commence maintenant, en te donnant tout notre amour.
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