« Un décret publié au Journal officiel le 17 décembre 2023 élargit les compétences des sages-femmes. Elles peuvent désormais réaliser l’interruption volontaire de grossesse (IVG) instrumentale en établissement de santé sans intervention d’un médecin. »
Si l’on s’en tient à l’information disponible sur le site officiel de l’administration française, l’élargissement de la pratique de l’interruption volontaire de grossesse instrumentale aux sages-femmes ressemble à une bonne nouvelle. Réclamée de longue date par la profession, la pratique de l’IVG instrumentale permettrait aux femmes de bénéficier d’un avortement sûr, en bloc opératoire, jusqu’à 16 semaines d’aménorrhée. Soit 14 semaines de grossesse, ce qui réduirait fortement les difficultés d’accès.
Mais pour des associations féministes et de soignants, cette avancée n’en est en réalité pas une. En cause : les modalités d’application de ce décret, qui rendent quasiment impossible sa mise en œuvre.
Des « conditions extrêmement restrictives »
Dans un communiqué publié mercredi 20 décembre, l’Ordre des sages-femmes regrette que le décret paru au Journal officiel soit « en deçà des attentes de notre profession et des défenseurs des droits des femmes ».
En cause : le premier article du décret d’application, qui prévoit « sur site et dans les délais compatibles avec les impératifs de sécurité des soins » la présence de quatre médecins susceptibles d’intervenir, en cas de complication. À savoir un gynécologue-obstétricien et un anesthésiste-réanimateur, ainsi qu’un médecin capable d’intervenir en cas d’« embolisation artérielle », une hémorragie utérine grave.
« Malheureusement, ce texte va considérablement limiter la participation des sages-femmes à l’IVG instrumentale puisqu’il impose la présence de 3 médecins sur site mais également d’un médecin en capacité de réaliser des embolisations artérielles, sur site ou par convention avec un autre établissement de santé.
Or, ces conditions ne sont pas requises lorsque ce sont les médecins qui réalisent des IVG instrumentales ou lors des accouchements, dont le risque hémorragique est pourtant bien supérieur. »
Ordre des sages-femmes
Selon l’Ordre, ce premier article du décret est non seulement « une remis en question tacite des compétences des sages-femmes à réaliser ce geste », mais va aussi de facto limiter « le nombre d’établissements où les sages-femmes pourront exercer cette compétence, vidant ainsi cette mesure de son sens ».
Une maltraitance supplémentaire pour le métier de sage-femme
L’Ordre des sages-femmes n’est pas le seul à partager cet avis. Interrogé par Le Monde, Philippe Deruelle, secrétaire général du Collège national des gynécologues et obstétriciens, estime qu’« élargir les compétences des sages-femmes pour exiger, ensuite, une supervision de la sorte n’a aucun fondement médical et scientifique. Et l’imposer qui plus est en ciblant les territoires qui manquent de médecins, c’est prendre le risque de mettre en difficulté les centres d’orthogénie ».
« Mettre autant de conditions, c’est maltraiter le métier de sage-femme. Comme si elles devaient prouver une compétence complémentaire », a de son côté déclaré Sarah Durocher, la présidente du Planning familial, également citée par Le Monde.
Interrogé à ce sujet, le ministère de la Santé a défendu le décret, arguant un « « impératif de sécurité essentiel en cas d’incident nécessitant une intervention chirurgicale rapide ».
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