J’ai beau avoir un esprit pratique et visionnaire qui me fait envisager, à défaut de les concrétiser, un certain nombre d’inventions pour se simplifier la vie, j’ai aussi quelques soucis avec quelques objets modernes existant vraiment. Ce n’est pas pour faire ma vieille peau, parce que bon, je travaille quand même sur internet, t’as vu… Mais il y en a qui me stressent plus qu’ils ne m’allègent mon quotidien.
D’accord, je suis peut-être d’un tempérament assez anxieux : je me pose beaucoup trop de questions sur tout et surtout n’importe quoi, je fais un bond plus haut que mon chat quand quelqu’un éternue, et le fait que je vienne d’un pays où on est fiers et susceptibles ne m’aide pas à accepter facilement les petites humiliations du quotidien. Mais cela ne rend pas moins légitimes mon scepticisme sincère et ma candide méfiance vis-à-vis de ce que l’on qualifie parfois aujourd’hui de « pratique » et « moderne ».
Et puis, ne riez pas trop vite : entre les inventions dont on ne voit pas franchement l’intérêt ni l’utilité, celles qui sont bien pratiques mais pas évidentes à gérer au quotidien, et celles qui n’inspirent pas confiance, je suis sûre que nous devrions nous retrouver sur un certain nombre de réclamations…
Celles qui tentent de communiquer
Tiens, ben voilà, commençons par le comble de l’absurdité : les objets qui parlent. Alors qu’on ne leur a rien demandé, je précise — en même temps, si on veut leur demander un truc, pourquoi est-ce qu’on ne pourrait pas se contenter d’appuyer sur quelques boutons ? Quel est donc ce besoin récurrent de donner une voix aux objets ? J’irai même plus loin, en interrogeant cette manie de donner forme humanoïde aux robots, mais la paranoïaque que je suis y reviendra peut-être plus en détails un autre jour.
Dans l’immédiat, le fléau de l’humanité qui, à mon sens, fait déjà sonner les trompettes de l’Armaggedon, ce sont les Ascenseurs Qui Parlent. Ou, comme j’aime bien les appeler quand on est entre nous, les FTL (Fucking Talking Lifts).
Un ascenseur normal. Un ascenseur où il ne se passe rien.
L’usage de la langue de Shakespeare et de ses congénères n’a rien à voir avec un quelconque besoin de mettre mes compétences linguistiques en avant (et je suis choquée que vous puissiez le suggérer) : il se trouve que le traumatisme des ascenseurs parlants remonte à mon année Erasmus passée à Sheffield, une charmante ville du South Yorkshire qui se targuait de modernité au nom de ses nombreux étudiants venus du monde entier, et dans laquelle j’ai fait mes premières rencontres en matière de FTL.
De la même manière que, pour faire croire que vous avez un talent culinaire quelconque, vous rajoutez du parmiggiano de chez Franprix sur vos coquillettes, à Sheffield, pour faire croire que c’est une ville moderne, ils ont fait parler les ascenseurs. Quelle idée. Qu’est-ce que ça peut bien raconter d’intéressant, un ascenseur ?
– Les portes se ferment. – … – Les portes s’ouvrent. – …
Encore que les Frankenstein de cette Créature ont dû réaliser la légère monotonie de leur conversation car, à défaut de se rendre compte que celle-ci ne servait à rien à part m’hérisser les poils, ils ont doté certains FTL d’une personnalité-type. Il y en a pour tous les goûts, toutes les langues et tous les pays, mais celui qui hante encore mes nuits aujourd’hui en France, c’est bien le Gai Luron Briton, et ses « LET’S GO! » qui me faisaient louper un battement ou deux dès que les portes se refermaient.
Je vous passe la Connasse Psychopathe que je jurerais avoir entendu soupirer d’exaspération à mon arrivée, l’Éternel Fatigué qui bâille en nous apprenant que les « poooortes se feeerment », le Dépressif qui menace de se laisser tomber du 8ème étage à tout moment et avec vous dedans…
Alternative : les Caisses Qui Parlent, cette engeance du libre-service. Les + : prennent la voix de François Pérusse quand elles buguent. Les – : répètent la même consigne toutes les secondes tant que tu ne l’as pas suivie. Vraiment.
NB : Oui, je sais que c’est très pratique pour les malvoyant-e-s. C’est juste que… ça me stresse. Beaucoup.
Celles qui font du bruit
Probablement la catégorie la plus vaste, puisque personne n’a encore pensé à inventer une machine à silence. Le problème, c’est qu’elle inclut surtout des objets qui nous sont très utiles au quotidien, et qu’il est ainsi difficile de renier. Prenons par exemple l’aspirateur : cent fois plus pratique que le balai pour rendre nos douces chaumières propres et vivables, et pourtant… Tellement mauvais pour les petits nerfs fragiles.
Je veux dire, il y a des aspirateurs moins bruyants que d’autres, mais le plus souvent le monde s’effondre dès qu’on en allume un. Car, lorsque tout est calme, paisible, qu’on entend les oiseaux chanter un beau dimanche matin, quoi de plus naturel que de se dire « tiens, si je sortais avoir une vie si je passais l’aspirateur avant que les acariens ne viennent me manger dans mon sommeil » ?
Et paf, on allume la bête, qui se met à rugir, les petits oiseaux s’envolent, on se retrouve accroché-e au lustre, et tous les voisins sont en robe de chambre devant la porte.
« Qui a allumé l’aspirateur ? »
Comment ça, je suis trop nerveuse ? Vous n’avez donc jamais eu envie d’étrangler avec le câble de la machine quelqu’un qui passe l’aspirateur autour de vous, alors que cette personne faisait pourtant le ménage
à votre place ? N’avez-vous donc jamais pris deux minutes, après avoir éteint le monstre, pour savourer le silence qui reprenait son règne ? Et que dire de ces aspirateurs qui n’aspirent plus mais continuent à se prendre pour la Bête du Gévaudan ?
En revanche, je veux bien concéder ma légère tendance à sursauter pour rien dans le cas d’une autre invention bien utile, mais bien casse-ovaires : la fonction vibreur du téléphone portable. « Quoi mais qu’est-ce qu’elle a encore, elle vient râler contre les truc qui font du bruit, et maintenant elle s’en prend à une invention qui est censée combattre le bruit ? Mais qu’allons-nous faire d’elle ? » ; laissez-moi, lectorat, mon aversion pour le vibreur ne s’explique pas.
Ou en fait, si : comment est-ce qu’une fonctionnalité censée faire moins de bruit que la sonnerie stridente du téléphone peut parfois donner le sentiment que l’immeuble va s’écrouler et qu’on va tou-te-s mourir sous les débris ? Quel est ce « VRRRRRRR » assourdissant qui secoue toute la table, d’où vient-il et que nous veut-il ? A-t-il encore un sens à partir du moment où il fait plus de bruit que la sonnerie qu’il est censé remplacer ?
Je pose la question.
Alternative : le Mixeur De l’Enfer. Les – : combine le tremblement de terre dans ta cuisine à la peur de ne pas avoir bien fixé le couvercle. Les + : Bah… c’est bon, les smoothies.
Celles auxquelles je ne fais juste pas confiance
Tant qu’elle se tait, on a tendance à s’appuyer entièrement sur la technologie, au point de se retrouver démuni-e-s sans elle. Prenons par exemple Internet, dont nous nous retrouvons privé-e-s à la rédac au moment où je tape ces quelques lignes : si ça dure un peu trop longtemps, nous sommes un peu toutes et tous au chômage technique, voyez.
Et encore, ça va : mon ordinateur est encore plein de vie et d’ardeur (reste avec moi, bébé), il me permet de vous rester dévouée, mais s’il venait à me lâcher, j’irais pleurer toutes les larmes de mon petit corps sur sa tombe avant d’écrire pour vous dans un petit carnet avec un stylo. Non mais un STYLO, quoi. Allô. En 2014.
Mais, parfois, la confiance fait défaut, et on a au contraire tendance à regarder avec suspicion l’engin moderne que la société se propose d’intégrer à nos vies. Il y a bien des gens qui ont du mal avec les ordinateurs. Moi, j’ai du mal avec… les portes automatisées. Rentrent dans cette catégorie : les tourniquets qui avancent tout seuls. Genre on n’est pas capables de continuer à les pousser par nous-mêmes, voyez.
Ah ben si, c’est un peu ça, quand même.
Les portes automatisées, je dis pas, ça peut être pratique, quand on est chargé-e-s par exemple. Mais si on leur fait trop confiance, le jour où ça bugue, et ça va buguer, eh ben ça peut faire mal. Vous voyez peut-être les grosses portes en métal dans les souterrains parisiens, qui s’ouvrent et se referment à votre approche avec une brusquerie qui n’est pas sans susciter la crainte chez l’usager ? Ces portes qui pourraient nous envoyer le nez dans la glotte vite fait bien fait, pour peu que le détecteur de mouvement déconne…
Leur faites-vous confiance pour ne pas se refermer sur votre joli minois avec (pertes et) fracas, lorsque vous arrivez alors qu’elles sont toujours ouvertes pour le passager précédent ?
Vraiment ?
Un bug et c’est la chirurgie esthétique, hein. Moi je dis ça…
Alternative : Le Métro Sans Conducteur (dont j’ignorais encore tendrement l’existence avant que ma collègue que je ne nommerai pas m’apprenne que j’en prenais un tous les jours) Les + : c’est bien quand on baigne dans l’ignorance. Les – : vous vous attendez vraiment à ce que je me fasse conduire dans un tunnel sombre des kilomètres sous la terre… par un ROBOT ?
Et toi, quels sont ces miracles modernes qui te stressent, qui t’inquiètent et qui t’ont fait jeter ton DVD de I, Robot tellement ça te semblait réaliste ?
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
à chaque fois j'ai l'impression qu'elles font exprès de hurler pour être bien sûr que tout le monde soit au courant de ce que je fait; par exemple si une caisse me dit de poser mes articles et que je ne le fais pas dans la seconde, j'ai un peu l'impression qu'il se passe ça:
"EH REGARDEZ TOUT LE MONDE, ELLE NE FAIT MEME PAS CE QUE JE LUI DIS, ELLE EN FAIT QU'A SA TETE, ELLE FAIT CA JUSTE POUR VOUS EMBETER VOUS QUI FAITE LA QUEUE DERRIERE.... ENFIN MOI JE DIS CA....."
(carrément :chat
Et en plus de nous harceler, elles le font avec une voix.... Aaaaah; c'est quoi cette voix, sérieux ?!
Mais bon au niveau de la voix, je la place quand même derrière la meuf de la base virale, elle cherche les ennuis celle-là....
Et c'est vrai que le vibreur du téléphone, il est horrible, ça fait encore plus de bruit qu'une sonnerie.
Et surtout, faut toujours faire gaffe d'où il se trouve, parce que non content de faire trembler ta maison, ce con se déplace, il... se... dé-pla-ce... normal quoi...