Ah, les sudistes qui ont quitté leurs arides contrées, sont-ils donc impossibles ! Et qu’il fait trop froid pour garder la fenêtre ouverte, et que oui non mais 25° moi je garde la petite laine, bouhouhou je n’ai pas vu un rayon de soleil depuis 5 minutes… In-sup-por-tables. Je vais t’en coller des courants d’air, moi !
Et alors, voilà, vous en avez récupéré un-e, vous ne savez guère comment — avec Internet, de nos jours, on se fait vraiment des amis partout dans le monde, même dans le Sud, et comme ça commence à faire trois bonnes heures qu’il/elle chante Nino Ferrer le nez collé à la fenêtre (mais pas trop quand même parce qu’elle est froide)… Déjà, vous vous demandez ce qu’ils fument, dans le Sud (de l’huile d’olive, sans doute, ou de l’origan). Mais vous vous dites aussi que rien ne vous a jamais préparé-e à ce genre de situation.
Tout va bien, car je suis là pour ça ! Reprenons ensemble les quelques caractéristiques inquiétantes du sudiste qui hurle au fond des bois sous un ciel d’acier, et vous devriez ensuite vous retrouver moins démuni-e-s face à ce genre de situation. Mais ne commencez pas à vous la jouer pragmatiques, en demandant « ouiii, d’accord, le Sud, mais le Sud par rapport à où, parce que le Sud, selon où on se place, c’est pas la même chooose… ». Le Sud, c’est un concept.
Et je ne dis pas ça parce que je suis une sudiste échouée à Paris. (« Et toujours en étééééé… »)
Le sudiste sans soleil part en dépression
Les sudistes, c’est un peu des junkies : s’ils n’ont pas leur dose journalière de soleil, ils se laissent décrépir à l’ombre. La vie, soudain, perd de son sens et gagne en humidité, et tout autour manque de lumière et de couleur. Vous pouvez essayer de leur faire remarquer une éclaircie, mais pour le/la sudiste, la notion de « soleil » est inhérente à celle de « chaleur », et tout ce que vous gagnerez sera de vous faire dire que ce n’est pas du soleil, mais de la lumière. Faiblarde, en plus.
Sortir dans « le froid et l’adversité », pour « braver les éléments déchaînés » (comprendre : il bruine) va constituer pour votre sudiste le comble de l’absurdité. Alors même s’il ou elle n’est venu-e que quelques jours pour visiter, inutile d’essayer de le/la convaincre de mettre son petit nez fragile dehors. Tout sudiste sera heureux même s’il passe son week-end touristique cloîtré à l’intérieur dans le meilleur des cas, et noyé sous trois tonnes de couvertures dans le pire.
« Laisse-moi, le froid m’emporte, je me sens partir »
Que trouvera-t-il à raconter de son voyage à son retour ? Bah, qu’il fait un temps pas possible dans le Nord et qu’on est bien là où on est ! Ne vous inquiétez pas, le sudiste qui se retrouve dans son élément est plein de ressources et de mauvaise foi. Un peu comme un poisson d’eau douce qui dit enfin adieu à l’eau salée et en fait des petites crottes partout d’aise.
Mais vous vous agitez, et je comprends pourquoi : non content de se mettre en hibernation dans un coin, votre sudiste alterne entre le mode « mollusque neurasthénique » et « drama queen qui a mangé trop de sucre » ? C’est normal, il/elle a besoin de faire connaître sa souffrance au monde, et surtout de l’exagérer d’une manière qui pourrait vous toucher imperceptiblement, au point de vous dire en regardant par la fenêtre que, effectivement, ça fait un moment qu’il pleut — c’était combien de jours, le déluge, déjà ?
Ne vous laissez pas gagner par l’hystérie du sudiste, qui a déclaré faire la guerre aux courants d’air et la grève de l’hiver. S’il passe de…
« le monde est terne et il pleure dans mon coeur comme mes yeux sont gris qui envahissent la ville d’une langueur monotone… ah… grisaille ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cacher cette pluie que je ne saurais voir ? Être… ou ne pas avoir froid ? Telle est la question. »
…à…
« mais tu ne coMPRENDS PAS, il fAIT FROID, commENT TU FAIS pour vivrE DANS CE PAYS on est en MARS PUTAIN aaaaAAHH » (tourne en rond les bras en l’air)
…ne le/la frappez pas ni ne le/la gavez de Lexomil. Allez vivre votre vie, et laissez-le/la décider que la vie, prrrt, les gens, prrrt, l’activité, prrrt, et la marche, prout (carrément). Au bout du 15ème visionnage de la même série déjà vue 54 fois depuis la même couette, il finira par vous rejoindre. Les sudistes sont vos ami-e-s, il faut les aimer aussi.
Le sudiste sans soleil a un comportement bizarre
Notez bien tout de suite qu’une fois dehors, votre sudiste n’a pas fini de vous laisser perplexe. Oui, il vient bien de passer 3 heures à faire une scène avant de poser un orteil dehors parce qu’il avait peur de se le congeler. Et oui, il est bien en train de se promener en petit t-shirt à manches courtes.
Beh oui. Votre sudiste, il a décidé qu’on était en mars, et qu’en mars, il fait CHAUD. Même si ce n’est pas le cas. Comprenez bien qu’il reste assez inconcevable pour l’individu sudiste de continuer à mettre des manches longues une fois passé le terrible mois de février (celui où il peut faire jusqu’à moins de 20°). Je sais, ça n’a aucun sens, surtout après avoir passé son temps à pleurer que le froid le pénétrait jusqu’aux os comme une morsure de glace.
Mais évidemment, qu’il/elle va choper la crève ! Sauf que là tout de suite, il/elle crève de froid, certes, mais en appelant le printemps : « printeeeemps, priiiiinteeemps, prrriinnteeeeeeeeemps je crie ton nom ». Le point positif, c’est qu’il/elle augmente ainsi les chances d’être aphone le lendemain (et m’a l’air bien parti pour maîtriser l’art d’être un-e malade chiant-e, mais bon).
Ah. Il a arrêté de bouger. Ne vous inquiétez pas, je sais que ça a l’air impressionnant comme ça, qu’il soit soudain complètement paralysé et reste bloqué dans la même position sans que vous puissiez affirmer qu’il respire ou pas, mais vraiment, ce n’est rien : il a juste senti un rayon de soleil sur ses fesses et la douce et éphémère sensation de chaleur l’a fait bugger. Ça arrive aux meilleurs d’entre nous.
Il n’y a rien à faire dans ce cas non plus, si ce n’est prendre son mal en patience et attendre qu’il se remette de ses émotions (et de son angine). En revanche, une fois votre sudiste exposé-e aux réalités climatiques, NE LE PROVOQUEZ PAS. S’il trouve qu’il fait froid, il fait froid, voilà, c’est tout, et on ne relève pas pour le débardeur. S’il demande comment vous faites pour ne pas finir en dépression dans un pays pareil, répondez-lui que c’est très dur. S’il chante qu’il « cherche le soleil au milieu de la nuit », laissez-le faire peur aux gens dans la rue.
Vous bannirez également toute remarque à base de « qu’est-ce qu’il fait beau/bon/chaud aujourd’hui ! », même s’il fait 20° à Paris en mars et que c’est ouf, si vous ne voulez pas vous prendre dix minutes d’invectives insurgées en guise de réponse.
ASTUCE : si vous avez la possibilité de récupérer d’autres sudistes de régions différentes, mettez-les ensemble et lancez innocemment « ah, voici Chose, elle vient du Sud aussi, elle est de Marseille/Toulouse/n’importe quelle ville de là-bas ». En poussant un peu la discussion, vous avez toutes vos chances pour que ça dégénère en concours de « qui est plus du Sud ».
« Non mais Marseille c’est le Nord », « n’importe quoi, c’est plus au sud que Leucates », « vous êtes ouf, le Sud c’est Toulouse », « arrête il fait froid à Toulouse ! »… Et voilà, vous pouvez aller faire un tour, vous les avez perdu-e-s.
De rien.
Le sudiste sans soleil bave
Non, là je déconne. Enfin. Je crois. Poussez pas le bouchon trop loin avec le ventilo, quand même.
La blague « hé, il fait chaud, si on allumait la clim » ne prend pas SUPER bien avec un sudiste.
Peut-on sauver le sudiste ?
Déjà, il faut bien que vous ayez conscience que pour le sudiste, c’est vous qui avez besoin d’être sauvé-e. De retour dans son pays, là où il est normal de ne pas sortir quand il pleut et qu’il ne fait pas assez « chaud », il ou elle racontera partout combien vos conditions de vie sont exécrables et que ce n’est pas possible, ces pauvres gens, tu m’étonnes qu’ils boivent autant (et même pas du pastis en plus). Le mieux est de le laisser dire et faire, en vous disant que ce n’est qu’un moment chiant à passer.
Non, si votre ami-e est un-e sudiste en vacances, honnêtement vous ne vivez pas le plus dur. Le vrai problème, c’est le sudiste qui vient de déménager. Là, « on dirait le suuhuhuuud, c’était pourtant biiieeenheeeiin », croyez-moi, vous allez l’entendre sur tous les sanglots.
Dans ce cas, en effet, il va falloir faire quelque chose. Mais ne vous faites pas d’illusions : vous ne sauverez pas le sudiste. Ou bien il s’adaptera, avec quelques rechutes à base de « CHEZ MOI IL FAIT 28° BORDEL », ou il s’accrochera le temps de craquer et repartir lécher les pieds de vigne. En attendant, si vous voulez adoucir un peu le quotidien de votre ami-e (ainsi que le vôtre), il existe bien quelques parades, plus ou moins recommandables.
Non, ceci n’est pas une solution.
Apportez de la couleur à son quotidien. Subtilement, sans en avoir l’air, si vous voulez que vos visites chez votre sudiste pour prendre le thé ne finisse pas en sempiternelle complainte du pauvre prisonnier, envahissez son appartement en vous habillant très coloré, en parlant fort, et en lui ramenant des photos bariolées.
Ça, c’est pour si vous l’aimez vraiment, votre sudiste. Assez pour lui offrir des rideaux fluo qui donneront l’impression que même la grisaille est délurée. J’en ai les larmes aux yeux tellement c’est beau.
Imitez le bruit des vagues (mais pas des mouettes). Non, je… ça me semblait une bonne idée, mais en fait c’est flippant. Arrêtez. Et puis c’est un coup à faire une gaffe, si le vôtre est un toulousain qui ne connaît pas la mer…
Faites-lui renifler du monoï/de la crème solaire. Ça lui rappellera les touristes qui viennent squatter son pays, ceux contre lesquels tout sudiste a été élevé à pester, et qui, là, lui manquent tellement. Attention cependant à ce qu’il ne sniffe pas le tout de trop près, car comme disait l’autre, ça fait tousser.
Offrez-lui une lampe UV. Si vraiment vous n’en pouvez plus de l’entendre. Évidemment, ça manque cruellement de petits oiseaux qui chantent et de naturel, tout en n’étant peut-être pas si bon pour la peau, mais drogué-e pour drogué-e, il est encore possible que son moral se laisse berner quelques minutes par les rayons artificiels.
Soyez d’accord avec lui/elle de temps en temps. Vous pouvez bien lui concéder, à l’occasion, qu’il fait bien frais pour un mois de juin/mai/novembre/n’importe. Votre sudiste se sentira ainsi un peu moins seul-e l’espace d’un instant, et râler de concert, quoi qu’en en dise, rapproche les gens et intensifie leurs liens.
Regardez comme on peut être heureux tous ensemble !
Enfin, et surtout, mangez du chocolat et autres comfort foods ensemble – et vous briserez toutes les frontières. Où le coeur aime, là est le soleil. (Voilà, je pleure.)
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
La dépression le touche, il commence à délirer. Pour lui les inondations et le manque de soleil sont un signe de notre fin imminente à tous... ray:
Il faut leur donner de la nourriture de leurs pays, les recouvrir de couvertures ou... ça aide!