Mise à jour du 19 octobre 2016 — L’amendement portant sur la peine d’inéligibilité automatique en cas de violence ou d’agression sexuelle a été rejeté en fin de semaine dernière par le Sénat. Il aurait rendu l’inéligibilité automatique, en permettant tout de même au juge de ne pas l’appliquer en motivant sa décision.
Le principal argument avancé contre cet amendement est le fait qu’il puisse être considéré comme anticonstitutionnel, puisque cela restreindrait la liberté du juge en termes d’appréciation de la peine. S’il avait été adopté, le juge aurait en effet dû motiver le fait de ne pas appliquer cette peine — on aurait été dans un cas que l’on peut assimiler à une peine plancher.
En l’absence de son adoption, il demeure cependant possible pour le juge de prononcer l’inéligibilité, en tant que peine complémentaire (même si ce cas, dans les faits, est très rare).
Article originale du 4 octobre 2016 — Aujourd’hui à 14h30, le Sénat va examiner trois amendements demandant que les élu•es condamné•es pour violences, notamment sexuelles, deviennent obligatoirement inéligibles. En clair, cela signifierait qu’ils/elles ne pourraient plus se présenter aux élections dès lors qu’ils ou elles ont été reconnu•es coupables de faits de violence devant la justice.
Il faut savoir que le 1er juillet dernier, ces mêmes amendements avaient été rejetés par l’Assemblée Nationale. C’est donc ici probablement la dernière occasion de les réintégrer au texte de loi.
L’appel du collectif Georgette Sand aux sénateurs et sénatrices
À cette occasion, le collectif Georgette Sand a lancé hier un appel aux sénateurs et sénatrices qui souhaiteraient voter contre.
« Alors que la justice peine et traîne à les condamner, leur impunité politique elle, reste inébranlable. Il doit exister une sanction politique associée à la sanction pénale.
Un premier pas a été franchi cette année, lorsque l’Assemblée Nationale puis le Sénat ont voté leur inéligibilité en cas de condamnation pour corruption, dans le cadre du projet de loi Sapin 2.
Les violences physiques, les agressions verbales et sexuelles, le harcèlement constituent des délits au même titre que la corruption ou la fraude fiscale qui doivent rendre obligatoirement inéligibles les élus.
Mesdames et messieurs les sénatrices et sénateurs, demain en votant pour cet amendement lors du projet de loi citoyenneté et égalité, vous rendriez un peu d’exemplarité à cette démocratie qui nous représente et qui en manque terriblement. »
Un vote plus complexe qu’il n’y paraît
En juillet dernier,
Slate parlait déjà du tollé provoqué sur Internet par ce vote de l’Assemblée Nationale contre ces amendements. Le site expliquait alors que la raison était plus complexe que ce qu’il n’y paraît.
L’inéligibilité est déjà possible. L’idée ici est de rendre cette condamnation obligatoire. C’est pour cela que de nombreux députés ont préféré voter contre. La rapporteure de la commission des lois, Marie-Anne Chapdelaine (PS), expliquait :
« Tout au long de cette législature, on n’a cessé de me répéter en commission des lois qu’il ne pouvait être question d’instaurer des peines automatiques : il faut donner des outils au juge et le mettre en situation de les utiliser à bon escient, mais sans jamais lui forcer la main. […]
Nul doute que l’intention derrière cet amendement est bonne, mais comme on dit souvent, l’enfer est pavé de bonnes intentions. On ne juge bien un cas d’espèce qu’en appréciant toutes ses circonstances. »
De plus, comme expliqué dans l’appel du collectif Georgette Sand, un tel amendement a déjà été voté en cas de condamnation pour corruption dans le cadre de la loi Sapin 2. La preuve que cela est possible.
Rendez-vous en fin de journée pour connaître les résultats du vote au Sénat.
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