Il y a vingt ans, l’homosexualité n’était plus reconnue comme un crime en Russie ; six ans plus tard, cette orientation sexuelle n’était plus considérée comme une maladie mentale. Pourtant, depuis quelques mois, les droits des homosexuel-le-s en Russie sont en net recul.
Des lois anti-« propagande homosexuelle »
Point culminant de ce revirement : fin juin dernier, des lois ont été promulguées par Vladimir Poutine, l’actuel président. Parmi elles, la plus commentée condamne la « propagande pour les relations sexuelles non traditionnelles devant mineurs ». Des lois excessivement discriminatoires qui stigmatisent les personnes dont l’orientation sexuelle ne se dirige pas vers le sexe opposé.
L’intitulé de la loi est des plus flous : comment définir ce qu’ils appellent la « propagande homosexuelle » ? Est-ce le simple fait de s’embrasser, de se tenir la main en public, de dire simplement « être gay c’est cool aussi » à un-e adolescent-e qui s’inquiète ? Où commence la propagande, mais surtout, où commencent les mesures répressives ?
Comme le rappelait l’AFP fin juin, la peine encourue peut aller d’une amende de 100€ pour une personne physique (un être humain) à plus de 23 000€ pour une personne morale (une entreprise ou une société). Pire encore, si cette propagande est faite sur Internet : les organisations pourraient être fermées pendant 90 jours.
Même les étrangers séjournant en Russie ne sont pas en reste, puisqu’ils pourraient être condamnés à une amende ou maintenus en détention pendant deux semaines avant d’être expulsés. Un tour de force, entre autres, à l’encontre des militants LGBT qui viennent combattre aux côtés des Russes lors de manifestations pour la défense de leurs droits.
Protestations en tout genre
Cette nouvelle n’a franchement pas ravi tout le monde, bien que selon un récent sondage, 54% des Russes estiment qu’il faut punir l’homosexualité et 88% d’entre eux soutiennent l’interdiction de la « propagande homosexuelle », comme le rappelait l’AFP le week-end dernier. Une gay pride a été organisée la veille de la promulgation de la loi — évènement qui s’est terminé sur des rixes entre les forces de l’ordre et les gens opposés à l’homosexualité d’un côté et les participant-e-s de l’autre.
En Angleterre, certaines discothèques gays ont même décidé de boycotter la vodka russe pour protester, le 30 juillet dernier. Le but ? Dénoncer la répression envers les homosexuel-le-s au pays de Poutine et montrer sa solidarité à l’égard des LGBT russes.
Parmi ces alcools, la marque Stolichnaya a été une de premières a être retirée de la vente dans ces établissements. Un peu dommage, puisqu’elle s’estime du côté des homosexuel-le-s dans une lettre ouverte relayée par Le Monde :
« La vodka Stolichnaya a toujours été et continue d’être un fervent supporteur de la communauté LGBT (lesbienne, gay, bisexuelle et transsexuelle) », a affirmé Val Mendeleev, le directeur général du groupe SPI qui détient la marque. Il a également affirmé que le gouvernement russe n’avait aucun contrôle et ne possédait pas cette marque, dont le siège est au Luxembourg. »
Jeux Olympiques : les gays bienvenus tant qu’ils obtempèrent
En 2014, les Jeux Olympiques auront lieu en Russie et plus précisément à Sotchi. Il y a quelques jours, le député Vitali Milonov laissait entendre que les spectateurs et spectatrices homosexuel-le-s qui viendraient assister à cet évènement ainsi que les sportifs et sportives concerné-e-s pourraient bien être, eux aussi, arrêté-e-s.
Dans une interview pour Interfax, une agence de presse non gouvernementale traduite en anglais par Edge on the net et relayée en France par le Huffington Post, on peut lire les informations suivantes :
« Vitaly Milonov, le politicien qui a créé la loi sur la « propagande homosexuelle » à Saint-Pétersbourg l’année dernière qui a été adoptée par le reste du pays le mois dernier, a dit que cette mesure controversée serait renforcée pendant les Jeux Olympiques de 2014. Les commentaires de Milonov sont survenus peu après que le CIO a dit avoir reçu du gouvernement russe « l’assurance aux plus hauts niveaux » que les athlètes et leurs supporters ne seraient pas concernés par la loi.
« Je n’ai entendu aucun commentaire de la part du gouvernement Russe, mais je sais qu’il agit conformément à la loi. […] Et si une loi a été approuvée par la législature et signée par le président, le gouvernement n’a alors pas le droit de la suspendre. Il n’en a pas l’autorité. »
Finalement, le ministre des sports Vitali Moutko a lui-même tenu à vaguement modérer les propos du député :
« Personne n’interdit aux sportifs qui ont une orientation sexuelle non traditionnelle de venir à Sotchi. Mais ils doivent « respecter » la nouvelle législation, Par conséquent, « s’ils sortent dans la rue pour en faire la propagande, ils devront en répondre devant la loi. »
Traduction : les sportifs et supporters homosexuel-le-s sont les bienvenu-e-s, mais faudrait voir à pas montrer qu’ils le sont.
Tandis que les droits des LGBT ont tendance, globalement, à aller de l’avant à des degrés différents, il existe un grand pays puissant qui les fait largement reculer.