Publié initialement le 25 juillet 2015
J’ai vu le film Amy il y a quelques jours, et ça m’a laissé un goût amer dans la bouche. Une vraie sensation de dégoût. J’ai cru que j’avais détesté… mais plus j’y pense et plus je me rends compte de l’importance de ce film. Comme j’ai besoin de catharsis, je vous livre une critique d’Amy, un documentaire sur Amy Winehouse pas comme les autres à voir absolument !
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Les démons d’Amy Winehouse dans ce film
Quand on pense à Amy Winehouse, les premiers mots qui viennent à l’esprit après « Back to Black », « eyeliner » et « Londres » sont bien souvent « cocaïne », « alcoolisme » et « club des 27 ». L’expression « descente aux Enfers » est un peu cliché, mais le film montre qu’elle s’impose quand on veut parler de la carrière de cette chanteuse.
Amy ne se laisse pas aller à de la psychologie de comptoir. On comprend bien qu’Amy Winehouse cherche désespérément l’amour fou et est prête à tout pour rendre fier son mari, Blake Fielder-Civil – l’homme responsable de son addiction aux drogues dures.
On comprend bien, aussi, que son père, malgré tous ses défauts, malgré le fait qu’il a quitté sa famille quand Amy avait neuf ans, ou qu’il a tourné un documentaire sur sa fille sans son accord, restera toujours un héros pour elle.
On comprend que rien ni personne n’aurait pu la convaincre de quoi que ce soit : pas sa mère, qui ne s’est jamais inquiétée de la boulimie de sa fille (résultat : elle a été boulimique toute sa vie) ; pas ses ami•e•s, qui tentaient tant bien que mal de l’amener en cure de désintox (mais elle a dit no, no, no)… Pas même Universal Music, sa maison de disques : lors d’un festival de musique à Belgrade, un mois avant sa mort, elle a refusé tout net de chanter – elle n’en pouvait plus d’entonner des chansons rabâchées 1000 fois devant des foules gigantesques, alors elle a dit non.
On comprend avec fascination et un peu de terreur à la fois qu’Amy a toujours été une fille normale à qui il est arrivé un truc anormal, une fille à la voix surhumaine à qui il est arrivé des trucs inhumains, des trucs qui n’auraient jamais dû arriver.
Alors, à qui la faute ? Le film Amy ne s’interdit pas de donner quelques éléments de réponse, entre son père, son Blake… et nous.
Amy Winehouse et les paparazzis
En plus des images d’interviews télévisées, de concerts et de vidéos tournées par Amy ou ses amis, une bonne partie du film Amy est faite d’images tournées par des paparazzi. Au début, ce choix m’a énervée : je prenais ça comme un manque de respect du réalisateur (Asif Kapadia) envers la chanteuse, qui a énormément souffert du comportement de ces « journalistes ». Le film montre clairement que ces photographes people étaient ignobles avec elle… mais Kapadia pioche allègrement dans leurs images, leurs photos et leurs films pour sa propre œuvre.
Sur le coup, pour moi, c’était la preuve d’un manque d’intégrité
qui me donnait envie de vomir.
Mais ce choix du réalisateur a pris tout son sens quand j’y ai un peu plus réfléchi, une fois sortie de la salle. En fait, le film commence avec des images tournées par la chanteuse, sa famille et ses amis : on a sa perspective, on la découvre enfant ou ado, elle se plaint de ses boutons, déconne avec ses copains dans le bus, ou chante « joyeux anniversaire » à sa meilleure amie. Mais à mesure que le film avance, Amy devient connue : elle tombe dans la dépression, la drogue, la solitude.
C’est à ce moment-là que nous-mêmes, spectateurs, nous éloignons d’elle, exactement comme ses amis racontent qu’ils se sont sentis loin d’elle. Dans le film, on voit Amy Winehouse à travers les yeux des paparazzi, salaces, charognards, violents… parce que c’est comme ça qu’on la voyait à l’époque.
Revoir Amy Winehouse sous cet angle, c’est cela qui m’a mise si mal à l’aise dans mon siège de cinéma : j’avais oublié que quand elle était vivante, j’adorais ses chansons… mais je ne me privais pas pour faire des remarques sur ses tenues, son alcoolisme, ses histoires d’amour compliquées. Je la jugeais, parce que tous les médias, sans exception, m’autorisaient à le faire.
Je sais que je n’étais pas la seule à profiter de cette « autorisation » implicite, et c’est ce que le film montre en mettant les spectateurs à la place des paparazzi. Et c’est radical, comme méthode : depuis que j’ai vu Amy, j’ai décidé de ne plus jamais, jamais acheter de magazine qui contienne des photographies prises par des paparazzi. Il y en a plus que l’on ne le croit !
Une technique gênante, mais un message fort
À un moment donné, en regardant le film Amy, j’ai pensé : « j’aurais presque préféré voir un biopic ». C’est-à-dire que j’aurais préféré voir un film avec de belles images, un bon éclairage et un son agréable, quitte à devoir regretter que l’actrice ne capte pas Amy Winehouse à la perfection. En l’occurrence, la moitié des images d’Amy sont floues ou granuleuses, les commentaires de ses proches donnent l’impression d’être récités par cœur, et le film laisse une impression générale de désordre.
On ne pouvait pas réaliser de documentaire sur la chanteuse sans utiliser de vieux films en mode « dis coucou à la caméra », où la caméra en question tremble, fait des zoom-dézoom-zoom-dézoom parce que c’est rigolo, et ne fait pas bien le focus.
Le problème (pour moi), c’est que le reste du film Amy semble coller à ce style « fait-maison » aussi. Par exemple, pendant les morceaux, les paroles chantées apparaissent à l’écran dans un style hyper kitsch. En réalité, Amy manque d’homogénéité, de volupté : c’est brouillon, et ça aurait pu être fait sur Windows Movie Maker. Voilà, c’est dit.
Est-ce qu’encore une fois, c’est un choix artistique censé refléter le style « fait-maison » et naturel de la vraie Amy, qui a enregistré tout son premier album en direct ? Je peux le comprendre, mais je n’ai pas pu apprécier la manière dont il était rendu.
Heureusement, malgré ces petits défauts, le film Amy ne perd pas de son impact. Mini spoiler de rien du tout : à un moment, le film montre des images d’archives de la cérémonie des Grammy Awards de 2008 – pour moi, tout le passage autour de cette cérémonie est un des plus émouvants. Amy est à Londres, la cérémonie se tient à Los Angeles ; Amy est filmée et les images sont retranscrites en direct pour les spectateurs en Amérique. C’est Tony Bennett (à gauche), un de ses héros, qui l’annonce gagnante du prix de l’Album de l’année. Elle a l’air si émue, si sonnée, si incroyablement naturelle !
Juste après, on entend en voix-off la meilleure copine d’Amy raconter ce moment. Amy l’a prise par la main et lui a murmuré : « Si tu savais… tout cela n’a aucun intérêt sans cocaïne ».
Le film Amy reste pour moi un film à voir, que vous connaissiez toutes ses chansons ou une seule. C’est le portrait criant de vérité d’une artiste exceptionnelle qui s’est retrouvée prise au piège. Ça met mal à l’aise… et c’est normal.
Avez-vous vu le film Amy ? Qu’est-ce que vous en avez pensé ?
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
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Tout l'intérêt du docu, c'est justement qu'il regroupe uniquement des vidéos d'époques, qui nous font vite nous rendre compte qu'elle a été filmée TOUTE sa vie. D'où l'intérêt du montage, qui donne l'impression de s'immiscer dans toutes les étapes de sa vie, de l'image hyper pixelisée des années 00 aux images HD de années 2010, avec des trous quand elle s'éloignait de ses amis. Et c'est sur ce point là que l'auteur du docu réussit son tour de force : positionner tout le long du film le spectateur en voyeur, et lui montrer à quel point la société entière peut détruire un individu, même le plus talentueux, en s'acharnant sur lui. Quand on se rend compte que même les présentateurs de JT se mettaient à faire des blagues sur son addiction, que les paparazzi l'attendaient partout, que ses proches étaient à la fois faibles (sa mère) et intéressés (son père, son mec)... On ressent effectivement un profond malaise, mais à aucun moment on ne se réjouit comme les gens se sont réjouit à l'époque en voyant sa déchéance. On compatit seulement énormément, et on réfléchit à notre société, aux tabloïds, à la télé, à la célébrité, aux gens qui veulent à tout prix être célèbres, et aussi à internet, à facebook et au fait que tout est exhibé et que rien ne s'efface jamais vraiment. Ce qui fait un sacré sujet de film ...
Et puis aussi : je conchie les biopics. Depuis La Môme, je les hais, je les exècre. Je préférerai TOUJOURS un documentaire avec une succession d'image d'archive. Voilà c'est dit