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Je suis famille d’accueil pour les futurs chiens guides d’aveugles

Depuis maintenant un an, Marlène P. se promène partout avec un labrador muni d’un dossard bleu. Analyse d’une action bénévole pas comme les autres.

Publié le 2 décembre 2014

Qui n’a pas déjà admiré un chien guide dans la rue, sans oser parler à son maître ? Voilà un an que je suis entrée dans l’univers des chiens guides d’aveugle, et que je me suis rendu compte que nous connaissons souvent mal leur rôle. La personne malvoyante ne suit par exemple pas « aveuglément » son chien qui décide du chemin… C’est en fait le maître qui donne les ordres de direction, ou qui décide de démarrer au feu vert !

De la même façon, le chien guide n’est pas toujours en train de travailler… Dès qu’il arrive à la maison, on lui retire son harnais, et il sait que c’est le moment de jouer et de faire des bêtises comme tout bon chien de famille !

Les chiens guides en France

Il existe en France dix écoles fédérées et quelques autres écoles, dont une qui éduque des chiens pour les adolescents. Mon expérience se rapporte surtout à l’école fédérée de Paris d’où provient mon chien, Ister, labrador sable (enfin, roux) d’un an.

Une école fédérée est, selon chiensguides.fr, une école membre de la F.F.A.C. (Fédération Française des Associations de Chiens guides d’aveugles).

 « À ce titre, elle adhère à une charte de déontologie commune précisant notamment le but non lucratif de leur structure, la gratuité du Chien Guide, le non démarchage à domicile, la formation continue du personnel, la mise en commun des connaissances, l’acceptation des contrôles qualité par la Fédération… »

La majorité des chiens guides sont des labradors, des golden retrievers, flat coated retrievers (proche des autres retrievers) ou croisés entre ces races. L’école de Paris propose aussi quelques bergers blancs (cousin du berger allemand, mais blanc), des border collies (le chien dans Babe) et même des labradoodles — des labradors croisés avec des caniches, dont le poil est hypoallergénique !

Il existe exactement le même système de familles d’accueil pour les chiens guides pour handicapés moteurs, dont le rôle est tout aussi important.

À lire aussi : J’ai perdu la vue à 19 ans

La demande de chiens guides et leur formation

Environ 2000 chiens guides sont en activité en France, pour deux millions de malvoyants et aveugles au sens large. Bien entendu, toutes les personnes malvoyantes ne font pas de demande, mais on constate que leur nombre n’est pas suffisant… il faut deux à trois ans d’attente ! D’autant qu’une personne aveugle aura plusieurs chiens dans sa vie.

Le chien naît dans un élevage lambda ou directement dans l’élevage d’une école. Il reste avec sa mère jusqu’à trois mois environ, puis l’école a besoin d’une famille d’accueil.

En effet, à trois mois le chien est loin d’être assez mûr pour entamer un travail intensif ! Ce n’est qu’une petite boule d’amour qui ne pense qu’à faire des bêtises jouer. En fait, ce dont l’école a besoin, c’est d’une famille « lambda » : une ou plusieurs personnes, avec ou sans enfants, avec ou sans autres animaux, en maison ou en appartement… pour apprendre au chiot à vivre en famille, à connaître les bonnes manières et les premiers ordres.

Puis vers ses un an ou plus selon sa maturité, le chiot entre en éducation dans son école : son parcours devient plus intensif et il est entouré de professionnels toute la journée. Il expérimente aussi la vie en chenil avec les copains. Et six mois plus tard, il rencontre son maître définitif…

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Ister, labrador, à 4 mois — un mois après son arrivée chez nous.

Pourquoi devenir famille d’accueil de chiens guides ?

En dehors de notre éternelle velléité associative, mon copain et moi adorons les animaux — nous avons d’ailleurs été famille d’accueil pour chats.

À la fin de mes études, je me suis installée en tant que traductrice à domicile et j’ai voulu retrouver la compagnie d’un animal. Cependant j’avais des scrupules à prendre un chien pour 15 ans, notre situation n’étant pas stable, et n’ayant jamais eu de chien.

La situation de famille d’accueil offre de nombreux avantages : nous gardons le chien dans son année la plus attendrissante, bénéficions de cours d’éducation personnalisés et gratuits, la nourriture est fournie et les soins remboursés… Autrement dit, c’est tout bénef’.

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Ister à 8 mois (ce beau gosse).

De plus, l’école a cela de magnifique qu’on y rencontre de nombreuses personnes malvoyantes, avec qui on peut parler de leur relation privilégiée avec leur chien.

Depuis, j’ai appris à quel point leur chien leur était précieux

 : non seulement il apporte la sécurité dans les déplacements, mais aussi une compagnie infaillible, ainsi qu’un lien social indéniable. Avec leur chien, les maîtres multiplient leurs sorties et regagnent leur autonomie et leur confiance en soi.

Aujourd’hui, l’école de Paris s’apprête à ouvrir son propre centre d’élevage à Buc (Yvelines) pour répondre à la demande croissante… et a un besoin urgent de familles d’accueil !

Mon quotidien bouleversé

Être famille d’accueil (comme le fait d’adopter un chien), ça change la vie.

Tout petit, le chien a besoin de beaucoup de sorties par jour, car il faut lui apprendre la propreté. Ensuite, on l’emmène partout. Je fais mes courses en hypermarché avec mon chien, je l’emmène à mes rendez-vous professionnels, dans les bars le soir, à mes cours de danse le mercredi… Je sors plus et je discute avec du monde partout où je vais. Bref, même pour moi qui suis voyante, ce chien représente déjà un réel lien social.

La journée, je travaille normalement, je le promène trois fois par jour. Il agrémente mes heures de boulot de ses doux ronflements.

Et vous savez quoi ? Je suis famille d’accueil en même temps pour Prête-moi ton chat, et ça se passe au poil.

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Ister à 1 an ! Chiens guides et chats : tout à fait compatibles !

Pendant les vacances, nous l’emmenons en famille. Mais si nous partons à l’étranger ou que nous avons un empêchement, l’association a mis en place un système de familles bénévoles pour garder les chiens pendant les vacances. C’est d’ailleurs un très bon moyen pour démarrer si on ne veut/peut pas s’engager sur un an !

Apprendre à s’affirmer grâce aux chiens

Si j’ai bien un défaut, malgré les apparences, c’est celui de l’effacement. Je ne suis pas sûre de moi et je préfère parfois me défiler plutôt que de m’affirmer.

Sauf qu’avec un gros labrador orange muni d’un gilet bleu fluo, difficile de se cacher dans un magasin. Si la majorité des lieux publics nous accueillent les bras ouverts, il reste des gens très intolérants et là… j’ai dû apprendre à négocier et à ne pas me laisser impressionner.

Les premières semaines, je bredouillais un faible « Mais enfin quand même, c’est un élève-futur-chien-guide-en-éducation… », et je me faisais mettre à la porte. Maintenant, je bombe le torse, je dis « Non, Monsieur » (c’est souvent un monsieur), « c’est un chien guide, il a le droit d’accéder aux lieux publics » et je rentre malgré les protestations. Quand je suis d’humeur, je me fais même pédagogue !

Aujourd’hui, je tire une réelle fierté de mon travail de bénévole. Ister connaît sa droite et sa gauche, il sait trouver une porte ou un passage piéton, mettre ses pattes sur le composteur de ticket ou sur une poubelle, il contourne les obstacles et fait exclusivement ses besoins dans le caniveau… Il a aussi appris à faire craquer tout le monde en fixant de ses grands yeux marron de chiot triste et en poussant des gémissements plaintifs.

La séparation avec un chien guide

La question que tout le monde me pose, surtout maintenant que mon premier chien a l’âge d’entrer à l’école, c’est « Mais tu ne seras pas triste ? ».

Si, je serai triste. J’aurai sûrement les larmes aux yeux en le voyant partir avec son éducatrice pour entrer définitivement à l’école. Pour l’instant, nous faisons une transition en douceur : une semaine par mois, Ister va en stage à l’école, et moi je réapprends à vivre sans lui.

Mais ce sera une séparation heureuse. Je sais qu’il aime apprendre, qu’il aime faire plaisir à son maître. J’ai vu l’amour que les personnes malvoyantes portent à leur chien. Mon chien ne finira jamais dans une fourrière, ne sera jamais laissé seul toute la journée, il accompagnera toujours son maître au quotidien, jusqu’à la retraite, et j’en serai fière.

De plus l’école a toujours besoin de placer de nouveaux chiots, et je serai prête à reprendre une petite boule d’amour et de bêtises pour tout recommencer !

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Ister face à un skateur la relève (son cousin germain, en l’occurrence !).

Une très bonne opportunité pour les madmoiZelles en début d’activité

Je trouve que cet engagement manque de visibilité chez les jeunes, pourtant souvent plus ouverts à l’idée de rendre le chien au bout d’un an.

Bien entendu, tout le monde ne peut pas être famille d’accueil : la première contrainte étant l’activité professionnelle où il faut emmener le chien. Pour les indépendants qui se déplacent peu comme moi, ce n’est par contre pas un souci. Pour ceux qui travaillent en bureau, il faut savoir que ces chiens ont droit au même accès que des chiens guides accompagnant une personne malvoyante ! Mais ce sera bien entendu plus difficile à négocier pour une madmoiZelle surveillante de piscine, cuisinière en restauration, peintre en bâtiment ou encore chirurgienne dans un CHU…

Cependant j’ai rencontré des familles d’accueil qui sont kiné, professeurs des écoles ou informaticiens dans de grandes boîtes… De nombreuses professions sont représentées.

Et des adaptations sont possibles : au début, mon copain et moi vivions à deux dans 23 m², et ça s’est merveilleusement bien passé.

Vous hésitez encore ? Les écoles sont toujours prêtes à vous accompagner dans votre démarche et à vous conseiller. La plupart organisent des réunions d’information. Et pour ma part, je suis toujours ravie de répondre aux questions concernant mon expérience !

Parlez-en autour de vous !

À lire aussi : Christelle, bénévole à l’Association nationale des maîtres de chiens guides d’aveugles – Portrait

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Les Commentaires

29
Avatar de Portnawak
6 janvier 2021 à 14h01
Portnawak
Il y a un documentaire en 4 ou 5 épisodes sur Disney+ où on suit une portée de labradors depuis l'arrivée dans leurs familles d'accueil jusqu'à ce qu'ils partent chez leurs propriétaires définitifs, c'était très intéressant même si c'est assez survolé.
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