Ne faites pas les innocentes, je sais bien qu’un jour, vous aussi, vous avez soupiré bien fort en pensant que la vie serait plus chouette si vous étiez Norah de la 5ème B (non ?), juste parce qu’elle était vraiment très belle et que ses cheveux brillaient (et qu’elle avait un super jogging à pressions de marque, elle). La vie est-elle vraiment plus facile avec le Bombasse Factor ? En voyant mon cousin préféré bouger la tête au rythme des méga-bombes de Pulco Citronnaïde, je me suis dit : SANS DOUTE.
Mais comment peut-on définir la beauté ? Est-elle subjective ou au contraire universelle ? Quelles en sont les représentations ? Est-elle utile ?
Comment définir la beauté ?
A ce jeu-là, plusieurs théories s’affrontent, nous avons de quoi piocher ce qui nous arrange. L’approche « physiognomiste », centrée sur le visage, explique que le label « beau/pas beau » vient d’un mélange entre les impressions propres de l’observateur et un processus biologique : nous préférerions en général les visages moyens et symétriques, a priori parce qu’ils seraient perçus comme des indicateurs de bonne santé ou d’une capacité reproductive +++.
Pour la petite anecdote, Langlois et Roggman (1990) ont entrepris de mélanger deux photos de visages pour parvenir à une troisième photo (censée être une « moyenne »). Cette photographie est largement plébiscitée par les individus prenant part à l’expérience : c’est donc le visage le plus commun qui est considéré comme le plus attractif et les personnes les plus belles seraient finalement les plus moyennes (TAKE THAT, AYEM/ANGELINA/JENNIFER….).
En psychologie sociale, l’importance ne sera pas tant de discuter d’un critère de beauté commun et l’on attribuera la beauté à l’œil de son observateur. Les jugements « méga-beautiful & vieux thon » seraient établis à partir de critères subjectifs variant avec le temps, les contextes, les interactions… Plus qu’à la conception de beauté en elle-même, on s’intéressera aux impacts de sa perception, tant sur ses observateurs que sur ses victimes.
Si tu es belle, tu seras aussi bonne
Pour me la jouer intello show-off, j’aurais pu commencer par vous dire ÉVIDEMMENT, même Kant a dit que le beau « était l’expression du bon »… Mais la vérité, c’est que j’ai pensé aux contes de fées en premier. Je ne te cause pas des contes de fées 2011, où visiblement les princesses ne voient aucun problème à roter, péter et salir leurs robes, non, je te cause des contes de fées qu’on nous filait à nous, dans les années 90 : les princesses étaient peut-être passives, gourdasses et nian-nian à souhait, mais n’étaient-elles pas l’incarnation parfaite de la bonté, hein ? Bobonne-coconne, vous me dites ?
Quoi qu’il en soit, l’idée est bien ancrée et a permis aux chercheurs de montrer que la beauté est systématiquement associée à un florilège de qualités…
#1 Si tu es belle, les gens seront drôlement sympathiques avec toi (ils sont probablement reconnaissants de croiser tant de sexy-tude)
Snyder & al.** (1977) ont ainsi proposé à des étudiants masculins de s’entretenir au téléphone avec une étudiante, dont une photographie était fournie. Pour certains étudiants, celle-ci représentait une jolie fille, pour d’autres une fille laide. Bingo, oh joy & sick sad world, les étudiants étaient plus sympathiques lorsque leur interlocutrice était censée être belle. Effet papillon (ou plutôt confirmation d’hypothèse) : les interlocutrices étaient par conséquent aussi plus sympathiques (si quelqu’un est gentil envers moi, j’aurais tendance à agir de façon réciproque). Finalement, le critère de beauté influence non seulement le comportement des étudiants, mais aussi celui des interlocutrices.
Ne hurlons pas au scandale trop vite, l’expérience a été réédite en inversant les rôles… Garçons, filles : même combat.
>> Niveau de praticité ++++ : les filles jolies n’auront sans doute jamais affaire au type grognon de la Poste, qui refuse de prendre votre colis parce que vous n’avez pas mis de scotch PARTOUT.
#2 Si tu es belle, les gens te fileront plus de $$$ (parce que tu le vaux bien)
Lors d’une expérience de Reingen et Kernan (1993), des hommes et femmes devaient solliciter des personnes dans la rue pour les persuader de faire une donation à une association pour les maladies cardio-vasculaires. Ces individus étaient au préalable sélectionnés pour leur attrait physique (par ce que l’on appelle la « méthode des juges »)… Bingo-le-retour : il y aurait plus de 40% de donateurs lorsque le solliciteur est attrayant et moins de 25% lorsqu’il est considéré comme « peu attrayant »… La beauté jouerait ainsi un rôle non négligeable dans l’efficacité à obtenir des dons.
>> Niveau de praticité +++++ : peut-être même qu’on tient là l’une des raisons pour lesquelles le monde ne tourne pas rond (et pour lesquelles quelques blogueuses modo-beauty se voient couvrir de cadeaux)(tout ça pour nous fanfaronner : c’est SUPER ! GENIAL ! Je le porterais TOUTE MA VIE !).
#3 Si tu es belle, tu seras aussi intelligente
Du moins, c’est ce que tes profs croiront. En 1975, une étude mise en place par Clifford démontre que lorsqu’ils évaluent un(e) élève beau (belle), les enseignants surestiment systématiquement leur niveau d’intelligence, ainsi que leur réussite future… Ainsi que l’intérêt de leurs parents pour eux, tant qu’on y est. De la même manière, lorsque l’on fournit des photographies des étudiants avec leurs copies, sachez que les physiques avenants obtiennent des notes plus élevées (et que les physiques ingrats perdent des points). Pour ne rien gâcher, tout ce petit système s’accentue à l’oral, comme si nous avions besoin de ça !
>> Niveau de praticité +++ :
ai-je vraiment besoin d’expliciter le côté pratique d’avoir de bonnes notes par la seule force de son sourire ?
#4 Si tu es belle, tu seras vachement moins coupable
Summum probable de cet article-ode à l’injustice, il paraîtrait même que les jurés, face à un même délit, soient plus indulgents avec un bel accusé (Efran, 1975). Autrement dit, si tu es un peu jolie, y a moyen de moyenner avec la Loi.
>> Niveau de praticité + : tout dépend de ta passion pour l’illégal, je suppose. Si tu es comme moi, que tu rapportes systématiquement tout ce que tu trouves à la polie et que ton entourage t’a renié, on peut supposer que tu n’auras jamais affaire aux jurés (et donc jamais à leurs jugements injustes) (mis à part si tu engages un baby-sitter qui décide de séduire ton mec et de simuler sa propre tentative d’assassinat pour te foutre en taule) (comme sur TF1)(14h50, toi-même tu sais).
#5 Si tu es belle, tu seras forcément compétente (et mieux payée)
Comme si tout ça n’était pas assez et qu’il fallait rajouter un peu de crazyness dans ce monde trop pragmatique, le sociologue Jean-François Amadieu s’est penché sur la thématique du recrutement. Autant vous dire, le constat est effarant : lorsqu’une photo de candidature présente un visage moche, l’individu aura largement moins de chances de décrocher un entretien. Même constat pour un visage obèse. La discrimination ne s’arrête pas lorsque l’on parviendra à obtenir ce fameux entretien, et de nombreux travaux anglo-saxons montrent que tout le déroulement de la carrière pourrait être influencé par notre attrait physique. Pêle-mêle, les beaux auraient de meilleurs salaires, seraient mieux intégrés au sein de l’entreprise, obtiendraient de meilleures évaluations de performances et permettraient un bon déroulement de carrière.
>> Niveau de praticité ++++++++++ : je dirais même niveau de praticité éternel (si j’avais été une bombe, j’aurais pu finir psy dans confessions intimes)(ou Secret Story)(n’est-ce pas le rêve de tout psychologue sensé ?).
Le monde est donc un salaud sans foi ni loi et surtout sans aucune justice. L’idée selon laquelle « ce qui est beau est bien » nous amène en majorité à récompenser le beau et à punir le laid, à acclamer des bimbos et à se moquer des Susan Boyle. Pour autant le sort n’est pas implacable, et ne pas être beau ne signifiera pas fatalement finir chômeur de longue durée, sans le sou et entouré par des personnes qui ne nous voudront aucun bien… Simplement, peut-être que les choses seront plus compliquées – disons moins facilitées. Peut-être qu’un jour une grande liane au sourire Colgate vous coiffera au poteau pour ce super job. Peut-être aussi qu’un jour, elle perdra ses dents et pigera bien vite le système.
Finalement, se rendre compte de ces injustices, être parfaitement conscient des discriminations que l’on pourrait nous-mêmes commettre pourrait être l’une des clés pour lutter contre leur emprise et bousculer l’ordre des choses. Peut-être aussi que Victoria Silvstedt est une visionnaire et qu’elle use de la chirurgie pour assurer sa place au soleil et dominer le monde.
* N’hésitez pas à venir partager vos idées, envies et réflexions pour des articles psycho-socio sur le forum !
** « & al. », ça veut dire « & collègues », et ça aura rendu perplexe des tas d’étudiants de première année : « putain, mais c’est qui Al ?! » (je n’ai pas dit que nous étions très futés)(Finalement, le « & al. », c’est un peu le « il faut boire avec modération/mais c’est qui ce modération » de la recherche).
Pour aller plus loin
– Un dossier des « têtes chercheuses » centré sur le corps – Une interview d’Amadieu par l’Express – Un article de sciences humaines sur « la tyrannie de la beauté » – Une vidéo-interview d’Amadieu par David Abiker
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Je pense que pour qu'on dise qu'une personne est belle, il faut : 1. qu'elle soit belle selon les normes de la société, ou 2. qu'on lui trouve du charme, qu'elle soit sympathique et avenante, sûre d'elle.
Par exemple, si on voit une photo d'une personne disons "normale", on va pas forcément être attiré. Par contre, si cette personne, dans la vie, paraît enjouée, amicale, bienveillante, drôle (je dis des qualités comme ça, qui me viennent ^^) et ben on peut quand même être attiré non ? Donc finalement la beauté c'est une question de perception. On est plus beau pour soi ET pour les autres si on s'aime, si on est sûr de soi.
Je vais prendre moi comme exemple (pardon :ninja :
Toute la primaire et tout le collège j'ai porté des lunettes. J'étais pas moche en-dessous, j'étais plutôt une jolie gamine, mais ces lunettes m'ont donné une mauvaise image de moi. Pour moi, une binoclarde ne POUVAIT PAS être belle ! C'était inconcevable pour moi, même jusqu'en 3ème ! Du coup j'avais pas du tout confiance en moi, je me sentais moche, vulnérable et rabaissée dès qu'il y avait des gens supposés beaux à côté de moi. Et du coup je pense que les gens ne me trouvaient pas belle non plus, puisque je me mettais pas en valeur, j'étais tout le temps fuyante.
Mais depuis la seconde, je porte des lentilles (vous pouvez pas savoir comment ça a changé ma vie :non. Maintenant je me trouve plutôt belle, on me dit que je le suis, je me sens plus forte et plus attirante, c'est fou comment ma perception de moi-même a influencé tout le monde (après c'est mon impression, voilà)
Sinon je voulais dire aussi qu'être mignonne ça a des désavantages (on le sait) mais pas toujours ceux qu'on croit :
*attention anecdote nulle*
Un homme plutôt agé, il doit avoir plus de 50 ans, ami de mes parents, m'a dit bonjour l'autre jour. Avant de me faire la bise, il m'a regardé, genre fasciné, c'était troooop gênant (après il a surement fait exprès d'amplifier le truc pour me faire chier :hesite. C'était horrible, je me sentais regardée en tant que belle chose mais pas en tant que personne.
*fin d'anecdote nulle*